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CAR

de promontoire ou de cap, que nos cartes maritimes appellent encore Cap Carmel. C’est-là que demeura long-temps le Prophète Elie, & qu’il assembla le peuple d’Israël la troisième année de sécheresse, & qu’il fit mettre à mort les prophètes de Baal. Cette montagne s’étendoit de la tribu d’Issachar, le long de celle de Zabulon, jusqu’aux confins de celle d’Aser. Voyez Josué XII, 22. Pour distinguer ce mot Carmel de l’autre, dont nous allons parler, l’écriture appelle celle-ci le Carmel de la mer. C’est de celui-ci que les Carmes ont pris leur nom.

On prétend que l’autel miraculeux d’Elie fut changé dans la suite en un autel profane, sur lequel on offroit des victimes à Jupiter. Cependant Tacite ne dit point que Jupiter y fut adoré. Au contraire, il assure que le Dieu qu’on y honoroit, s’appeloit Carmel, Carmelus, comme la montagne, ou que c’étoit la montagne même ; qu’il n’y avoit point de statue, mais seulement un autel, & que ce lieu étoit en grande vénération. C’est-là ce prétendu dieu Carmel, dont, au rapport de Suétone, c. 5. Vespasien alla consulter l’oracle, & qui prédit à ce Prince qu’il seroit Empereur.

☞ Il y avoit donc un oracle sur le mont Carmel, & l’on y adoroit un Dieu de même nom que la montagne, selon Tacite, qui s’est trompé en ce qu’il a cru que le mot entier de Carmel étoit le nom de ce Dieu, au lieu qu’il n’y a que la syllabe el, qui signifie Dieu. Le mot entier signifie vigne de Dieu, c’est-à-dire, vigne excellente, selon la façon de parler des Hébreux, qui ajoutent le nom de Dieu à ce qu’ils regardent comme excellent dans son genre. Quoi qu’il en soit, Vespasien, qui étoit idolâtre, consulta l’oracle du Carmel, lui fit immoler une victime ; & ce fut par l’inspection des entrailles de la victime immolée que le Prêtre Basilide lui prédit un heureux succès. N’est-ce pas là le paganisme tout pur ? cependant ce lieu avoit été habité par le Prophète Elie, & d’après une tradition assez ridiculement imaginée, & entretenue par un grand fond de crédulité, il y avoit laissé des héritiers de ses vertus, en fondant l’ordre des Carmes qui a subsisté sans interruption depuis ce saint Prophète jusqu’à présent.

☞ On ne s’arrêtera point à combattre de pareilles chimères.

☞ Jamblique dit que Pythagore alloit souvent sur le mont Carmel, & se tenoit seul dans le temple qui y étoit. Si l’ordre des Carmes subsistoit alors, quelle dévotion pouvoit attirer ce Philosophe chez eux ? Il étoit certainement païen, & le temple où il alloit, étoit consacré au culte des faux Dieux. Depuis Elie jusqu’à J. C. nul sacrifice qu’à Jérusalem : si des Rois impies en ont établi ailleurs, ce furent des attentats sacrilèges, dont les Disciples d’Elie étoient incapables : cependant on y sacrifioit, & on y prédisoit l’avenir par l’examen des entrailles des victimes. Dire que c’étoit l’ordre fondé par Elie qui rendoit ces oracles, c’est le comble de la folie. Le temple que fréquentoit Pythagore, l’oracle que consulta Vespasien, étoient des ouvrages du paganisme. Ce fut plus de deux mille ans aprés Elie que S. Louis trouva sur cette montagne des Religieux de cet Ordre, & qu’il en amena en France. Mais depuis quand y étoient-ils ? Voilà la question. Ce fut sans doute dans ces temps de ferveur que les persécutions d’une part, & de l’autre les charmes d’une vie solitaire consacrée à Dieu, peuplèrent les déserts d’Anachorètes. Le Carmel eut aussi les siens ; & voilà l’origine des Carmes.

L’autre montagne nommée Carmel, étoit au midi de la Tribu de Juda sur les confins de l’Idumée, dans les terres. C’est à celle-ci, selon quelques Auteurs, qu’il faut rapporter tout ce que l’Ecriture dit des pâturages du Carmel. Jérém. L. 19. Amos. I. 2. Mich. VIII, 14. Il peut néanmoins aussi convenir à l’autre Mont-Carmel.

