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Justin & Paterculus disent que ce fut Elisse, fille du Roi de Tyr, & sœur de Pygmalion. Paterculus ajoute que quelques-uns croient qu’Elisse est la même que Didon. Virgile a suivi ce sentiment. Appien dit que l’opinion des Romains étoit que Didon avoit bâti Carthage.

Carthage a eu différens noms. Le Géographe Etienne de Byzance en rapporte quatre, sans parler de celui de Carthage, Cœnepolis, Καίνή πόλις (Kainê polis), Cadmée, Cadmea ; Καδμέα (Kadmea), Œnusse, Œnussa, Ὀινᴕσσα (Oinoussa) ; & Κάϰϰαβῃ (Kakkabê), Caccabe. Le premier & le troisième sont Grecs : Celui-là signifie Ville neuve, & celui-ci vineuse, comme si elle avoit produit beaucoup de vin. Les autres sont phéniciens. Cadmée vient de כדם, Kedem, qui en phénicien, comme en hébreu, signifie Orient & veut dire Orientale, parce qu’elle fut bâtie par des Orientaux. Κάϰϰαβῃ (Kakkabê), Caccabe, signifie en phénicien tête de cheval. La raison pour laquelle on l’appela Caccabe, ou tête de cheval, c’est qu’on trouva à l’endroit où on l’a bâti, une tête de cheval, qui parut d’un bon augure, & que l’on prit pour le pronostique d’un peuple guerrier & victorieux. Bochart, Chanaan, Liv. I, c. 24, pag. 514 & 515, croit que Κάϰϰαβῆ (Kakkabê), a été dit en grec par corruption pour Καρϰάβη (Karkabê), Carcabe ; qu’il vient de כר, car, & de רכבה recaba ; que כר, qui signifie en hébreu Chef, Commandant, aura été dit en phénicien par analogie pour la tête ; que רכבה, aura signifié un cheval, parce que רכב, racab, signifie en hébreu un cavalier.

La Citadelle de Carthage, s’appela Byrsa par les Grecs, qui, selon le même Auteur, au même endroit, p. 513, pour éviter la cacophonie, l’avoient fait de botsra, בצרה, qui en hébreu, & par conséquent en phénicien, signifie une fortification, munimentum.

Pour ce qui est du nom de Carthage, il est évident qu’il vient de קריאת, Kiriath, ou Kariath en hébreu, & Cartha en phénicien. Rochart, à l’endroit que j’ai déjà cité, p. 512, croit très-probablement que ce nom est en phénicien le même que celui qu’Etienne de Byzance lui donna en grec, Καινὴ ϖόλις (Kainê polis), ville neuve ; que les phéniciens la nommèrent קירתא חדתה, Kartha hadtha ; car les Chaldéens ont dit חדת, pour l’hébreu חדש, renouveller, que de Kartha, ou Cartada, comme l’on prononçoit, les Grecs firent Καρϰηδων (Karkêdôn), & de-là les Latins ont dit Carthago. Tous ces noms, & les restes de la langue carthaginoise, que S. Augustin & d’autres nous ont conservés, prouvent ce que toute l’Antiquité a reconnu, c’est-à-dire, que Carthage étoit une colonie des Phéniciens.

Carthage devint si puissante, qu’elle fut la maîtresse non seulement de la Lybie, mais encore de toutes les îles de la méditerranée qui étoient à sa bienséance, & d’une bonne partie de l’Espagne. Devenue rivale de Rome, elle soutint trois guerres contre cette fameuse République. Dans la seconde, qui dura 18 ans, la haine, le courage, l’habileté, l’expérience d’Annibal, l’en fit presque triompher ; mais la fortune changea : elle fut obligée de faire la paix à des conditions peu avantageuses ; & ayant voulu recommencer la guerre une troisième fois, Caton opina à la ruine entière de cette ennemie ; le Sénat suivit son avis : Scipion l’Emilien prit Carthage, & la rasa l’an de Rome 608. Dans la suite Auguste y envoya une Colonie de 3000 hommes. Adrien la rétablit, & la nomma Adrianopolis. Après l’établissement du Christianisme Carthage devint le siége d’un Archevêque. En 432, Genseric l’enleva aux Romains, & pendant cent ans elle fut le siége de l’Empire des Vandales en Afrique. Il nous reste beaucoup de médailles de Carthage. Toutes celles sur lesquelles on voit ces lettres, CAR. KAR. KART. KΔ. KE. KPTc. K. R. T. S. PK. SMK. SMKA. SMKE. SMNKAB, au jugement des Antiquaires, ont été frappées à Carthage.

Les Arabes ont entièrement ruiné Carthage. A trois lieues de Tunis, on en voit les ruines que les Africains nomment encore Bersack, de son ancien nom Byrsa.

