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CHE

sum. Chemin haut, qui est sur la colline, superum, supernum. Chemin passant, via celebris, frequens, expedita. Chemin frayé, trita.

La Romains appeloient chemins militaires, les chemins pratiqués pour envoyer les armées dans les Provinces de l’Empire ; via militaris. Ils appeloient chemin double, un chemin pour les charrois à deux chaussées, l’un pour aller, & l’autre pour venir, afin d’éviter l’embarras, bina, gemina. Ces deux chaussées étoient séparées par une levée en forme de banquette, pavée de briques pour les gens de pié. Il y avoit, d’espace en espace, des montoirs à cheval, & des colonnes militaires pour marquer les distances. Ils nommoient chemin ferré, un chemin pavé d’une pierre estrêmement dure. On appelle encore aujourd’hui chemin ferré, un chemin dont le sol est de vive roche, ou formé d’une aire de cailloutage, strata. Les chemins aquatiques sont l ou les chemins élevés à travers les étangs & les marais, ou les ponts construits sur les rivières & les torrens. J’ai découvert plusieurs vestiges des grands chemins des Anciens. Ce sont de gros massifs de cailloutages, mêlés de chaux, jetés dans la terre à dix ou douze piés de profondeur, sans s’assujettir à chercher le ferme, parce que de ces cailloutages ainsi mêlés avec le mortier, il se fait un corps qui se lie si bien, que le marbre n’est pas plus dur. Nous voyons en effet que cette espèce de mâçonnerie a résisté, depuis plus de seize siècles, aux injures du temps, & que toute la force des pics & des marteaux a peine à rompre cette masse, qui n’est composée que de petits cailloux de la grosseur d’un œuf, & même plus petits, Menestrier, Histoire de Lyon, p. 50.

☞ Chez les Romains on appeloit via, tout chemin public ou privé. Par le terme d’iter seul, on entendoit un droit de passage particulier sur l’héritage d’autrui ; & par celui d’actus, on entendoit celui de faire passer des bêtes de charge ou une charrette ou chariot sur l’héritage d’autrui ; ce qu’ils appeloient ainsi iter ou actus n’étoient pas des chemins proprement dits, mais des droits de passages ou servitudes rurales. Encyc. Quand les Romains se servoient du mot iter, pour exprimer un chemin public, ils y ajoutoient l’épithète publicum.

Il y a un Traité de la construction des grands chemins par Gautier Architecte-Ingénieur, & Inspecteur des grands chemins du Royaume. De la Pise en traite aussi dans son Hist. d’Orange, p. 35, & suiv. Isidore, Orig. L. XV, ch. dernier, rapporte que l’on croit que ce sont les Carthaginois qui ont les premiers pavé les grands chemins ; & ensuite les Romains. Voyez Bouche, Histoire de Provence, Tom. I, p. 126, de la mesure des chemins.

Chemin fendu, est un chemin pratiqué dans le roc, ou dans quelque butte ou montagne, dont on a ôté la crête & comblé le bas, pour le rendre plus doux. Charles Emmanuel II, Duc de Savoye, en fit couper un dans les Alpes en 1670. Le Roi en a fait faire en plusieurs endroits de son Royaume : il y en a entre Paris & Versailles.

Chemin percé, est celui qui est taillé dans le roc & qui reste vouté. Il y a des chemins percés dans le Royaume de Naples : on en voit un entre Bayes & Cumes, qu’on nomme la grotte de Virgile : il y en a un de Pouzol à Naples, qui a environ demi-lieue de longueur sur quinze piés de large, & autant de haut. Ce Chemin qui fut fait autrefois par un certain Coccius, a été élargi par Alphonse Roi d’Arragon & de Naples, & réduit à la ligne par les Vicerois.

Chemin couvert, en termes de Guerre, est le corridor qui est sur la contrescarpe, & qui est couvert de son parapet, qui règne tout autour du fossé de la place du côté de la campagne. Operta via. Sa largeur est de trois à quatre toises. Il a une banquette, & le glacis lui sert de parapet : les palissades le séparent du glacis. ☞ Il sert à défendre l’approche de la place, à rassembler les troupes nécessaires pour les sorties, & à en faciliter la retraite. Le Soldat y est à couvert du feu des assiégeans.

