Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/969

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
945
BOI

domesticum, edibus adsitum. Les usufruitiers ne peuvent faire couper les bois marmenteaux & bois de touche, ni en haute futaie, ni en taillis, quand ils servent à la décoration d’une maison ou d’un château.

Une coupe de bois réglée, est une division qui se fait d’un grand bois en certaines portions, afin qu’on en coupe chaque année une certaine quantité sans dégrader le bois, ni en diminuer le revenu. Consuetæ cœsuæ saltus. On appelle l’âge du bois, ou l’essence du bois, le temps écoulé depuis sa dernière ocupe. L’usance du bois se dit de son exploitation.

Garde-bois, est l’Officier préposé pour empêcher les dégradations des bois, & conserver le gibier. Sylvarum custos.

☞ Ménage derive ce mot de boscum ou boscus. Il vient plutôt de l’allemand busch, d’où les Italiens ont fait bosco, & les Espagnols bosque. En vieux françois on disoit bos. Du diminutif boskettus on a fait bosquet & bouquet ; & de boscium on a pareillement fait buisson ; de boscq, buche ; & de boscagium, bocage.

En Poësie on appelle les Divinité des bois, les Dryades, Hamadryades, les Faunes, les Satyres, &c. Parmi les Païens il n’y avoit presque point de bois qui n’eût son Dieu tutélaire, & un temple consacré au Dieu qui y présidoit. Le silence & l’horreur qui y règnent, leur paroissoient propres à inspirer du respect, & à imprimer je ne sais quel sentiment de religion, en sorte qu’ils se figuroient que la Divinité y habitoit ; c’est pourquoi ils étoient sacrés & inviolables ; & Cicéron, en déclarant contre Clodius, n’exagère rien tant que la profanation qu’il avoit commise en portant le fer & le feu dans ces bois défendus par la dévotion des peuples. Lucus. Les sombres ombrages des bois les rendoient vénérables aux hommes, & les faisoient choisir comme des lieux propres à la célébration des mystères. S. Evr. La solitude & les bois inspirent je ne sais quelle tendresse qui enfonce le trait dans le cœur, au lieu de l’en arracher. Id.

Les bois ont été les premiers lieux destinés au culte des Dieux. Dans les premiers temps où les hommes ne connoissoient ni villes ni maisons, & qu’ils habitoient les bois ou les cavernes, ils choisirent dans les bois les lieux les plus écartés, les plus sombres, les plus impénétrables aux rayons du soleil, pour l’exercice de leur religion. Dans la suite on bâtit de petites chapelles, & enfin des temples ; & pour conserver cette ancienne coutume, on plantoit toujours, lorsqu’on le pouvoit, des bois autour des temples, & les bois étoient aussi sacrés que les temples mêmes. Ces bois sacrés furent bientôt très-fréquentés. On s’y assembloit aux jours de fêtes, & après la célébration des mystères, on y faisoit des repas publics, accompagnés de danses & de toutes les autres marques de la plus grande joie. On y suspendoit les offrandes avec profusion. Couper des bois sacrés, étoit un sacrilège ; il étoit cependant permis de les élaguer, de les éclaircir, & de couper les arbres qu’on croyoit attirer le tonnerre.

En termes de Marine on dit, faire du bois, lignari ; pour dire, descendre à terre pour aller couper des bois nécessaires à l’équipage. On dit aussi qu’un vaisseau a reçu des coups en bois ; pour dire, dans le bas & dans les œuvres vives.

☞ Le mot bois est souvent employé dans les arts & métiers.

Bois d’un éventail, sont les deux montans ou maîtres brins & les flèches. Ce terme est générique, & signifie toutes les matières qui servent à la monture d’un éventail ; bois, écaille, ivoire, &c.

Bois de raquette, c’est tout le bois qui compose la raquette, le tour avec son manche. Lignum reticuli.

Bois de lit, ce sont les pans, les colonnes, le dossier, les tringles & les goberges du lit. Fulcrum.

Bois de fusil. Voyez Fût.

Bois. Terme d’Imprimeurs. Ils appellent bois de tête, les petites pièces de bois qui se mettent dans les châssis, au-dessus des pages, pour tenir les formes serrées ; & bois de fonds, les bois qui se mettent entre les pages.

