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CAR

ci demeurèrent dans le silence jusqu’en 1680.

Cette année-là parurent les trois premiers tomes du mois de Mai. Durant le courant de l’impression, les Carmes sachant qu’on y devoit mettre la vie de S. Ange, Martyr de leur Ordre, en demandèrent communication. Le P. Papebroch fit d’abord quelque difficulté, mais enfin il l’envoya à Rome à son Général, pour être montrée au Général des Carmes. Ceux-ci firent traîner l’examen si long-temps, que le Libraire se lassant de ne point débiter ses Livres, & de ne point voir rentrer les fonds dont il avoit besoin, obtint enfin la permission du P. Papebroch de les mettre en vente. L’ordre vint ensuite de ne point imprimer cette vie, mais il y avoit déjà plusieurs exemplaires de débités, & ceux qui en vouloient, même les Carmes, déclaroient qu’ils n’en prendroient point, si la vie du B. Ange étoit retranchée. Outre cela, au commencement de la vie du bienheureux Rabata, il avoit donné une espèce d’Apologie de sa conduite à l’égard des Carmes, & il réfutoit l’Arsenal Historico-chronologique. Et au commencement du IIIe tome dans l’histoire des Patriarches de Jérusalem, il réfutoit encore les prétentions des Carmes. Ils y opposèrent un Ouvrage du P. Daniel de la Vierge-Marie, qui étoit sous la presse depuis 9 ans, & qui étoit intitulé, Speculum Carmelitamun, sive Historia Eliani ordinis, &c. en 4 vol. in-folio. Les Editeurs de cet ouvrage posthume y avoient ajouté beaucoup de choses pleines d’aigreur contre le P. Papebroch. On vit encore alors beaucoup de libelles contre ce Pere, lettres anonymes, pasquinades, vers satyriques. Messieurs d’Herouval, & du Cange furent aussi attaqués, parce qu’ils avoient approuvé le sentiment & la conduite du P. Papebroch. M. de Launoy qui avoit écrit contre la Bulle Sabbarhine de Jean XXII, le Scapulaire & la vision du Bienheureux Simon Stock, ne fut pas plus épargné.

Le P. Papebroch & ses collègues méprisèrent ces écrits, & n’y répondirent point. Ils continuèrent leur grand ouvrage, & donnèrent en 1685, deux nouveaux tomes de Mai, & en 1688, les trois derniers ; mais le Père Sébastien de S.Paul, qui avoit écrit en faveur de son Ordre, ayant mis à la tête de son Ouvrage une supplique au Pape Innocent XI par laquelle il le supplioit de terminer leur différent avec les Jésuites : le P. Papebroch & ses associés crurent être obliges de détruire les préventions qu’on auroit pu inspirer aux Prélats de la Cour de Rome ; & le P. Janning, l’un des associés du P. Papebroch, répondit aux faits allégués dans la supplique, & justifia la conduite des Bollandistes. La supplique imprimée d’abord à Francfort ne fut point présentée au Pape ; elle fut quelque temps après réimprimée à Venise, & supprimée par la République.

Les Carmes ne perdirent point courage pour cela au contraire de défendeurs qu’ils étoient, ils devinrent aggresseurs, & déférèrent à Innocent XII, les 14 volumes des Acta Sanctorum, comme pleins d’erreurs. Le Pape renvoya l’affaire à la Congrégation de l’index. Les Carmes n’espérant pas bien du succès de leur affaire à Rome & croyant qu’ils auroient plus de crédit en Espagne, dénoncèrent le même ouvrage à l’Inquisition de ce Royaume, qui le 4 Novembre 1689, donna un décret portant condamnation des Acta Sanctorum. Ce décret révolta tous les Savans de l’Europe ; qui s’intéressèrent à la défense de l’ouvrage supprimé. L’empereur Léopold écrivit en faveur des Jésuites à Innocent XII, & au Roi d’Espagne. Les Jésuites présentèrent une Requête au grand Inquisiteur d’Espagne, & demandèrent à être ouïs dans leurs défenses. L’Inquisition par un décret du 3 Août 1696, leur permit de répondre. Ils le firent par trois volumes in-4°. imprimés en 1696, 1698, & 1699. Les Carmes écrivirent de leur côté, & dénoncèrent même à l’Inquisition la lettre de l’Empereur au Roi d’Espagne, comme hérétique & schismatique. Le 11 Juin 1697 l’Inquisition d’Espagne défendit tous les Livres concernant ce différent. Dès l’année précédente Innocent XII, avoit défendu aux deux partis d’écrire l’un contre l’autre. Le Général des Carmes présenta une supplique à ce Souverain Pontife, pour le prier d’ordonner qu’on ne parlât plus de ces questions, & qu’on laissât les Carmes dans leurs prétentions. L’affaire fut renvoyée à la Congrégation du Concile, qui jugea que le Pape devoit imposer silence sur la question de la primitive origine de l’Ordre des Carmes, ce qui fut fait par un décret du 8 Mars 1698, & un Bref du 20 Novembre de la même année. Dans la suite, c’est-à-dire, au commencement de ce siècle, l’Inquisition d’Espagne a permis l’entrée & la distribution des Acta Sanctorum en Espagne, où ils sont reçus maintenant, comme par-tout ailleurs. Voyez le P. Helyot. Hist. des Ord. Relig. Tome I, c. 40.