Chemin des rondes, est le chemin qui est sur la muraille, entre le parapet & le rempart, & qu’on laisse pour le passage des rondes. Via lustrandis vigiliis comparata. On ne s’en sert presque plus, à cause que n’ayant qu’un parapet d’un pié d’épaisseur, il est d’abord renversé par le canon des assiégeans.

On appelle aussi chemin des carrières, l’ouverture qu’on fait dans une carrière, pour en tirer la pierre, & le puits qu’on fait dans une carrière pour la fouiller. Via subterranea. Ainsi on dit, ouvrir les chemins ; pour dire, percer les carrières.

Chemin, dans les Verreries, est une voûte de figure longue, dans laquelle on met le bois pour échauffer le four.

Les Courtiers & Tonneliers, qui sont commis pour décharger le vin sur les ports de Paris, appellent chemin, une suite de chantiers ou de grosses solives sur lesquelles ils roulent les tonneaux du bateau jusqu’à terre ; car ils n’osent se servir de celui qu’on fait les Planchéeurs pour entrer dans les bateaux.

Chemin, en Bâtiment, est sur un plafond ou sur un ravallement, une disposition de règles que les ouvriers posent pour trainer les moulures.

☞ C’est aussi un enduit de plâtre dressé à la règle, & suivant lequel ils conduisent leur calibre. Encyc.

Chemin, en termes de Chorégraphie, sont des lignes qui, tracées sur un papier, représentent la figure que les danseurs décrivent sur le plancher pendant tout le cours d’une danse.

Chemin de Saint Jacques, est un nom que le peuple a donné à une trace blanche qui paroît dans le ciel, que les Anciens appeloient la Voie lactée, ou le Chemin-des-Dieux, & qu’on a découvert être un nombre infini de petites étoiles qu’on n’apperçoit qu’avec les lunettes. Elles font une sombre lueur qui cause cette apparence. Via lactea.

Chemin se prend dans un sens figuré pour les différens moyens qu’on emploie pour parvenir à quelque but. Faire son chemin dans le monde. On dit le chemin & la voie du ciel. Les souffrances sont la voie du ciel. On ne dit pas la route du ciel ; peut-être parce que le mot de route renferme dans son idée quelque chose de battu & de fréquenté.

☞ La bonne route, dit M. l’Abbé Girard, conduit surement au but ; la bonne voie y mène avec honneur ; le bon chemin y mène facilement. On ne va guère à la gloire que par le chemin de la vertu. Nous vivrions mieux, s’il nous étoit permis de faire deux fois le même chemin. Rochef. Le chemin du ciel n’est pas le chemin des honneurs ; & une timide piété est presque toujours malheureuse. Flech. Tous les peuples de la terre marchent avec une égale confiance dans les divers chemins qu’ils ont choisis pour arriver au salut. Le chemin de la vertu est hérissé de ronces & d’épines. S. Evr. L’amour propre voudroit que le chemin du salut fût si bien tracé & si bien marqué, qu’il fût impossible de s’y égarer. Port-R. Moliere dit des hypocrites, qu’on les voit

D’une ardeur non commune,
Par le chemin du ciel courir à leur fortune. Mol.

Soutiendrai-je ces yeux, dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur ?

Racine.

On dit figurément couper chemin à une maladie, à un procès ; pour dire, la prévenir, ou en empêcher le cours. On dit en ce sens, qu’on a mis un homme en beau chemin, qu’on lui a aplani le chemin ; pour dire, qu’on lui a levé les obstacles, les difficultés : qu’il s’est arrêté, qu’il est demeuré en beau chemin ; pour dire, qu’il abandonne un dessin, lorsque les principaux obstacles sont levés. On dit, qu’une affaire est en bon chemin ; pour dire, qu’elle est en bon train. On dit encore, en ce même sens,