Bois de brosse, chez les vergettiers, petite planche, mince, percée de plusieurs trous, à distance égale, pour recevoir les loquets.

☞ On appelle généralement en Menuiserie des meubles de bois, des tables, des sièges, des lits, quand ils n’ont point d’étoffes ni de tapisserie.

Bois de tournebroche. C’est la fusée & les poulies du tournebroche.

☞ On appelle aussi bois de pique ou brin de bois, un bois de lance ou les bois de ces armes avant qu’ils soient ferrés. Hastile.

☞ Les anciens Chevaliers appeloient bois, leurs lances. C’est en poësie un terme de guerre & de tournois. Lancea, missile, jaculum, sagitta. Leurs bois volerent en éclats. Et l’on disoit qu’ils portoient bien leur bois, lorsqu’ils couroient en lice de bonne grâce. C’est de-là qu’on dit figurément, qu’une personne porte bien son bois.

☞ En termes de Vénerie, on dit un bois de cerf, ce qu’on appelle autrement cornes de cerf. Ramosa cervi cornua ; & l’on dit qu’un cerf a touché au bois, quand il a dépouillé la peau de sa tête, en se frottant contre les arbres.

☞ On dit figurément en ce sens, qu’une femme fait porter du bois à son mari, lorsqu’elle lui est infidelle.

☞ En Agriculture, bois se dit des menues branches, sions & rejetons que les arbres poussent chaque année. Ainsi on dit qu’un arbre pousse trop de bois, qu’une vigne est trop chargée de bois ; pour dire, qu’il faut la tailler, & qu’il faut émonder ou élaguer les arbres. On appelle aussi la vigne le bois tortu.

Bois. En termes de Trictrac, se dit des dames avec lesquelles on joue. Avoir beaucoup de bois sur une case. C’est une règle inviolable, que bois touché doit être joué. Traité du Trict. Il faut, avant que de toucher son bois, marquer ce que l’on gagne. Ib. On dit, abattre du bois, quand on abat beaucoup de dames de dessus le premier tas, pour faire plus facilement des cases dans la suite.

☞ On appelle chez les Chrétiens, par excellence, le bois sacré de la croix, le bois de la vraie croix, celui où fut attaché le Sauveur. Lignum crucis.

☞ Ce mot est pris figurément de l’Evangile. S’il est ainsi fait au bois vert, que fera-t-il du bois sec ?

Bois-a-bois. Terme d’aunage, & d’Auneurs. Auner une étoffe ou une toile bois-à-bois, c’est l’auner juste, sans faire aucune bonne mesure.

Bois, se dit aussi en plusieurs phrases proverbiales. On dit d’une personne qui a grand air, qu’elle porte bien son bois ; cette femme porte bien son bois, pour dire, qu’elle a un port majestueux. On dit d’un fanfaron, que c’est un grand abatteur de bois, qui se vante de faire beaucoup plus de prouesses qu’il n’en fait. On le dit aussi d’un homme qui expédie beaucoup de besogne, & même d’un juge qui rapporte beaucoup de procès. On dit de ceux qui font les choses avec éclat, violence & impétuosité de naturel, que c’est la force du bois, par allusion au bois vert, qui se tourment & qui travaille. On dit, avoir l’œil au bois ; pour dire, prendre garde à ses affaires, & ne se laisser point surprendre, par allusion aux embuscades qui se font d’ordinaire dans les bois. On dit aussi, il n’est tel feu que de gros bois, en faisant allusion à un Philosophe qui voyoit tranquillement brûler sa maison. On dit en menaçant, il verra de quel bois je me chauffe ; pour dire, je le bâtonnerai du bois que j’ai à mon feu. On dit en ce même sens, charger un homme de bois, lui donner sa provision de bois ; pour dire, lui donner plusieurs coups de bâton. On dit qu’un homme est du bois dont on fait les vielles, qu’il est de tous bons accords ; pour dire, qu’il est foible ou complaisant, qu’il n’ose ou ne veut contre-dire personne. Être du bois dont on fait une chose, c’est avoir de son côté les qualités & les dispositions nécessaires pour parvenir à cette chose-là, y être propre, pouvoir y prétendre. Un Gentilhomme disoit au Maréchal de la Meilleraye, si je ne suis pas Maréchal de France, je suis du bois dont on les fait : vous avez raison, répartit le Maréchal, quand on sera de bois,