Ce mot est hébreu composé de כר, Car, qui signifie agneau, & pâturage ; & de מול, mel, qui veut dire, couper, circoncire. Delà — vient que quelques-uns le traduisent Agneau circoncis, & d’autres champ ou pré que l’on coupe, qui se moissonne, ou qui se fauche. Cette dernière explication paroit convenir mieux à cette montagne, qui étoit en effet très-fertile, ou qui avoit au pied une vallée très-abondante.

Mont-Carmel. Ordre militaire de Chevaliers Hospitaliers, fondé par le Roi Henri IV, sous le titre, l’habit & la règle de Notre-Dame du Mont-Carmel ; & en conséquence des Bulles de Paul V du 16 Février 1607. Il a été uni à l’Ordre des Chevaliers de S. Lazare de Jérusalem, par acte du dernier Octobre 1608, avec toutes ses Commanderies, Prieurés & autres biens, pour sa dotation. Carmelus. Henri le Grand voulut que l’Ordre du Mont Carmel ne fût composé que de François, & qu’il le fût de cent Gentilshommes, qui seroient obligés de marcher en temps de guerre auprès de la personne de nos Rois, & pour leur garde. Le Collier qu’il leur donna fut un ruban tanné auquel pendoit une Croix d’or, sur laquelle étoit gravée une image de la Sainte Vierge environnée de rayons d’or. Le manteau de l’ordre étoit chargé de la même croix. C’est Paul V qui approuva cet Ordre, dont le premier Grand Maître que le Roi choisit, fut Philibert de Nérestang. Voyez Sponde à l’an 1608, num. 3 & à l’an 1565. n. 16. Cet Auteur prétend que c’est moins une institution nouvelle, qu’un renouvellement de l’Ordre de S. Lazare. Matt. Favyn. L’Abbé Justiniani, qui en traite, tome II, c. 82, prétend qu’en 1607 cet Ordre n’étoit point encore uni à celui de Saint Lazare, & que cela paroît par l’Edit du Roi de 1672. Ainsi cet Ordre a été établi comme un Ordre distingué de celui de Saint Lazare, & n’y a été uni qu’après quelque temps. Par un Décret de la Congrégation touchant les Conciles, les Chevaliers du Mont-Carmel sont déclarés capables de posséder des pensions sur les Bénéfices, & même des Bénéfices. Voyez au mot Lazare. Le P. Toussaint de S. Luc, Carme, imprima en 1681 à Paris, des Mémoires ou Extraits des titres de l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel & de S. Lazare de Jérusalem.

CARMELINE. adj. f. Laine, carmeline de vigogne, qu’on nomme aussi laine bâtarde.

CARMELITE. s. f. Quelques-uns ont écrit Carmeline, mais mal. C’est une Religieuse qui vit sous la règle des Carmes. Carmelitana monialis. Le Cardinal de Bérulle les avoit attirées en France, deux ans avant que les Carmes déchaussés s’y fussent venus établir.

Lezana & plusieurs Ecrivains de l’Ordre des Carmes prétendent qu’il y a eu des Carmelites aussi bien que des Carmes depuis le temps d’Elie ; mais le P. Louis de Sainte Thérèse, dans son livre de la succession d’Elie, convient que ce fut le bienheureux Jean Soreth XXVIe Général, & premier réformateur de l’Ordre des Carmes, qui sous Nicolas V au XVe siècle les institua. Il étoit Normand, & naquit l’an 1420. Après avoir passé par toutes les autres charges de l’Ordre, il fut élu Général au Chapitre tenu à Avignon l’an 1451. Ce fut dans cette charge qu’il institua les Carmelites, & qu’il obtint pour elles de Nicolas V les mêmes privilèges que ceux des Dominicaines & des Augustines. Les Carmelites sont habillées comme les Carmes. Elles ont une robe & un Scapulaire de drap couleur de Minime ou tanné, & au chœur elles mettent un manteau blanc avec un voile noir. Voyez P. Helyot, tome I, c. 44.

Carmélite déchaussée. C’est le nom de celles qui furent établies par Sainte Thérèse au XVIe siècle, & dont les Constitutions faites par cette Sainte furent approuvées par Pie IV le 11 Juillet 1562. P. Hel. tome I, c. 46 & 47.

Les Carmélites déchaussées passèrent en France en 1604, par les soins & le zèle de Mlle Acarie, fille de Nicolas Avrillot, Seigneur de Champlâtreux, & Maître des Comptes, & femme de M. Acarie, aussi Maître des Comptes, La princesse Catherine d’Or-