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vises, & particulièrement des dorures & des fourrures de vair : ce qui donna lieu à la qualité de Chevaliers dorés. P. Menest.

Chevalerie s’est dit, en pays coutumier, des lieux & métairies chargées du logement des gens de guerre à cheval. Equitum hospitia. D’où vient que plusieurs portent le nom de la Chevalerie, ou des terres sujettes à ce droit-là.

Chevalerie. (Aide de) Taille qu’il est permis au Seigneur de lever, dans certaines coutumes, quand il fait son fils Chevalier.

CHEVALET. s. m. Banc ou tréteau qui sert à donner la question qui fait bander les cordes sur lesquelles les corps des criminels sont suspendus en l’air. Equuleus. Les rous ni les chevalets n’ont point ébranlé la constance des Martyrs.

Chevalet, chez les Anciens, étoit aussi une espèce de supplice ou torture, qui n’étoit autre chose qu’un cheval de bois fait en talus ou en dos d’ane, qui avoit un angle fort pointu sur lequel on mettoit le patient, auquel on attachoit des poids aux pieds. On en voit encore dans les corps de Gardes des citadelles. On y met les Soldats de la garnison, pour les punir des fautes qu’ils comettant. Il est ainsi décrit dans le livre de Hirronymus Magius de Equuleo, qu’il écrivit, dit-on, en prison chez les Turcs, aussi-bien que son Traité des Cloches, & sans autre secours que celui de sa mémoire. Sigonius a fait aussi un Traité sur le même sujet.

Chevalet, en termes de Charpenterie, se dit d’une pièce de bois assemblée en travers sur deux autres pièces à plomb, pour soutenir des planches, des solives, qui font des ponts sur les petites rivières, & qui servent en mille autres occasions. Canterius. C’est encore l’assemblage de deux roulets sur le faîte d’une lucarne. On appelle aussi chevalets, les étaies qu’on met aux batimens pour les reprendre sous œuvre, pour y mettre des poutres, &c. ☞ On en fait le synonyme de chevalement. Je croirois pourtant que le chevalet est l’étaie même qu’on met à un édifice pour le reprendre sous œuvre ; & chevalement, l’action de mettre cette étaie. Ce chevalement a tant coûté. En général les Artisans appellent chevalet, tout ce qui sert à élever ou baisser leur ouvrage, à le tenir à une hauteur convenable pour travailler plus commodément. Ainsi le chevalet est chez les Serruriers & Taillandiers, une petite machine de fer sur laquelle on met le foret pour percer le fer. Il y a aussi chez les Serruriers un chevalet à blanchir, c’est-à-dire, qui sert à blanchir le fer. C’est, chez les Tanneurs, une pièce de bois creuse & ronde, longue de quatre ou cinq piés, sur quoi on quioffe les cuirs. C’est, chez les Cordiers, une espèce de haute selle à cinq piés pour soutenir la sangle, lorsqu’on en fait. C’est, chez les Meûniers, un morceau de bois qui tient une corde soutenant l’auget de la tremier. Les Pilotes appellent chevalet, le clou qui attache l’alhidade à l’astrolabe : on l’appelle aussi écroue.

Chevalet est aussi une petite regle ou pièce de bois qu’on pose à plomb sur la table des instrumens de Musique, pour en soutenir les cordes. Fidium canteriolus. Le chevalet d’une épinette, d’un violon. Le chevalet mobile d’un monochorde fait voir la proportion que les tons ont avec les divisions de la ligne sur laquelle la corde est tendue. Le chevalet du luth, du théorbe, &c. est la partie où sont attachées les cordes par en bas. Le manicordion a cinq chevalets. Ce mot vient d’un diminutif de caballus, parce qu’il porte les cordes comme un cheval porte un homme. Ménage.

Les Imprimeurs appellent aussi chevalet, la partie de la presse sur laquelle s’arrête le barreau après qu’il a tiré. Il y a encore le chevalet du tympan.

