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descendent immédiatement d’Elie, aussi bien que les Carmes mêmes ; & le prophète Abdias parmi les hommes, & Ste Emérentienne bisaïeule de Jésus-Christ, parmi les femmes étoient de ce tiers-Ordre. Il s’appuie sur les Bulles de Léon IV, d’Etienne V, d’Adrien II, & d’autres Papes, que le P. Hélyot a réfutées dans son T. I. c. 41, D’ailleurs, Coria se contredit, & écrit que ce ne fut qu’après avoir reçu le baptême de la main des Apôtres que les Carmes se divisèrent en Religieux, en Religieuses & en Tierciaires. De plus, il convient que c’est le Pape Sixte IV, qui a donné permission aux Carmes l’an 1476, d’établir ce Tiers-Ordre. Silvera, fameux Ecrivain des Carmes, & Lezane en convienent. Ce n’est donc qu’en 1477, que le Tiers-Ordre des Carmes a commencé en vertu de la Bulle de Sixte IV, de l’an 1476. Leur règle fut d’abord la même que celle que le B. Albert donna aux Carmes. Vers l’an 1635, Théodore Stratius, Général des Carmes leur en donna une autre, qui fut réformée l’an 1678, par le P. Emile Jacomelli, Vicaire général de cet Ordre. Ces Tierciaires Carmes font un an de Noviciat, après lequel ils font profession & promettent obédience & chasteté. L’habit des Freres est une robe ou tunique, qui descend jusqu’aux talons, de couleur tirant sur le noir ou rousse sans teinture ; par-dessus une ceinture de cuir noir, large de deux doigts, sous la tunique un Scapulaire de six pouces de large, descendant plus bas que les genoux, enfin une chappe blanche, longue jusqu’à mi-jambe. Les Sœurs ont un voile blanc, sans guimpe ni linge au front & à la gorge. Dans les pays où ces habits ne sont pas en usage, ils peuvent être habillés comme séculiers en gardant seulement la couleur tannée. P. Hélyot, Tome I, c. 52.

Si quelques Carmes ont dit qu’ils étoient les oncles de Jésus-Christ, &c. si l’on a avancé dans des thèses de Béziers qu’il est probable que Pythagore étoit Carme, & que les Druides des Gaulois avoient aussi les observances régulières des Carmes, ce sont des rêveries de particuliers, qu’il ne faut point attribuer à tout l’Ordre ; non plus qu’il ne faut point blâmer ceux qui révoquent en doute cette grande antiquité que quelques-uns attribuent à cet Ordre, sur-tout s’ils proposent leur doute avec la même modération & la même modestie que le P. Papebroch dans les Act. SS. sur le huitième d’Avril, p. 777, &c. Voyez aussi Barrés.

Carmes déchaux ou déchaussés. Religieux Carmes de la réforme de Ste Thérèse. Les Carmes Dechaussés, ou comme on dit plus communément, les Carmes Déchaux, sont ainsi appelés, parce qu’ils vont nus pieds. Sainte Thérèse entreprit de remettre les Carmes dans leur première austérité, & commença l’an 1540, par les couvens de filles.

Ensuite aidée du P. Antoine de Jésus, & du P. Jean de la Croix, elle établit la même réforme dans ceux des hommes. La réforme des filles commença par le couvent d’Avila, dont elle étoit Religieuse, & celle des hommes dans un Couvent que les deux Pères que nous venons de nommer établirent près d’Avila. Pie V approuva le dessein de Ste Thérèse, & Grégoire XIII confirma sa réforme en 1580. Il y a deux Congrégations de Carmes Dechausses qui ont chacun leur Général particulier, & leurs constitutions. L’une est la Congrégation d’Espagne divisée en six provinces ; l’autre s’appelle la Congrégation d’Italie, & comprend tout ce qui ne dépend point d’Espagne. Elle comprend 44 ou 45 Couvens en France. Les Carmélites réformées furent appelées en France en 1603, & les Carmes Dechaussés en 1605. Le P. Isidore de S. Joseph a fait l’histoire des Carmes Déchausses, & le P. Jérôme de S. Joseph l’histoire de la Réforme des Carmes, qui se trouve aussi en partie dans la vie & les lettres de Sainte Thérèse.

