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CAN

CANA. s. f. Il y avoit deux villes de ce nom. Cana de Galitée, ville de la Tribu de Zabulon, où J.C. fit son premier miracle, en changeant l’eau en vin, à des noces où il avoit été invité avec sa sainte Mere & les Disciples, ainsi que S. Jean l’écrit au IIe chapitre de son Evangile. Il y a encore une autre Cana, qu’on nomme la grande, pour la distinguer de la première. Celle-ci étoit dans la Tribu d’Aser. Il en est parlé au ch. XIX de Josué, 7 v. 28. Quelques Interprêtes croient que c’est dans cette ville qu’étoit la Chananéenne dont parle S. Matthieu, chap. XV. Enfin, S. Jérôme, De locis Hebraic. met une troisième Cana dans la Tribu d’Ephraïm ; mais l’Ecriture ne parle point de celle-ci.

Les uns interprètent ce nom Zelus, œmulatio, & par-conséquent le tirent de קנא, œmulatus esi, Zelotypus fuit ; les autres, possession, le dérivant de קנה, acquérir, posséder ; d’autres lamentatio, de קין, lamenter ; mais on diroit Kinah, & non pas Canah. D’autres nid, de קן, Kin, nidus, qui vient de קנן, Kinnen, faire son nid ; mais on diroit Kinnah ; puisque Josué l’écrit en hébreu קנה, Kanah, La seconde étymologie paroît la meilleure.

On appelle les noces de Cana, un tableau, ou une estampe qui représente le banquet où J. C. fit son premier miracle. Les noces de Cana de Paul Véronèse est l’un des plus beaux tableaux de cet excellent Peintre : l’on y voit plus de six vingt figures d’une beauté admirable.

CANABASSÉTE. s. f. Etoffe dont il est fait mention dans le tarif de la douane de Lyon de 1632. Il y en a de deux sortes : les unes sans soie, & les autres rayées de soie.

CANABIL. s. m. Espèce de terre médicinale. Voyez Le Dict. de James.

CANACHE. s. f. Fille d’Eole, qui ayant été séduite par Neptune, ou par quelque Dieu marin, en eut plusieurs enfans, entr’autres Iphimédie, mère des Aloïdes.

CANACOPOLE. s. m. Terme de relation. C’est le nom qu’on donne dans les Indes aux Catéchistes qui travaillent sous les Missionnaires au salut des ames. Catechista. Il commettoit à ces Catéchistes, qui s’appeloient en leur langue Canacopoles, le soin des Eglises qu’il faisoit bâtir dans les lieux peuplés. Bouh. Vie de saint Xav. Vous ferez en sorte que les Canacopoles & les maîtres du catéchisme fassent leur devoir. Bouh. Xav. liv. 4, p. 260.

CANADA. s. m. Vaste région de l’Amérique septentrionale, qui a le nouveau Mexique & les Acanibas ou Aconibas au couchant, la Floride au midi, au levant la mer du nord, qui jointe avec le détroit de Hudson & la mer Christiane la sépare vers le nord des terres Arctiques. Il s’étend, selon nos cartes, depuis le 39d de latitude septentrionale jusqu’au 65e ou environ, & depuis le 284e de longitude Jusqu’au 33e, ou à-peu-près. Ce pays fut découvert par les François, il y a plus de 200 ans ; c’est pour cela qu’on l’appelle aussi la Nouvelle-France. Jean Verasan fut le premier qui se hazarda d’y entrer en 1504. Les Sauvages le mangèrent. En 1525 & en 1534 on y alla encore. Jean Quartier y alla ensuite, & après avoir remonté le fleuve S. Laurent plus haut que Quebec, il s’en revint en France sans avoir fait aucun établissement, & fort dégouté d’en faire. Enfin, en 1604, cent ans après la découverte du pays, il partit de Rouen une colonie qui s’y établit, avec de grandes difficultés, à cause de la férocité des Sauvages qui l’habitoient. Les principaux font les Ilinois, les Hurons, les Algonquins, les Iroquois, les Abnaquis, les Etechemins, &c. Plusieurs de ces Sauvages sont convertis. Ils n’ont point de villes. Ils logent dans des cabanes faites d’écorces d’arbres. Malgré le froid ils vont nus : ils ne se couvrent que vers la ceinture par devant & par derrière : l’hiver ils marchent sur les neiges avec des raquettes. Ils vivent de blé d’Inde, que les femmes cultivent, & qu’elles broient avec des pierres : elles le cuisent dans de l’eau, y mêlant, quand elles en ont, de la chair, ou du poisson. Cela s’appelle de la sagamite. Les hommes ne sont occupés que de la guerre, de la chasse ou de la pêche. Ils font avec des écorces d’arbres, qu’ils cousent fort proprement, des canots, ou batteaux assez grands pour porter toute leur famille, & assez légers pour s’en charger quand il y a des sauts dans les rivières, & les porter quelquefois assez loin. Chaque village a un Chef ou Capitaine. Ils reconnoissent un Dieu qu’ils appellent Manitou, le grand esprit, maître du monde ; la vue seule de l’Univers le leur persuade. Ils reconnoissent aussi un mauvais esprit, qu’ils craignent beaucoup. Leurs armes sont des flèches ; mais à présent ils ont des armes à feu que les Européens leur portent, & ils s’en servent très-bien. Ils sont grands, bienfaits, robustes, adroits, braves ; mais barbarement cruels. Quand ils ont pris un ennemi en guerre, à moins que quelqu’un du village ne l’adopte, ils le brûlent vif, à petit feu & lentement, & lui coupent des morceaux de chair à mesure qu’ils sont rôtis pour les manger à ses yeux. Ils ont traité avec cette inhumanité brutale quelques Missionnaires.

