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manière au laurier franc, par ses feuilles qui sont plus souples, plus longues, moins pointues par leur extrémité, toujours opposées deux à deux, & d’un goût piquant, aromatique, tenant de la cannelle & du girofle, accompagné d’une astriction & d’une amertume qui n’est pas désagréable. Ses fleurs naissent par bouquets à l’extrémité des branches ; elles sont blanches, petites, composées de cinq pétales arrondies. Ses étamines sont blanches, & entourent un pistil. À ces fleurs succèdent des baies grosses comme des pois, divisées en deux cellules qui renferment chacune une ou deux semences taillées en forme de rein. Cette baie a un goût piquant comme le girofle, & on la nomme par cette raison tête de clou, ou poire de la Jamaïque, en latin Pimenta, Piper Jamaicense. L’usage que l’on fait a présent de ce fruit est assez considérable, parce qu’il est d’un goût agréable dans les sauces, & les Epiciers en composent leur poivre assorti, La première écorce de cet arbre est mince, fort lisse & jaunâtre ; la seconde est plus épaisse, blanchâtre, & d’un goût de cannelle, de muscade & de girofle mêlés ensemble. C’est cette seconde écorce qu’on nous envoie en bâtons plus courts que ceux de la cannelle fine, roulés cependant tout de même, ce qui arrive à cette écorce lors qu’elle séche. Elle est assez fine, & les taches qui paroissent sur sa surface extérieure sont des vestiges des queues des feuilles. Elle est épaisse ordinairement d’une demi-ligne, ou d’une ligne au plus, jaunâtre en dedans, & d’un goût aromatique. On la nomme cannelle blanche, costus en écorce, Canella alba, costus corticosus, & on l’a toujours fait passer pour le Corte Wicelteranus. L’aubier du tronc de cet arbre est couleur de chair, & le cœur, ou la partie ligneuse, est violet, & devient noir d’ébène en vieillissant ; il est très-dur, & prend un beau poli. Cet arbre vient quelquefois aussi gros que nos noyers. Voyez Plumier, Du Tertre, Pison, Pomet, Dale, Herman.

Il y a une autre sorte de cannelle dans les Indes Occidentales, qui vient dans une provin ce qu’on appelle Sumaca, située fous l’Equateur. C’est un arbre de moyenne grandeur, toujours chargé de feuilles, comme les autres arbres des Indes. Ces feuilles sont semblables à celles du laurier. Son fruit est de la forme & de la figure d’un chapeau, & de la largeur d’une pièce de huit réales d’Espagne. Il est au-dedans & au-dehors d’une couleur de pourpre tirant sur le noir, uni & poli par-dedans, rude par-dehors, d’un goût & d’une odeur aussi agréables que la cannelle de Céylan, Son écorce est fort épaisse:elle n’a aucune saveur ni odeur de cannelle. Sa principale force est dans le fruit, ce qui est le contraire de la cannelle d’Orient. Ce fruit est fort utile à plusieurs choses; étant mis en poudre il fortifie l’estomac, dissipe les vents, corrige la puanteur de la bouche : il est aussi cardiaque, & donne bonne couleur. On en met dans les sauces & dans les ragoûts comme la cannelle.

Cannelle, se dit aussi d’un robinet qu’on met à un tonneau pour en tirer le vin, en tournant la clef qui y tient, & qui sert à ouvrir ou à boucher le passage. Fistula.

☞ C’est encore un morceau de bois creusé qu’on met à une cuve de vendange, pour en faire sortir le vin, après qu’on a foulé les raisins. Emissarium.

Cannelle ou Canellé, se dit encore de cette petite cavité, ou cannelure, qui se voit de chaque côté du plat de la tête des aiguilles à coudre ou à travailler en tapisserie. On l’appelle aussi la railette de l’aiguille.

Cannelle, se dit aussi d’un petit couteau dont la lame est dentelée comme une scie, servant à faire une petite rainure sur un morceau de bois, dans laquelle on tient l’aiguille avec des tenailles pour l’y ébaucher.

