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CHE

qu’un homme est dans le bon chemin, dans le chemin du salut, quand il est vertueux ; & au contraire, qu’il est dans le chemin de perdition, dans le chemin de la Grève, qu’il prend le chemin de l’hôpital ; pour dire, qu’il est vicieux, qu’il se fera pendre, qu’il se ruine. On dit aussi montrer le chemin à quelqu’un, donner exemple.

On appelle chemin de velours, un chemin sur une pelouse. via herbosa, cespititia. On dit figurément chemin de velours, pour dire, une voie facile, agréable. Il est arrivé à la fortune par un chemin de velours. Façon de parler familière.

On dit figurément. Chemin faisant ; pour dire, par occasion, ☞ en même-temps. Obiter, eodem tempore. En nous détaillant cette affaire, il nous dit, chemin faisant, les observations qu’il avoit faites.

Chemin, se dit proverbialement en plusieurs phrases. On dit d’une chose longue & étroite, que c’est le chemin de Ville-Juifve, long-boyau. Ce nom lui vient d’une maison seule qui est sur le grand chemin, où loge la poste, qu’on appelle Long-boyau. On dit qu’un homme est toujours par voie & par chemin, lorsqu’il n’est jamais au logis, qu’on le fait aller ça & là. On appelle le grand chemin des vaches, les chemins où on va par terre. Le grand chemin des vaches, dans un sens figuré, est l’usage commun, ordinaire. On dit aussi, bonne terre, méchant chemin ; parce que dans les bonnes terres qui sont grasses, les chemins sont mauvais. On dit qu’en tout pays il y a une lieue de méchant chemin ; pour dire, qu’il n’y a point d’affaire où l’on ne trouve des difficultés. On dit aussi, à chemin battu il ne croît point d’herbe ; pour dire, qu’il n’y a pas grand profit à faire dans un trafic connu de tout le monde. On dit aussi, il n’en faut point aller par quatre chemins ; pour dire, il en faut passer par là. On dit, bien dépenser & peu gagner, c’est le chemin de l’hôpital. On dit aussi, tous chemins vont à Rome, ou tous chemins vont à la ville, ☞ ce qui signifie au propre, qu’on peut arriver au même endroit par divers chemins ; & au figuré, que divers moyens conduisent au même but. On dit aussi en menaçant, je le menerai par un chemin où il n’y aura point de pierres ; pour dire, je le ferai marcher droit, le lui donnerai bien de l’exercice. On dit aussi en menaçant, il me trouvera toujours en son chemin ; pour dire, je lui susciterai toujours des obstacles dans toutes les affaires qu’il entreprendra. On appelle le chemin de Paradis, un chemin étroit, un défilé où l’on ne va qu’un à un. On dit, qu’un homme va son grand chemin, va son droit chemin, pour dire, qu’il agit franchement, & sans user d’aucune finesse ni supercherie.

De grand Seigneur, grand fleuve & grand chemin,
Fuis, si tu peux, d’être voisin.

CHEMINEAU. s. m. Sorte de pain que l’on fait à Rouen durant le Carême.

Le mot latin Simenellus, est l’étymologie qu’en donne le P. Dargonne, dans ses Mélanges publiés sous le faux nom de Vigneul Marville. Panis similaceus ex simila græcis σεμιδαλίτης. C’est ce qu’on appelle en Picardie seminiaux, selon la remarque de M. Du Cange, à laquelle on peut ajouter que les Normands qui changent aisément se en che, disent chemineaux.

