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CAR

commun. Sa fleur est jaune & sans odeur. Il y a une espèce de carahuta guacu, qui croît en peu de temps à une très-grande hauteur. Ses feuilles étant broyées & bien frottées fournissent un lin très-fort & très-délié. Ses fleurs sont renfermées dans de petits corps coniques, dont on tire, avant qu’elles soient épanouies, des filets blancs qui ressemblent à du coton. Son bois séché brûle comme de la corde souffrée.

CARAGUE. s. m. Animal du Brésil semblable à un renard. Les caragues sont bruns, & font la guerre aux poules aussi-bien que les renards

CARAÏBE. s. m. Nom de peuple. Les Caraïbes sont des sauvages de l’Amérique méridionale, qui ont possédé autrefois toutes les Antilles, & qui occupent encore les Îles de S. Vincent, de Bekia & la Dominique. C’est ce qui fait qu’on appelle aussi du nom de Caraïbes les Îles des Antilles, qu’on appelle encore Cannibales d’un autre nom que portent aussi ces peuples. Au reste nous disons Caraïbes en quatre syllables, & rarement Caribes. De la Borde a écrit une relation des mœurs, des coutumes & de la religion des Caraïbes. Le P. du Tertre en parle aussi dans son Histoire naturelle des Antilles. Tom. II, Traité VIIe & Lonvillers de Poincy dans son Histoire naturelle & morale des Iles des Antilles. Liv. II, chap. 9 & suiv. Le P. Du Tertre & Lonvillers, disent que les mots de Galibi & Caraïbe sont des noms que les Européens leur ont donnés, & que leur véritable nom étoit Callinago pour les hommes, & Callipona pour les femmes ; que les Insulaires Caraïbes étoient des Galibis de terre ferme, qui étoient venus conquérir ces Îles ; qu’ils avoient eu des Rois, & qu’il y avoit encore des Caraïbes descendus de ces Rois. Eux-mêmes ne s’appellent Caraïbes que quand ils sont ivres, ou quand ils sont parmi les Européens ; ceux des Îles se nomment Oubaobonon, c’est-à-dire, habitans des Îles ; & ceux de terre ferme Baloue-bonon, c’est-à-dire, habitans du continent. Lonvillers croit néanmoins qu’il est plus probable que ce nom ne leur a point été donné par les Espagnols, parce que 1°. Avant que les Espagnols & les Européens eussent mis le pied au Brésil, les Brasiliens nommoient Caraïbes les gens plus subtils & plus ingénieux que les autres, ainsi que Jean de Lery l’a remarqué dans son Histoire. 2°. Il est constant qu’il y a des Sauvages qui portent le nom de Caraïbes dans des quartiers du continent où les Espagnols n’ont jamais été ; car ceux qui demeurent dans ce continent méridional au-dessus du saut des plus célèbres rivières, s’appellent Caraïbes. Outre cela, il y a au continent septentrional une nation puissante, dit cet Auteur, composée de certaines familles qui se glorifient encore à présent d’être Caraïbes, & d’en avoir reçu le nom long-temps avant que l’Amérique fût découverte. Les Caraïbes des Îles s’en glorifient aussi. Les Caraïbes sont d’une grande ignorance & d’une grande simplicité. Quoiqu’ils n’aient point de temples, ni d’autels, ni presque de culte extérieur de religion, ils ont cependant un sentiment naturel de quelque Divinité, ou de quelque puissance supérieure & bienfaisante, qui réside aux cieux ; mais ils disent qu’elle se contente de jouir en repos des douceurs de sa propre félicité, sans s’offenser des mauvaises actions des hommes, & qu’elle est douée d’une si grande bonté, qu’elle ne tire aucune vengeance de ses ennemis : d’où vient qu’ils ne lui rendent ni honneur ni adoration. Ils reconnoissent aussi de bons & de mauvais esprits. Les bons esprits, dont ils font aussi des Dieux, sont en grand nombre ; & ils croient que chacun a le sien. Quoiqu’ils semblent n’avoir point de culte extérieur, comme on l’a dit, ils offrent cependant à leurs Dieux de la cassave & du ouïcou. Ils évoquent leurs faux Dieux, lorsqu’ils souhaitent leur présence ; mais cela se doit faire par le ministère de leurs Boyés, c’est-à-dire, de leurs Prêtres, ou plutôt de leurs Magiciens ; & chaque Boyé a son Dieu particulier qu’il évoque. Ils appellent l’esprit malin Maboya. Ils croient l’immortalité de l’ame, & qu’après la mort elle s’en va au ciel avec son icheiri, ou son chemiin, c’est-à-dire, avec son Dieu, qui l’y conduit pour y vivre en la compagnie des autres Dieux : & quand un d’entr’eux meurt, on tue ses esclaves, pour qu’ils aillent le servir dans l’autre vie. Voyez les Auteurs que l’on a cités ci-dessus.