Le mot Canada est apparemment un mot sauvage, mais dont on ne sait point la signification. On ignore aussi la raison qui le fait donner à ce pays. Quelques-uns croient que ce fut, parce que les Sauvages répétoient souvent ce mot Canada quand les François y aborderent. D’autres, parce que c’étoit le nom du fleuve de S. Laurent qui fut donné à tout le pays ; & d’autres parce que le petit pays de Canada fut le premier que l’on trouva. Il y a une Histoire latine du Canada, par le P. François du Creux, Jésuite, dans laquelle on trouve une bonne carte du Canada.

Canada est aussi le nom d’un pays particulier compris dans la grande contrée dont nous venons de passer. C’est celui qui est à la droite du fleuve de S. Laurent, vers son embouchure. Il a ce fleuve au nord, au levant le golfe du fleuve S. Laurent, la baie de Chaleurs au midi ; au couchant il touche au pays des Etechemins. Cette presqu’Ile est le Canada propre, qui, à ce que l’on prétend, a donné son nom à tout le pays qui est derrière, & au fleuve de S. Laurent.

Canada. On donne encore ce nom à la grande rivière de Canada ; mais il est peu en usage aujourd’hui, & l’on dit toujours le fleuve de S. Laurent. Voyez ce mot au mot Laurent.

CANADE. s. f. Nom que les Portugais donnent sur la mer à la mesure du vin ou d’eau, qu’on donne par jour à chacun de ceux qui composent l’équipage. Il y a trois cens canades à chaque pipe.

Canade. s. m. Quelques-uns le font féminin. C’est un oiseau gros comme un faisan, qui se trouve dans l’Amérique, & principalement dans l’Île d’Antego. Le Canade passe pour le plus bel oiseau du monde. Il a le ventre & les aîles de couleur d’aurore, le dos & la moitié des aîles de bleu céleste, la queue & les grosses plumes des aîles mêlées d’incarnat étincelant, diversifiée de bleu avec un noir luisant sur le dos. Sa tête est admirable ; elle est couverte d’un duvet brun marqueté de vert, de jaune & de bleu pâle, avec des taches ondoyantes au bec. Ses yeux sont couverts de blanc, & la prunelle, qui est jaune & rouge, ressemble à un rubis enchassé dans de l’or. Cet oiseau est couronné d’une houpe d’un vermillon éclatant, environné d’autres petites plumes couleur de perles.

☞ CANADELLE. s. f. La même chose que Chaanne, poisson. Voyez ce mot.

CANADIEN, ENNE. s. m. & f. & adj. François établi ou né en Canada. Canadiensis, Francus homo in Canadiensi plaga Francis parentibus natus. Canadien n’est pas la même chose que Canadois. Nos François qui sont en Canada, ou qui y ont été, distinguent fort ces deux mots. Un Canadien est un hom-