CANNELURE ou CANELURE. s. f. Cavité ronde qu’on fait dans une colonne, le long d’un pilastre ou d’une autre pièce d’architecture, pour lui servir d’ornement. Striatura. On les appelle autrement striures du latin striges, les plis d’une robe. Il y a des cannelures à côtes ; ce sont celles qui sont séparées par des listels de certaine largeur, qui ont quelquefois des astragales, ou baguettes aux côtés, ou dessous. Des cannelures avec rudentures : ce sont celles qui sont remplies de bâtons, de roseaux, ou de cables, jusqu’au tiers du fût. Des cannelures ornées : ce sont celles qui ont dans la longueur du fut, ou par intervalles, ou depuis le tiers d’enbas, de petites branches ou bouquets de laurier, de lierre, de chêne, ou de fleurons, & autres ornemens qui sortent le plus souvent des roseaux. Des cannelures à vive arrête : ce sont celles qui ne sont point séparées par des côtes : elles sont propres au Dorique. Des cannelures plates : ce sont celles qui sont en manière de pans coupés au nombre de seize, comme l’ébauche d’une colonne Dorique. On peut aussi appeler cannelures plates, celles qui sont creusées carrément en manière de petites fasces, ou demi-bâtons dans les tiers du bas d’un fût. Des cannelures torses : ce sont celles qui tournent en vis, ou en ligne spirale autour du fût d’une colonne. Cannelures de gaine, de terme, de console, sont des cannelures plus étroites par le bas que par le haut.

Cannelure & Cannelures, sont aussi des termes qui s’emploient communément en Botanique dans les descriptions des tiges & des fruits de quelques plantes. Cannelures à côtes, sont celles qui sont séparées entr’elles par des côtes ou plates en dessus, ou arrondies en côte de melon. Cannelures à vive arête, sont celles dont les séparations sont en feuillet vif & tranchant.

Cannelure. s. f. Terme de Conchyliologie. C’est un canal régulier gravé en creux sur la superficie d’une coquille.

Ce mot vient de canal, canalis, parce que la cannelure est en effet un petit canal. De-là vient qu’on trouve dans la basse latinité canalatus, pour dire canelé. Il s’ensuit de-là, si l’étymologie n’est point fausse, qu’il ne faudroit point l’écrire par deux nn, comme fait l’Académie. Du reste, on n’en prononce qu’une en parlant.

CANNEQUIN. s. m. Toile de coton blanche. On l’apporte des Indes.

CANNER. v. a. Dans les lieux où la canne est en usage pour une mesure des longueurs, on dit canner dans toutes les mêmes significations qu’auner dans les lieux où l’on se sert de l’aune.

CANNES. Cannæ, arum. Petit bourg ou village de la Pouille, célèbre par la grande victoire qu’Annibal y remporta sur les Romains la troisième année de la seconde guerre Punique, l’an de Rome 538. Il ne reste plus que les ruines de ce bourg, que quelques-uns appellent ville. Peut-être qu’il le devint dans la suite. Tite-Live n’en fait qu’un bourg. Vicus. ☞ Florus dit qu’il n’étoit pas connu avant la défaite des Romains. Cannœ & palliæ ignobilis vicus, sed magnitudine cladis emersit. Après la bataille de Cannes, Annibal envoya trois boisseaux d’anneaux de Chevaliers Romains à Carthage. On appelle aujourd’hui ce lieu Cana destructa. Voyez Vigenère sur Tite-Live, page 1755, au mot Apulie.

☞ CANNETILLE. s. m. Terme de Broderie. C’est ainsi qu’on appelle de petites lames d’or ou d’argent tortillées. Il y a beaucoup de cannetille dans cette broderie. Il s’en fait de ronde & de plate. Quand la cannetille est plate & luisante, pour avoir été serrée entre deux roues d’acier, on l’appelle bouillon.

CANNETTE. s. f. On appelle ainsi, chez les fabricans Gaziers, & dans les Manufactures en soie, un petit morceau de roseau, sur lequel est dévidée la soie de la trame dont on fait la gaze.