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CER

Il y a une espèce particulière de cerfs en tout semblables aux autres, sinon qu’ils sont barbus, & ont tout le poil de l’estomac long, de même que les boucs. Les Anciens les appeloient Tragelaphus, c’est-à-dire, Bouc-cerf. Il ne s’en trouvoit, selon Pline, liv. VIII, ch. 34, que le long du Phase, fleuve de la Colchide, aujourd’hui de Mingrélie : mais on en voit aussi dans les montagnes de Bohème & dans la Misnie.

La raclure de corne de cerf est un remède astringent. On en fait aussi de la gelée qu’on appelle de poisson, qui est bonne au goût, mais qu’on rend de même qu’on l’a prise. On estime fort en Médecine la moelle de cerf ; & on tient que l’os du cœur d’un cerf favorise l’accouchement. Un Médecin du Nord prétend que la corne de cerf est une vraie panacée, & qu’on a raison de la nommer ainsi. Voyez Grabe, Ἐλαφογραφια, sive Cervi Descriptio physico-Medico-Chymica, où il explique la nature, la qualité & les divers usages que l’une & l’autre Pharmacie peuvent tirer des diverses parties du corps du cerf, de ses larmes, de son sang, de son urine, & même de ses excrémens. On trouve aussi beaucoup d’antiquités sur les cerfs & les biches dans Vossius, De Idol. Lib. III, cap. 49, 56, 57, 58, 59, 61, 62, 63, 65, 67, 68, 69, 73, Lib. IV, cap. 59, 61.

La chair des petits cerfs qui sont encore sous la mère, c’est-à-dire, des faons, lactantes, est la meilleure. Ceux d’un an sont encore bons ; on les nomme encore jeunes à trois ans ; mais alors leur chair commence à durcir. Celle des vieux cerfs est dure, difficile à digérer, fait un mauvais suc, mélancholique & atrabilaire. Les chairs de cerf ne valent rien pendant les mois d’Août, de Septembre & d’Octobre qu’ils sont en rut ; parce qu’alors non-seulement elles sont plus sèches, & plus dures qu’en une autre saison, mais encore parce qu’elles sont d’une odeur plus forte & plus puante que celle du bouc. En quelque saison que ce soit, l’on n’estime des vieux cerfs que la langue, le mufle & les oreilles : ce que l’on nomme, en termes de Vénerie, les menus droits ; & l’on y ajoûte tout au plus le cimier, qui est le dessus du dos approchant des cuisses. A l’égard des faons, le meilleur manger sont les filets, ou la longe. Et si on les châtre, & qu’on les apprivoise à l’âge de trois ans, ils s’engraissent, & leur chair est bien meilleure. De la Mare, Traité de la Police, Liv. XXIII, ch. 1.

Sur les médailles, le cerf marque Ephèse, & les autres villes où Diane étoit singulièrement honorée. P. Jobert. Les revers qui ont pour inscription, Dianæ Cons. Aug. ont pour type un cerf ; telles qu’on en voit un très-grand nombre de Gallien.

Un cerf qui de son souffle chasse un serpent, selon l’opinion des Naturalistes, avec ce mot espagnol, con el soflo l’ahuysenta, c’est-à-dire, De son souffle il le met en fuite, est dans Picinelli la devise d’un guerrier, devant qui les ennemis ne sauroient tenir. Saint Charles Borromée, dans l’Académie des Affidati de Pavie, prit un cerf, qui mordu d’un serpent, court à une fontaine, avec ce mot : Una salus.

On appelle dans le Manège, mal de cerf, un rhumatisme, qui tombe sur les mâchoires & sur le train de devant d’un cheval.

En termes de Blason on dit, un cerf sommé, c’est-à-dire, ramé de 9, 10, 11, ou 13 cors ; quelquefois sans nombre. Cervus cornua novent, decem, undecim, aut tredecim palmitibus brachiata præferens. Quand on n’y met que la tête seule ; elle doit montrer les yeux & les deux oreilles, & alors plusieurs l’appellent Massacre. Obversum cervii caput.

On dit proverbialement, au cerf la bière, & au sanglier le mière, ou le barbier ; pour dire que les plaies que fait le cerf sont mortelles : car le Mière ou Mire signifioit autrefois Médecin. On dit aussi qu’un cerf bien donné aux chiens, est à demi-pris.