CARAÏSME. s. m. Secte des Caraïtes, doctrine des Caraïtes. Caraïsmus, Secta Caraitarum.

CARAÏTE. s. m. & f. Nom de Sectaires parmi les Juifs. Il y en a encore aujourd’hui dans le Levant & dans la Pologne. Quelques-uns, comme le P. Nau, les appellent des Carains, mais ce n’est pas l’usage en françois. Postel les appelle en latin Caraini, d’autres Carrei & Caraïte. Léon de Modène, Rabbin de Venise, dans son petit livre des cérémonies & coutumes de ceux de sa nation Liv. V, ch. 1 dit, que de toutes les hérésies qui étoient chez eux avant la destruction du Temple, il n’est resté que celle des Caraïm, nom dérivé de Micra, qui signifie le pur texte de la Bible, parce qu’ils veulent qu’on s’en tienne au Pentateuque, & qu’on le garde à la lettre, rejetant toute interprétation, paraphrase & constitution des Rabbins. Ce Juif se trompe quand il veut que les Caraïtes ne reçoivent point les 24 livres de la Bible.

Aben Esra & quelques autres Rabbins les traitent de Sadducéens ; mais Léon de Modène parle plus exactement, quand il dit au même endroit que ce sont des Sadducéens réformés, parce qu’ils croient l’immortalité de l’ame, le paradis, l’enfer, le purgatoire, la résurrection, & plusieurs autres choses que les anciens Sadducéens ne reconnoissoient point. Il prétend cependant qu’on ne doute point que dans leur origine ils n’aient été de véritables Sadducéens, & qu’ils ne viennent d’eux : mais il est bien plus vraisemblable, comme le remarque M. Simon, dans son Supplément touchant les Caraïtes, que cette secte n’est venue que de ce que les plus habiles s’opposent aux rêveries des Talmudistes ; & que se servant du texte de l’Ecriture pour réfuter les traditions qui n’avoient aucun fondement, on leur donna le nom de Carraïm, qui est la même chose qu’en latin barbare, Scriptuarii, c’est-à-dire, gens attachés au texte de l’Ecriture. Les autres Juifs les traitèrent de Sadducéens, non qu’ils les fussent en effet, mais parce qu’ils les imitoient dans ce qu’ils regardoient les traditions. Le P. Nau, qui dit avoir souvent traité avec, eux assure qu’ils ont quelque chose des erreurs des Sadducéens.

Scaliger, Vossius & M. Spanheim, Bibliothécaire de l’Université de Leyde, mettent les Caraïtes au même rang que les Sabéens, les Mages, les Manichéens & les Musulmans ; c’est une erreur. Quelques autres les considèrent comme une branche ou comme la postérité des Sadducéens ; c’est le sentiment des Juifs Rabbanistes qui les regardent comme des Hérétiques. Volfgangus, Fabricius, Capito Henaem, pag. 9, croient que les Sadducéens & les Esséniens furent appelés Caraïtes par opposition aux Pharisiens. D’autres croient que ce sont les Docteurs de la loi dont il est parlé si souvent dans l’Evangile ; mais toutes ces conjectures sont peu solides. Josephe ni Philon ne parlent point des Caraïtes ; ainsi cette secte est plus récente que ces deux Auteurs. Il y a assez d’apparence qu’elle ne s’est formée que depuis la collection de la seconde partie du Talmud, c’est-à-dire, de la Gémare. Peut-être commença-t-elle dès le temps que R. Juda Hakkadosch compila la Mischne, vers le milieu du troisième siècle.

Le Caraïte Mardochée prétend que les Caraïtes sont plus anciens que les Sadducéens ; car s’ils étoient une branche de ces Hérétiques, ils n’auroient point en horreur Sadoc & Baïtos. Les Caraïtes prétendent être les restes des dix Tribus emmenées en captivité par Salmanazar. Schupart croit qu’on ne