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CHE

On a remarqué sur une médaille de Licinius une espèce de cheval de Frise, fait avec des pieux entrelacés ; c’est la marque d’un camp fortifié & palissadé pour la sûreté des troupes. P. Job.

On appelle cheval de bois, une figure de cheval qui se hausse & se baisse par le moyen de quelques chevilles de fer. Equus ligneus. Il sert dans le Manège à faire des exercices pour voltiger.

☞ On appelle encore cheval de bois, un instrument de châtiment militaire qu’on a coutume d’exercer sur les Soldats & sur les filles débauchées qui suivent l’armée. C’est une pièce de bois taillées en arrête, & posée sur des trétaux, avec une tête de cheval.

Cheval de Terre. Terme de marbrier. Grand vide rempli de terre, que rencontrent dans un bloc ceux qu’on emploie à tirer les marbres des carrières. Moles terrea.

Cheval Pégase, est un cheval que les Poëtes ont feint avoir des aîles, & avoir fait naître la fontaine d’Hippocrene en frappant du pié sur le mont Parnasse. Pegasus. Il servit de monture à Bellérophon quand il alla combattre la chimère. Depuis on a feint qu’il s’est envolé au ciel, où il y a une constellation de ce nom.

En cet âge brutal,
Pégase est un cheval qui porte
Les grands hommes à l’hôpital.Main.

Il n’appartient pas.
A notre Pégase comique,
De prendre un galop héroïque ;
Car il n’est qu’un cheval de pas. Scar.

Athénée appelle le vin, le grand cheval des Poëtes.

Chevaux du Soleil. Ovide les nomme Eoüs, Piroïs, Æthon & Phlegon, noms grecs, dont l’étymologie marque la qualité. Ils sont nommée ailleurs Erythoüs ou le rouge, Acteon ou le Lumineux, Lampos, ou le resplendissant, & Philogeus, qui aima la terre. Le premier désigne le lever du Soleil, dont les rayons sont rougeâtres. Actéon marque le temps où ces mêmes rayons sortis de l’atmosphère sont plus clairs, vers les neuf ou dix heures du matin. Lampos figure le midi, où la lumière du soleil est dans toute sa force, & Philogéus représente son coucher, lorsqu’il semble s’approcher de la terre.

Chevaux de Mars. Servius les nomme demos & phobos, la crainte & la terreur : mais dans Homère, ce sont là les noms des Cochers de Mars, & non de ses chevaux.

Cheval de Pacolet, est un cheval de bois, fabuleux, qui alloit dans les airs, & qui se conduisoit avec une cheville, dont il est fait une ample mention dans le Roman de Valentin & autres. Equus fabulosus.

Cheval de Troye, est un grand cheval de bois, par le moyen duquel les Grecs ont feint que Troye avoit été prise ; ayant été introduit dans la ville comme une offrande à Pallas. Equus Trojanus. Il y avoit plusieurs grecs cachés dans le ventre de cette machine, qui en étant sortis surprirent les habitans.

Cheval Fondu, est un jeu d’enfans, où les uns sautent sur la croupe des autres qui sont courbés.

En termes de Blason, on appelle cheval ou poulain gai, celui qui est peint nu, sans bride ni licou. Liber equus. Et on dit cheval effrayé, ou cabré, quand il est peint rampant. Equus arrectus. On dit aussi animé, pour exprimer que son œil est d’un autre émail, animatus ; & armé, en parlant du pié que la nature lui a donné pour se défendre, quand il est aussi d’un émail différent. Armatus. On le blasonne aussi bradé, houssé & caparassonné. Equus demisso amploque ornatus ac coopertus stragulo, stragulatus.

Cheval de rivière, que quelques-uns appellent hippopotame. Voyez ce mot.

