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BILLETTES. s. m. pl. Espèce de Religieux qu’on appeloit autrefois les Frères de la Charité N. D.

Voici ce qu’il y a de certain sur l’origine de leur nom de Billettes : Jean Flammeng, bourgeois de Paris, bâtit une Chapelle à la place de la maison du Juif dont il a été fait mention ci-dessus. Cette Chapelle, appelée la Chapelle des miracles, fut demandée par les Frères de la Charité de N. D. de Châlons sur Marne, pour y fonder un Monastère qui y fut établi en 1302, & cependant la Chapelle n’en fut dédiée qu’en 1350. Ces Religieux, qui se nommoient Billettes, & suivoient la règle de S. Augustin, n’étoient plus en 1630, qu’au nombre de 30 ou 40 dans tout le Royaume, & s’étant endettés, ils cédèrent cette maison aux Carmes de la Réforme de Rennes en 1631, qu’on a nommé Billettes, du nom de leurs cessionnaires. Pour distinguer ceux-ci des autres Carmes, on les appelle les Carmes Billettes, ou les Billettes tout court. Ils sont dans la rue qui porte leur nom ; mais aujourd’hui communément dans le monde, on donne le nom de Billettes indifféremment à tous les Carmes. Descript. Géogr. & Hist. de la Haute Normandie, T. I, p. 12. Le Couvent des Billettes de Paris fait partie de la province de Tourraine.

Billette. C est aussi, en termes de Tondeurs de draps, un instrument de bois fait en équerre, ayant une branche plus longue que l’autre, qui est attachée à celui des deux couteaux de force, qu’on appelle le couteau femelle.

Billette. On nomme ainsi dans la douanne de Bourdeaux, l’acquit que le Commis délivre aux Marchands, pour justifier du payement des droits de sortie des marchandises qu’il veut faire embarquer pour l’envoyer à l’étranger. Dict. de Com.

Billettes. s. f. pl. C est, en termes de Verrerie, le petit bois dont on se sert à entretenir le feu dans les fours à verre ; ce sont des espèces de coterets.

BILLETIER. s. m. Commis qui expédie & délivre les billettes. Il se dit aussi à Bourdeaux des Commis des Fermes du Roi qui ont la garde des ports.

BILLEVESÉE. s. f. Vieux mot, qui signifioit autrefois une balle soufflée, pleine de vent. Folliculus.

Billevesée, se dit figurément des paroles ou des choses vaines, qui n’ont aucune solidité. Nugæ, somnia, fabulæ. C’est un donneur, un compteur de billevesées. Cela ne se dit que dans le style populaire, sottes billevesées, pernicieux amusemens, Romans, puissiez-vous être à tous les Diables. Mol. Chacun sait que c’est pure billevesée. Sar.

☞ BILLI. Petite & pauvre ville de France, en Bourbonnois. Il y a aussi une Baronnie de ce nom en Artois, sur les confins de la Flandre.

BILLION. s. m. Terme d’Arithmétique. C’est ce qu’on appelle autrement milliard, c’est-à-dire, dix fois cent millions. Decies centeni milliones. Quatre billions & trois cent vingt millions de personnes. Journ. d. S. 1722, p. 187, c’est-à dire, quatre milliards trois cent vingt millions. 4,320,000,000.

BILLON. s. m. C’est un terme particulièrement affecté aux monnoies. Nummi forfice incisi, & iterùm conflandi. Il signifie, toute matière d’or, ou d’argent qui est alliée, c’est à-dire, mêlée au-dessus d’un certain degré, & principalement de celui qui est fixé pour la fabrication des monnoies ; comme maintenant que la fabrication des louis d’or est fixée à 22 carats, & des louis d’argent à 11 deniers, le billon d’or est celui qui est à 21 carats ; & le billon d’argent, celui qui est au-dessous de dix deniers. Il y a deux sortes de billon d’argent ; l’un nommé haut billon, qui est à dix deniers, & au-dessous jusqu’à cinq ; & l’autre, bas billon, qui est au dessous de cinq deniers. VOyez Bouteroue, Rech. Cur. des Monn. de Fr. p. 144, & Boizard, Tr. des Mon. P. I, c. 3.

Il est défendu à tous Merciers, Billonneurs, & autres personnes qui ne sont point Orfèvres, de vendre ni acheter aucun or, ni argent, si ce n’est par billon.