CHEMINÉE. s. f. Lieu où l’on fait le feu dans les maisons. Camini spiraculum. La cheminée a plusieurs parties. L’âtre est précisément le lieu où on fait le feu, qui est garni de carreaux de brique, ou de pavés. Caminus, focus. Le contre-cœur de la cheminée est une plaque de fer de fonte pour conserver la muraille qui est auprès de l’âtre. Camini lamina ferrea arrectaria. Les piés droits de la cheminée qui soutiennent le manteau. Parastatæ. L’enchevêtrure de la cheminée. Funda. Le manteau de la cheminée, est la partie du tuyau qui est dans la chmbre, & qui a souvent divers ornemens d’architecture & de menuiserie, & sur-tout des corniches sur lesquelles on met des vases, des bustes & autres ornemens. Adversa spiraculi quod supra forum est lorica, ou, adversa camini lorica. La partie de dedans d’appelle la hotte de la cheminée. Camini fauces. Le tuyau de la cheminée est le canal de pierre, de brique ou de plâtre, par où s’élève la fulée, qui est divisée souvent en plusieurs languettes ou petits tuyaux. Canalis, spiraculum. On dit, qu’une cheminée fume, lorsque la fumée entre dans la chambre, au lieu de s’écouler par le tuyau, ou languette.

☞ Ce mot se dit quelquefois de la partie seulement de la cheminée qui avance dans la chambre. Cheminée de plâtre, de marbre : quelquefois aussi de la partie du tuyau qui s’élève au-dessus du toît. Un grand vent abat les cheminées.

Octavius Ferrarius prouve que les cheminées ont été en usage chez les Anciens, contre l’opinion de plusieurs. Il rapporte sur cela l’autorité de Virgile.

Et jam summa procul villarum culmina fumant.

Celle d’Appien Alexandrin, qui, racontant de quelle manière se cachoient ceux qui étoient proscrits par les Triumvirs, dit, L. IV des Guerres Civiles, que les uns descendoient dans des puits, ou des cloaques ; les autres se cachoient dans les toîts & dans les cheminées, & il croit que le mot grec καπνώδεις ὑπωρόφιας, fumaria sub tecto posita, ne peut s’expliquer autrement. Aristophane, dans une de ses Comédies, introduit le vieillard Polycléon enfermé dans une chambre, d’où il tâche de se sauver par la cheminée. Cependant le peu d’exemples qui nous en reste des Anciens, & l’obscurité des préceptes de Vitruve sur ce sujet, font juger que l’usage des étuves, dont ils avoient des appartemens entiers échauffés par des poëles, leur faisoit négliger cette partie du bâtiment, que le froid de notre climat nous a contraint de rendre un des principaux ornemens de nos habitations.

Il est certain que les Anciens avoient des cheminées dans leurs cuisines ; mais, selon quelques savans, ils échauffoient leurs chambres ou par des poëles, ou avec une espèce de charbon de terre qui brûloit sans faire de fumée, & que Suétone nous apprend que la chambre de Vitellius fut brûlée, parce que le feu prit à la cheminée. Nec antè in Prætorium rediit, quàm flagrante triclinio ex conceptu camini. Horace écrit à son ami de faire bon feu dans la cheminée.

Dissolve frigus, ligna super foco
Largè reponens.

Cicéron demande la même chose à son ami Atticus : Camino luculento, dit-il, tibi utendum censo. Cette question n’est pas décidée. Ce qu’il y a de constant, c’est qu’ils avoient des fourneaux pour échauffer leurs chambres & les autres appartemens de leurs maisons ; on les appeloit fornaces, vaporaria ; ils avoient aussi des poëles appelés hypocausta. Ces fourneaux, selon Philander, étoient sous terre : on les plaçoit dans le gros mur, d’où, par différens tuyaux qui traversoient chaque étage, ils échauffoient toute la maison. Dict. de Peinture & d’Architecture.

Il parut en 1713, à Paris, un livre intitulé La Méchanique du feu, ou l’Art d’en augmenter les effets, & d’en diminuer la dépense, dans lequel on examine quelle est la disposition des cheminées la plus propre à augmenter la chaleur ; & on démontre géométriquement que la disposition des jambages parallèles, & la hotte inclinée des cheminées ordinaires’, ne sont par propres pour réfléchir la chaleur dans les chambres ; que les jambages en lignes paraboliques, & la situation horizontale du dessous de la tablette, sont les plus propres à répandre la chaleur. Il enseigne sept différentes constructions de ses nouvelles cheminées,