Cerf-volant, s. m. Prononcez cer volant. Petit animal, sorte d’escarbot, ou insecte volant, ainsi appelé, parce qu’il porte des cornes dentelées semblables à celles d’un cerf. Scarabæus Lucanus ou cornutus, ou corniger. Il ne s’en sert pas pour fraper, mais pour pincer, parce qu’elles sont mobiles, &e peuvent s’approcher l’une de l’autre. Scaliger l’appelle βοῦς ξυλοφαγος, & Cardan taurus. Le mâle a des cornes, mais la femelle n’en a point. Leurs aîles sont pliées & renfermées dans une écaille comme dans une espèce d’étui, qui s’ouvre quand ces insectes veulent voler. Il a une espèce de trompe ou langue qui lui sert pour prendre sa nourriture, qui est une humidité qui découle des chênes. Swammerdam fait voir vingt-une sortes de boucs ou de chèvres volantes qui ont des cornes fort longues, branchues, semées de petites pointes ou boutons.

Il y a une espèce de cerf-volant dans la Virginie, dont le chant est si aigu & si fort, que tout le bois en retentit.

Cerf-volant est aussi un jouet d’enfans, qu’ils font avec de l’osier & du papier qu’ils attachent à une corde, & qu’ils font voler en l’air ; cet instrument est plat en ovale, un peu plus alongé par un bout que par l’autre : l’osier ne sert que de cadre pour soutenir le papier qu’on colle dessus : au bout alongé on attache une longue queue de papier, qui est quelquefois de différentes couleurs. Ludicra scarabæi Lucani in auras volantis effigies.

Cerf-volant. Terme de Tanneurs. C’est ainsi que les Tanneurs & les autres artisans qui font commerce de gros cuirs, appellent les cuirs tannés à fort fair, & dont ils ont ôté le ventre.

Taureau-Cerf, Pourceau-cerf. Voyez Taureau & Pourceau.

CERFEUIL. s. m. Chœrophyllum sativum, Cerefolium. Plante potagère, dont la racine est blanche, grosse comme le petit doigt à son collet, longue, fibreuse, âcre au goût, & qui donne des feuilles tendres, plus finement découpées que le persil, un peu velues, d’un vert plus gai, d’une odeur & d’un goût aromatique. De leur centre partent une ou plusieurs tiges, hautes de deux pieds au plus, minces, cannelées, creuses, lisses, noueuses d’espace en espace, divisées en quelques branches, qui d’abord naissent alternativement des aisselles des feuilles, mais qui sont opposées aussi-bien que les feuilles en approchant du haut. Elles portent de petites ombelles blanches, composées de cinq pétales inégaux fendus en deux, & disposés en manière de fleur de lis de France. A ces fleurs succèdent des fruits longs de demi-pouce, sur demi-ligne environ de largeur, faits en manière de bec d’oiseau, lisses & glabres, composés de deux semences aplaties par l’endroit qu’elles se joignent, convexes sur leur dos. Leur odeur & leur goût est douçâtre & aromatique. On mêle le cerfeuil parmi les herbes potagères, pour relever le goût de celles qui sont un peu fades ; ses feuilles sont employées dans les bouillons apéritifs & rafraichissans. L’eau de cerfeuil purifie le sang en provoquant les urines & les sueurs ; ses racines sont aussi apéritives & diurétiques, de même que ses semences.

La Quintinie distingue deux espèces de cerfeuil, le cerfeuil ordinaire, & le cerfeuil musqué, Tom. II, p. 274.

L’un & l’autre cerfeuil ne se multiplie que par graine. Celle du cerfeuil ordinaire est noire, fort menue & assez longuette, rayée dans sa longueur ; elle vient sur ses pieds en automne, & se forme & mûrit dans le mois de Juin. Celle du cerfeuil musqué est longuette, noire & assez grosse. Sa racine est d’une saveur agréable.

☞ Il y a aussi un Cerfeuil sauvage qui croît dans les haies & les vergers. Il a à peu près les mêmes caractères extérieurs que le cerfeuil ordinaire. Il est amer & âcre au goût. Quelques Auteurs le regardent comme venéneux.