Il y a un livre de l’institution des Moines, que les Carmes attribuent à Jean II, quarante-quatrième Patriarche de Jérusalem, & selon d’autres quarante-deuxième Evêque de cette ville, & premier Patriarche, qui vivoit à la fin du IVe siècle. Ils prétendent que ce livre contient la règle qu’ils ont suivi jusqu’à ce que le Patriarche Albert leur en eût donné une autre au commencement XIIIe siècle. Mais outre qu’ils ne sont point d’accord entr’eux fut cela, le livre de l’institution des Moines parle du Scapulaire, qui ne fut donné au B. Simon Stock, qu’en 1283. Il y est encore parlé du manteau blanc & du capuce, qu’ils n’ont portés qu’en 1287 ou 1288, sans parler des fables dont ce livre est rempli, & qui l’ont fait regarder par tous les Savans, comme un ouvrage faux & supposé. Ils n’ont point suivi non plus la règle de saint Basile, ni aucune autre que celle du Patriarche Albert. Voyez sur tout cela, le P. Helyot, T. I, c. 41.

Carme, est aussi une espèce d’acier, Voyez Acier.

Carme, est aussi un vieux mot, qui signifioit un vers. Carmen ; mais en ce sens, il est hors d’usage. Carmes circulaires ; Carmes & formules d’expiation. Vigen. sur Tite-Live. Les disciples des Druides apprennent à leur école grand nombre de carmes par cœur ; & pourtant quelques-uns demeurent bien vingt ans entiers en cette étude ; car ils ne pensent pas être licite de les mettre par écrit. Vigenere, Trad. de Cés. Le même Auteur prétend que ce nom vient de carmenta, parce que cette Prophétesse débitoit ses prédictions en vers.

Tous les vents se taisoient pour entendre ses charmes,
Les vagues après lui disoient tout bas ses carmes.

Parran.

Carmen, carme ou vers. Ce mot est proprement tiré de carm ou Garm, qui, chez les Celtes, étoient les cris de joie, & les vers que les Bardes chantoient avant le combat, pour encourager les soldats. Cela est si vrai, que même en grec, χάρμη (charmê) signifie tout-à-la fois pugna, conflictus, combat & joie, lætitia, gaudium. Pezron. Oui, mais il vient de χαίρω (chairô), gaudeo, & non pas du celtique carm, que les Grecs ignoroient très-certainement.

Carmes, terme du jeu de trictrac, qui signifie deux 4, que les deux dés amènent à la fois. Jactus tessarum referens bis quatuor. On appelle aussi quadernes.

CARMÉ. s. f. Nom d’une fausse Divinité. Carme. Carmé est une Nymphe, qui eut Britomaris de Jupiter. Elle étoit amie intime de Diane, parce qu’elle avoit des inclinations conformes aux siennes, aimant passionnément la course & la chasse. Minos, épris d’amour pour elle, & la poursuivant un jour, elle donna dans des filets de pêcheurs, & se précipita. Hoffman, d’après Rhodigin, L. XVIII, ch. 16.

CARMEL. s. m. Nom de montagne. Carmelus. Il en a eu deux qui ont porté ce nom dans la Terre-Sainte. La plus fameuse étoit dans la tribu d’Issachar, sur la côte, avançant dans la mer, en forme