Cheval Marin ou Bœuf Marin ou Morse. Frédéric Martens, de Hambourg, dans le Journal de son voyage au Spitzberg & au Groenland fait en 1671, appelle cet animal cheval ou bœuf marin, ne distinguant point deux espèces, & n’en faisant qu’un même animal. Il le distingue du Veau marin. Le cheval marin, dit-il, ressemble assez au veau marin, si ce n’est qu’il est beaucoup plus gros, puisqu’il est de la grosseur d’un bœuf. Ses pattes sont comme celles du veau marin. Celles de devant, comme celles de derrière, ont cinq doigts ou griffes, mais les ongles en sont plus courts. Il a aussi la tête plus grosse, plus ronde, & plus dure encore que celle du veau marin. La peau de cet animal a bien un pouce d’épaisseur, sur tout autour du cou. Les uns l’on couverte d’un poil de couleur de souris, les autres d’un poil rouge, les autres gris, & les autres ont très-peu de poil. Ils sont ordinairement pleins de gales & d’écorchures qu’ils se font à force de se grater, de sorte qu’on diroit qu’on leur a enlevé toute la peau. Par-tout autour des jointures ils ont la peau fort ridée. Ils ont à la mâchoire d’en haut deux grandes & grosses dents, qui leur descendent même au dessous des babines inférieures, & qui ont un pié de long, quelquefois deux, & quelquefois plus. Les jeunes n’ont point ces défenses, elles leur viennent avec l’âge. Quoique les vieux soient naturellement munis de deux semblables défenses, j’en ai pourtant vû qui n’en avoient qu’une ; mais il se peut qu’ils les perdent en se battant, ou en vieillissant. J’en vis en effet qui avoient les dents gâtées, creuses & pourries. Ces deux dents sont si blanches, qu’elles sont plus estimées & plus cheres que l’ivoire. Elles sont solides en dedans & pesantes. On en fait des manches de couteau, des boîtes, &c. & des autres dents, les habitans du Jutland en font des boutons pour leurs habits. Ces animaux ont l’ouverture de la gueule aussi large que celle d’un bœuf : & au dessus & au-dessous des babines, ils ont plusieurs soies, qui sont creuses en dedans, & de la grosseur d’une paille. De ces soies les Matelos se dont des bagues qu’ils portent au doigt, pour se garantir de la crampe, à ce qu’ils disent. Ces bœufs marins ont au dessus de la barbe d’enhaut deux naseaux en forme de demi-cercle par où ils rejettent l’eau, comme les baleines, mais avec bien moins de bruit. Leurs yeux sont assez élevés au dessus du nez, & ils ont des sourcils comme les autres animaux à quatre piés. Ces yeux sont aussi rouges que du sang. Quand ils les tournent en jetant la vue sur quelqu’un, ils paroissent encore plus affreux. Leurs oreilles sont un peu plus élevées que leurs yeux, mais elles sont peu éloignées, & ressemblent à celles des veaux marins. Leur langue est pour le moins aussi grosse que celle d’un bœuf. Si on la fait bouillir d’abord, on en peut manger ; mais si on la garde deux ou trois jours, elle devient rance & sent l’huile de poisson. Ils ont le cou si épais, qu’ils ont de la peine à tourner la tête, ce qui les oblige à tourner extrêmement les yeux. Ils ont la queue courte comme celle des veaux marins.

On ne peut point leur enlever la graisse, comme on fait aux veaux marins, parce qu’elle est entrelardée avec la chair comme la graisse de pourceau à laquelle elle ne ressemble pas mal. Le cœur & le fois sont assez bons.

Il y a apparence qu’ils vivent d’herbe & de poisson. Leur viande ressemble à celle du cheval : l’oiseau appelé bourgmaître s’en nourrit. Ils font d’horribles meuglemens. Ils dorment & ronflent non-seulement sur la glace, mais dans l’eau. Ils sont furieux & courageux. Si l’on en prend, ou si l’on en blesse quelqu’un, tous les autres font des efforts pour monter dans la chaloupe, malgré tous les coups qu’on leur porte ; ils la percent par dessous avec leurs défenses, & n’abandonnent jamais la partie. Si la chaloupe prend la fuite, ils la suivent tant qu’ils peuvent l’appercevoir, mais ils ne sauroient aller si vîte qu’elle, parce qu’érant toujours en très-grand nombre, ils s’embarrassent les uns les autres.