Le différent qu’ont eu les Carmes avec les Bollandistes, c’est-à-dire, les Jésuites d’Anvers qui travailloient au grand ouvrage des Acta Sanctorum, a trop fait de bruit dans le monde savant, pour n’en pas dire un mot.

On sait que les Carmes prétendent descendre du Prophète Elie, & que depuis son temps jusqu’à nos jours il y a toujours eu des Religieux du Mont-Carmel descendans de ce Prophète, & faisant les trois vœux essentiels de religion. Les Bollandistes dans leurs Actes des Saints donnèrent en 1668 au sixième de Mars la vie de S. Cyrille, & au 19 celle du B. Berthold. Ils donnèrent à celui-ci le titre de premier Général de l’Ordre des Carmes & appelèrent S. Cyrille troisième Général du même Ordre. Ils ne disoient en cela rien de nouveau, rien qui n’eût été dit par Jean le Gras, l’un des Généraux de l’Ordre des Carmes, & par Jean Paléonydor, Religieux du même Ordre. Ils avoient même cité un Traité de l’origine & du progrès de cet Ordre, que l’on attribue à ce S. Cyrille leur Général, dont nous venons de parler, & dont il y a un exemplaire de l’an 1446, dans la Bibliothèque du collège de Navarre à Paris, Traité que le Pere Daniel de la Vierge Marie a inséré dans sa Vigne du Carmel. Malgré tout cela, & quoique les Bollandistes se fussent autorisés du sentiment des savans Cardinaux Baronius & Bellarmin qui ne mettent l’origine des Carmes que sous le Pontificat d’Alexandre III, en l’an 1180, ou 1181, les Carmes furent fort scandalisés qu’on diminuât ainsi leur antiquité.

Le P. François de Bonne-Espérance, Exprovincial de Flandre ; répondit aux Bollandistes par un livre qui a pour titre, Historico-Theologicum Armamentarium, proferens omnis generis scuta, sive Sacra Scripturæ, summorum Pontifium, Sanctorum Patrum, Geographorum & Doctorum tam antiquorum quam recentiorum auctoricates, traditiones & rationes quibus amicorum dissidentium tela sive argumenta in Ordinis Carmelitarum antiquitatem, originem ; & ab Elia sub tribus essentialibus votis in monte Carmelo hæreditariam successionem & huc usque legitime non interruptem, vibrata enervantur. Mais comme les Carmes virent bien qu’on leur répondroit, & que dans les tomes suivans des Actes des Saints on continueroit à établir le même sentiment, le P. Matthieu Orlandi, pour lors Général des Carmes, écrivit aux Bollandistes pour les prier que lorsqu’ils parleroient du bienheureux Albert, Patriarche de Jérusalem, & de la règle qu’il avoit donnée aux Carmes, ils consultassent le P. Daniel de la Vierge-Marie, historiographe de leur Ordre ; & que quand ils citeroient l’autorité du Cardinal Baronius, ils ne le fissent pas si nument qu’ils l’avoient fait dans le mois de Mars, mais qu’ils modifiassent un peu les paroles de cet Annaliste par quelque commentaire. Les Bollandistes avoient consulté ce P. Daniel sur ce qu’ils avoient dit de S. Berthold, & il l’avoit approuvé.

En 1675, parurent trois tomes du mois d’Avril. Le P. Papebroch y soutient que le sentiment sur l’origine des Carmes venant du Prophète Elie, étoit plein de contradictions ; que leur Ordre n’étoit que du XIIe siècle ; & l’Auteur rapporte à cette occasion ce que nous avons dit de Jean Phocas au commencement de cet article. Les Carmes opposèrent un autre voyage fait en Terre-Sainte par un S. Antonin, martyr ; mais les Bollandists prétendent que ce voyage rempli de Fables n’a été donné que par un écrivain du XIIe siècle. Les Bollandistes, ont fait imprimer ces deux voyages au commencement du II tome de Mai. Outre cela le P. Papebroch au II tome d’Avril, disputoit aux Carmes d’anciens Monastères qu’ils prétendoient leur avoir appartenu avant le XIIe siècle, & regardoit comme supposés les titres sur lesquels on appuyoit cette prétention.

Cela engagea le P. François de Bonne-Espérance de donner un tome II de son Arsenal Historique-Chronologique ; & le P. Daniel de la Vierge-Marie, un Propugnaculum Carmelitanœ historiæ. Après quoi ces deux Défenseurs des Carmes étant morts, ceux-