S. Cyprien étoit Evêque de Carthage. Justinien établit à Carthage le siége d’un Prêteur pour l’Afrique. Les guerres de Carthage contre Rome s’appellent communément les guerres Puniques. On dit la première, la seconde, la troisième guerre Punique. Voyez Punique. Le gouvernement de Carthage étoit oligarchique ; mais durant la guerre, le Conseil donnoit aux Chefs une autorité absolue ; on croyoit cela nécessaire pour le succès des grandes entreprises. Carthage avoit 360 stades de tour.

Tant d’Auteurs ont parlé de Carthage, qu’il est difficile d’en faire le choix. Voici les principaux : Josephe, Antiq. Jud. Liv. VIII, c. 13, contre Appion, Liv. I. Solin, c. 27 ou 30. Justin. Liv. XVIII, c. 3 & suiv. Strabon, Liv. XVII. Pline, Liv. V, c. 4. Pontac, p. 305, 325, &c. de ses notes sur Eusèbe, Salien & Torniel à l’an du monde 2842 ; le P. Petau, De doctr. Temp. Lib. IX, cap. 63 ; & Rat. Temp. P. II, L. II, c. 13. Bochart, Chanaan, Liv. I, c. 23. Marmol, L. VI, c. 15, Vossius, De Idolol. Lib. I, c. 32.

Il y avoit aussi en Espagne deux villes de ce nom, fondées par les Carthaginois, qui y dominoient. L’une s’appeloit Carthage la vieille, Carthago vetus. Elle fut fondée par Hamilcar dans l’Espagne Tarraconoise, & dans les pays des Ilerciens. Quelques Auteurs veulent que ce soit Villefranche, & d’autres Cantaveja dans l’Arragon, sur les confins de la Catalogne & du Royaume de Valence. D’autres la placent au confluent de la Sègre & de l’Ebre. L’autre étoit Carthage la nouvelle, Carthago nova, qui porte encore le nom de Carthagène, formé de ce mot latin. Voyez Carthagène. On dit encore qu’Annibal en bâtit une en Arménie à laquelle il donna le même nom ; Etienne de Byzance en parle. Le Scholiaste d’Aristophane en place encore une en Thrace.

Carthage, est aussi un terme de Mythologie. Carthago. Cicéron, dans son 3e Livre de la Nature des Dieux, n. 42, dit que Carthage passoit pour être fille d’Hercule Tyrien, qui étoit fils de Jupiter & d’Astérie sœur de Latone, & qu’il est le quatrième de six Hercules qu’il distingue : Justin, L. XVIII, ch. 6, dit que la ville même de Carthage fut honorée comme une Déesse, tant qu’elle n’a pas été vaincue.

CARTHAGÈNE. Ville d’Espagne dans le Royaume de Murcie. Carthago nova. Cette ville fut bâtie par Asdrubal dans la Bétique sur la côte de la Méditerranée. Appien l’a confondue avec Sagunte. Polybe, Liv. X, p. 583, de l’édition de Casaubon, en fait une description fort détaillée. Tite-Live la décrit aussi Liv. XXVI, ch. 43, & Silius Italicus, Liv. XV, v. 220. Carthagène a un Evêché suffragant de Tolède.

Carthagène est aussi une ville de l’Amérique méridionale, dans le Royaume de Grenade, & capitale d’un Gouvernement qui porte son nom. Elle a un Evêché suffragant de Saint Fé de Bogota. Elle est située sur une presqu’Île qui ne tient à la terre que par une chaussée de deux cens pas de long. Carthagène fut bâtie en 1532, par Pedro Heredia. Il s’y fait un fort gros commerce. C’est là qu’on perce, & que l’on travaille les perles de la Marguerite. Quelques-uns l’appellent Carthagène nouvelle. Maty, Hoffman, Linschot, c. 8. Amer. Herrera, ch. 16.

Carthagène diffère du méridien de 5 h. 11′ 5″ occid. ou 77° 46′ 15″, c’est-à-dire, que sa latitude est de 302° 5′ 15″, sa latitude est de 10° 26′ 35″ Cassini.

CARTHAGINOIS, OISE. s. m. & f. Carthaginensis.

Qui est de la ville ou de l’Etat de Carthage. Tertullien & Térence étoient Carthaginois. Dans la troisième guerre Punique, les femmes & les filles Carthaginoises donnèrent leurs cheveux pour faire des cordages aux navires. Cicéron dit dans sa 16e Oraison, qui est la 2e, pro Lege Agraria, n. 94, que les Carthaginois étoient trompeurs & menteurs. Fides punica. Mauvaise foi, perfidie, parole de fourbe. On leur attribue l’invention de