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CHE

On ne les prend que pour leurs dents ; mais entre cent, on n’en trouvera quelquefois qu’un qui ait les dents bonnes, parce que les uns sont encore trop jeunes, que les autres n’on qu’une dent, & les autres point du tout. Leurs dents ne sont plus si estimées qu’elles étoient autrefois.

Quand on les apperçoit, ou qu’on les entend meugler sur la glace, où ils sont ordinairement en grand nombre, on s’en approche sans bruit avec les chaloupes ; mais je crois que pendant qu’ils dorment, il y en a toujours un qui fait sentinelle ; car j’ai souvent remarqué que lorsqu’on est tout proche, il y en a un qui donne un coup de dent à son voisin, & celui-ci à un autre, jusqu’au dernier. Dès qu’ils sont éveillés, ils se dressent sur leurs pattes de devant, & regardant affreusement & avec un mugissement terrible, ils frappent de leurs défenses sur la glace, comme s’ils les aiguisoient : c’est même avec l’aide de leurs dents qu’ils se traînent lorsqu’ils veulent courir vite, ou monter sur la glace.

Leur plus grande force gît dans leur tête ; & leur peau, qui est plus épaisse vers le cou, que sur le reste du corps, a autant d’épaisseur que celle d’un élan, & beaucoup plus de fermeté : de sorte que si on l’apprêtoit comme l’autre, on s’en pourroit servir pour faire des bufles. Lorsque le cheval marin est mort, on lui coupe seulement la tête, qu’on apporte à bord, l’on en arrache les dents, & on abandonne le reste du corps. Les deux longues dents ou défenses sont pour les Marchands ou propriétaires des vaisseaux : les autres ne sont que peu ou point estimées.

Cheval, (Queue de) est une herbe dont les feuilles ressemblent aux crins d’un cheval. On l’appelle autrement prêle. En latin, equisetum. Voyez Prêle.

Cheval, (Fer de) se dit, en termes d’Architecture civile & militaire, des ouvrages faits en rampe où on monte des deux côtés, qui représentent un fer à cheval. Structuræ genus ad soleæ ferreæ formam expressum. Il y en a dans des maisons de campagnes, & dans des dehors de quelques places, qui servent de demi-lune.

Cheval, (A) se dit adverbialement. A cheval, à cheval, se dit quand on commande à la cavalerie de se mettre en état de combattre, ou de partir. Equos conscendite.