Chevalet, en termes de Peinture, signifie aussi une machine de bois, espèce de pupitre en forme de trépié, sur lequel les Peintres posent leurs tableaux, dans le temps qu’ils y travaillent. Tous les ouvrages s’appellent tableaux de chevalet, parce qu’il ne s’en fait point d’autres sur le chevalet. Le Poussin n’a guère fait que des ouvrages de chevalet. Machina pictorum tabulas sustinens. Ils le haussent ou ils le baissent par le moyen de divers trous qui sont aux côtés du chassis. Les Sculpteurs le disent aussi du pié sur lequel ils posent leur modèle.

Chevalet, est aussi un échaffaut de Couvreurs, qu’ils nomment autrement triquet.

Chevalet, en Astronomie, est l’une des constellations septentrionales : on l’appelle autrement poulain mi-parti.

Chevalet, en termes de Marine, est une machine avec un rouleur mobile, qui sert à passer des cables d’un lieu à un autre.

Chevalet, terme de Guerre. Ce sont deux fourches sur lesquelles porte un travers, pour soutenir les armes du piquet. Les Sergens de piquet doivent détacher six hommes avec des haches & des serpes, pour aller couper au bois le plus prochain deux fourches & un travers pour faire le chevalet, qu’on mettra à la droite du camp de chaque bataillon, en travers de la première tente des Grenadiers, au premier faisseau, un pas en dehors. Sitôt qu’il sera fait, ils doivent faire reprendre les armes aux soldats, & les leur faire poser à droite & à gauche du chevalet. Lorsqu’on en aura le temps, il faudra y faire faire un abri couvert de branches d’arbres, ou de paille, pour garantir les armes de la pluie. Bombelles.

Chevalet, terme d’Histoire, Fête instituée à Montpellier depuis Pierre II Roi d’Arragon, qui avoit épousé Marie, fille unique de Guillaume Comte de Montpellier. Ce prince devint éperdument amoureux d’une jeune fille de Montpellier, nommée Catherine Rebuffe, & oublia bientôt la Reine son épouse. Son aversion pour elle augmentant tous les jours, la race des anciens Comtes de Marseille alloit être éteinte, sans le stratagéme dont se servit la belle Catherine, en mettant la Reine à sa place dans son lit, une nuit qu’elle attendoit le Roi. Pierre ne distingua point l’épouse, de la maîtresse ; & dans la suite il fut ravi de devoir à cette innocence tromperie la naissance d’un héritier légitime. Catherine n’en fut que plus considérée de tout le monde, & plus aimée du Roi qui voulut un jour entrer publiquement dans la ville de Montpellier, monté sur une haquenée blanche, portant sa maîtresse en croupe. Les habitans, flatés de l’honneur qu’avoit reçu leur concitoyenne, demandèrent au Roi cette même haquenée, qu’ils obtinrent, & imposèrent à la ville la charge de la nourrir. Elle vécut pendant près de vingt ans, & ne paroissoit que le même jour que le Roi avoit fait son entrée. On la promenoit autour de la ville, les chemins étoient jonchés de fleurs, & toute la jeunesse étoit autour, chantant & dansant. On prit goût à cette fête ; & après la mort de cette pauvre bête, on s’avisa de remplir sa peau de foin, & de recommencer tous les ans la même cérémonie. C’est ce qui a donné naissance à la fête du chevalet. Un jeune homme proprement vêtu, monté sur un cheval de carton, lui fait faire le manège au son des hautbois & des tambourins : un de ses camarades tourne autour de lui, ayant un tambour de basque, dans lequel il fait semblant de vouloir donner de l’avoine au chevalet. L’adresse consiste à faire éviter l’avoine au chevalet sans se detourner de son exercice, & le donneur de civade doit le suivre dans toutes ses caracolles, sans s’embarrasser avec lui : ce qui se fait toujours en cadence. Vingt-quatre danseurs, vêtus à la légère, avec des grelots aux jambes, & conduits par deux Capitaines, se mêlent autour des deux autres & s’entrelacent en plusieurs façons, en dansant les mêmes rigaudons que le chevalet.

CHEVALEUREUX. adj. Vieux mot qui se disoit autrefois des grands exploits des Chevaliers, soit à