Billon, signifie aussi toute sorte de monnoie qui est décriée à quelque titre & quelque alloi qu’elle puisse être. Nummi exauctorati. En ce sens on dit, qu’il faut envoyer la monnoie au billon, c’est-à-dire, qu’elle sera fondue & remise sous les coins. Ordonner qu’elle sera mise au feu pour billon.

Billon, se dit aussi de la menue monnoie de cuivre, comme sont liards, doubles, &c. Nummi arei.

Billon, signifie ainsi le lieu où l’on porte la monnoie décriée, légère ou défectueuse, pour la refondre, & en recevoir la juste valeur, comme sont les Bureaux du Change, ou de la Monnoie. Officina liquandis ac resiciendis nummis. Porter au billon. Envoyer au billon.

Billon, est aussi du bas argent qu’on affine avec la casse d’Orfèvre comme l’autre argent, mais sans eau-forte.

Ménage dérive ce mot de binio, qui signifie un denier. Covarruvias, de vellus, à cause que les Romains marquoient leurs monnoies de cuivre de la figure d’une brebis. Nebrissensis le dérive de vilis. Borel de villon, ou de guillon, qui signifioit autrefois tromperie ; d’où vient qu’on donna ce nom à un vieux Poëte nommé François Corbeuil, à cause de ses Friponneries. Mais Bouteroue le dérive du latin bulla, qui a signifié autrefois des sceaux, & des matrices qui servoient à former les coins des monnoies ; & c’est ainsi que les appelle Harmenopule. Du Cange croit qu’on l’a ainsi nommé, à cause que c’est aurum & argentum in massam seu billam, i. e. baculum, conflatum, necdum purgatum.

Billon, se dit figurément & dans le style comique, de tout ce que l’on n’estime point, de tout ce que l’on rejette. Res vilioris pretii. Hors de Paris, je mets tout au billon ; pour dire, de toutes les villes de France, je n’estime que Paris. Lorsque l’on fit recherche de la noblesse, & que l’on examina les titres de ceux qui se disoient Gentilshommes, on dit que la noblesse avoit été mise au billon.

BILLON. ☞ Terme d’Agriculture, ou une terre billonnée, c’est celle qu’on laboure en faisant de profonds sillons & des éminences qu’on nomme des billons. Ainsi ce mot d’Agriculture n’a aucune relation avec ce qu’on appelle communément billon, qui veut dire, quelque chose de mauvais aloi.

☞ En Bourgogne on appelle billon, un sarment taillé court, qu’on nomme ailleurs bourgeon. Palmus brevior.

On ne voit pas d’où ce nom est venu en ce sens, si ce n’est peut-être que les vignerons aient dit billon pour un diminutif de Bille, qui signifioit autrefois bâton. Billon est un petit bâton, un bois court.

BILLONNAGE. s. m. Trafic illicite de celui qui billonne. Nummorum exauctoratorum commercium. Le billonnage est un crime qu’on recherche & qu’on punit, comme celui de fausse monnoie.

BILLONNEMENT. s. m. Action de billonner. Monetæ incisio & conflatura. Pomey.

BILLONNER. v. n. qui est pris en bonne & mauvaise part. Il signifie proprement, recueillir les espèces décriées & envoyées au billon ; ce qui étoit autrefois permis à certaines personnes préposées pour cet effet. Obnoxiam forfici monetam conflaturæ gratiâ conquirere. Mais il se prend ordinairement en mauvaise part, & signifie, trafiquer de monnoie de billon ; substituer des espèces défectueuses en la place des bonnes ; profiter induement sur les espèces au préjudice des Ordonnances. Boiz. Obnoxiam forfici monetam commercii gratiâ colligere. L’Ordonnance en a fait un crime, qui peut être commis en plusieurs façons. 1°. Lorsqu’on achète, ou qu’on change la monnoie pour moins qu’elle ne vaut, pour la remettre à plus haut prix, soit dans le même lieu, soit dans une autre Province. 2°. Quand les Receveurs payent en des espèces moindres, ou plus légères qu’ils ne les ont reçues, ou quand ils payent en espèces qu’ils font valoir à plus haut prix que celui de l’Ordonnance. 3°. Quand les Changeurs remettent dans le commerce des espèces défectueuses, étrangères & décriées. 4°. Quand on choisit les espèces plus pesantes pour les vendre aux Orfèvres ou Changeurs qui les fondent. 5°. Et généralement quand on profite sur le prix de la monnoie. Boizard rapporte neuf différentes manières de billonner, à prendre ce mot en mauvaise part. Voyez Tr. des Monn. P. II, c. 5.