Cheval se dit proverbialement en ces phrases. Il a changé son cheval borgne contre un aveugle ; pour dire, qu’il a perdu sur un troc qu’il a fait, soit de cheval, soit de toute autre chose. On dit, à cheval donné on ne regarde point à la bouche ; pour dire, qu’on reçoit les présens tels qu’ils sont : & ce proverbe se dit en italien & en espagnol de même : A caval donato non si guarda nella bocca. On dit aussi que l’œil du maître engraisse le cheval ; pour dire, qu’il ne faut point se reposer sur les valets du soin des chevaux, ni même de toutes les autres affaires d’une maison. On dit d’un homme, qu’il n’a ni cheval ni mule ; pour dire, qu’il n’a aucune monture, qu’il est contraint d’aller à pié, qu’il est gueux. On dit aussi qu’un homme est mal à cheval ; pour dire, qu’il n’est pas bien dans ses affaires, qu’il est proche de sa ruine. On dit aussi, qu’un homme fait le cheval échappé, quand il est libertin, emporté, incorrigible. On dit encore, je lui ferai voir que son cheval n’est qu’une bête, pour dire, je lui ferai voir qu’il n’a pas raison. On dit aussi, qu’il est aisé d’aller à pié, quand on tient son cheval par la bride ; pour dire, qu’on souffre bien de petites incommodités volontaires, quand on s’en peut délivrer si tôt qu’on le veut. On dit aussi, qu’il fait bon tenir son cheval par la bride, pour dire, qu’il ne se faut point dessaisir de son bien de son vivant. On dit aussi, qu’un homme monte sur ses grands chevaux ; pour dire, qu’il parle en colère & d’un ton hautain. On dit aussi, qu’un homme est bon cheval de Trompette, qu’il ne s’épouvante pas pour le bruit, lorsqu’il ne craint point les menaces ni les crieries. On dit aussi, qu’il parle à cheval ; pour dire, qu’il parle en maître, avec autorité, ou bien qu’il parle bien à son aise. On appelle un homme fort grossier & stupide, un cheval de carrosse, un cheval de bât, un gros, un franc cheval. On dit, il n’est si bon cheval qui n’en devint rosse ; pour dire, qu’on a fait travailler excessivement quelqu’un. On dit au contraire, que jamais cheval gentil ne devint rosse ; pour dire, qu’on donne même en sa vieillesse des marque de ce qu’on a valu dans sa jeunesse. On dit aussi, qu’il n’y a si bon cheval qui ne bronche ; pour dire, qua chacun est sujet à faire des fautes. On dit encore, des femmes & des chevaux, il n’en est point sans défauts. On dit qu’un cheval est chargé de maigre, qu’il vient de la Rochelle, d’un cheval qui n’est pas gras ; par allusion à un poisson qui est commun à la Rochelle, appelé maigre ; & aussi à cause de la disette qu’on avoit soufferte à ce siège. On dit aussi, jamais cheval ni méchant homme n’amenda pour aller à Rome. On dit aussi, il est bien temps de fermer l’étable quand les chevaux s’en sont enfuis, pour dire, qu’il n’est plus temps de chercher des précautions quand le mal est arrivé. On dit qu’un coup de pié de jument ne fait point de mal au cheval ; pour dire, qu’un homme doit prendre galamment toutes les malices que lui font les femmes. On dit aussi, qu’à un cheval hargneux il lui faut une étable à part ; pour avertir que quand on voit des grondeurs, il se faut séparer de leur compagnie. On dit encore que les chevaux courent les bénéfices, & que les ânes les attrapent. On dit, après bon vin, bon cheval ; pour dire, qu’un homme qui a bien bu, sait bien trouver des jambes à son cheval. On dit, pour se mocquer d’un train en désordre, c’est l’ambassade de Viarron, trois chevaux & une mule. On appelle une selle à tous chevaux, une chose qui peut servir à plusieurs usages, en plusieurs occasions, comme des lieux communs, de certains discours généraux, &c. On dit aussi, qu’on a cherché quelqu’un à pié & à cheval ; pour dire, qu’on a fait toutes les diligences possibles pour le trouver. On dit aussi, qu’un homme bride son cheval par la queue, quand il commence par où il doit finir. On dit encore, cheval de foin, cheval de rien : cheval d’avoine, cheval de peine, cheval de paille, cheval de bataille. On dit aussi, qui aura de beaux chevaux, si ce n’est le Roi ? quand on voit quelque chose de précieux entre les mains d’un homme riche. On dit d’un goinfre, d’un écornifleur, qu’il se tient mieux à table qu’à cheval. On dit aussi d’un travail qui demande peu de génie, mais qui donne beaucoup de fatigue, que c’est un travail de cheval. On dit aussi d’une médecine trop forte, que c’est une médecine de cheval. On appelle à Paris courtisans du cheval de bronze, les filous & les personnes de mauvaise vie qui fréquentent le pont-neuf pour y attraper quelqu’un. On dit d’une personne qu’on charge de toutes les affaires difficiles, fatigantes, d’une maison, d’une société, qu’il est le cheval de bât. A jeune cheval vieux Cavalier, pour dire, que dans les affaires épineuses & inconnues, il faut s’adresser à des gens d’expérience. A méchant cheval bon éperon, pour dire, qu’il faut un habile homme pour conduire une affaire douteuse.

On ne convient pas du temps auquel on a commencé à monter les chevaux. Le Scholiaste d’Euripide & Eustathe, sur le IIe Liv. de l’Illiade d’Homère, prétendent que les Anciens n’avoient point l’usage des chevaux de selle, ne se servant des chevaux que pour traîner leurs chariots. Ils soutiennent que les courses à cheval n’ont été introduites aux Jeux Olympiques, qu’en l’Olympiade 85. Mais cela ne peut être ; car les Centaures, auxquels on attribue l’invention de monter les chevaux, étoient avant ce temps-là. On prouve aussi par Pausanias, qu’au temps d’Hercule, qui institua les