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BER

plus d’un tiers de tout le pays. Bernensis Pagus. Il se divise en deux parties, le pays allemand & le pays roman. Voyez Simler. De Rep. Helvet. & Burnet, Voyage de Suisse.

BERNE. s. f. Saut en l’air qu’on fait faire à quelqu’un, soit par divertissement, soit par malice, en le secouant dans un drap ou dans une couverture. ☞ Quatre personnes tiennent les quatre coins d’une couverture, mettent quelqu’un au milieu, & le font fauter en l’air. Ludicra alicujus è sago linteo in altum jactatio, ludicrum sagi supplicium.

Jamais sot ne mérita mieux
D’être poussé d’un coup de berne,
Jusqu’à moitié chemin des cieux. Main.

C’est aussi un supplice cruel chez les Maures ou peuples de Maroc. Trois ou quatre nègres des plus forts prennent le patient par les jarrets, & le lancent en l’air aussi haut que leurs forces le permettent. Hist. de l’Emp. des Cherifs.

Berne, se dit figurément de ceux qu’on raille, qu’on tourne en ridicule dans une compagnie. Une proposition si déraisonnable mérite la berne.

On dit en termes de Marine, mettre le pavillon en berne ; pour dire, le tenir ferlé le long de son bâton :c’est un signal que donnent les vaisseaux pavillons aux vaisseaux intérieurs, pour les avertir de venir à bord.

☞ BERNE-CASTEL. Voyez Bern-castel.

BERNEMENT. s. m. Action de berner. Manière dont on berne quelqu’un. In sublime jactatio. Le bernement de Sancho Pança. Acad. Fr. 1740. La description de ce bernement est dans le premier tome de l’Histoire de Dom Quichotte, à la fin du chapitre 16, p. 231, & suivantes.

Bernement, se prend aussi pour raillerie, moquerie, dérision, & c’est en ce dernier sens que Sganarelle dit à Ariste son frere, au sujet de Léonor.

Nous avons intérêt que l’hymen prétendu
Répare sur le champ l’honneur qu’elle a perdu ;
Car je ne pense pas que vous soyez si lâche,
De vouloir l’épouser avec que cette tache ;
Si vous n’avez encor quelques raisonnemens,
Pour vous mettre au dessus de tous les bernemens.

Molière, Ecole des Maris, Act. 3, Sc. 5.

BERNER. v. a. Faire sauter quelqu’un en l’air dans une couverture, par jeu, ou par dérision. Aliquem è linteo in altum jaclare. Sancho Pança, valet de Dom Quichotte, fut violemment berné dans la taverne. Suétone rapporte que c’étoit un des plaisirs de l’Empereur Othon de se faire berner.

Ménage & Borel prétendent que ce mot vient de berne, qui est, comme dit Cujas, un ancien mot françois, qui signifie un certain habillement, que les Latins ont appelé fagum, avec lequel on bernoit ; & Nicot dit qu’il vient de Hibernia, où il prétend qu’on porte encore de semblables vêtemens faits d’un drap grossier & velu, qu’on appelle bernée. Covatruvias appelle aussi bernia un manteau fort large fait d’un gros drap.

Berner, se dit aussi figurément pour railler quelqu’un le faire servir de jouet à une compagnie. Ludere, illudere, irridere. Cet homme est un ridicule, qui se fait berner par-tout où il se rencontre.

Puis un chacun contre moi déchaîné
Je fus honni, réprimandé, berné :
Des malheureux c’est assez le partage.

Originairement ce mot ne signifioit autre chose que vanner, ou jeter en haut avec le van.

BERNÉ, ÉE. part. Jactatus in altum, irrisus, illusus. Les cris affreux que faisoit le misérable berné, allèrent jusqu’aux oreilles de son maître. D. Quich.

☞ BERNEVAL. Gros village de France, en haute Normandie, au pays de Caux, à une lieue de Dièpe.

BERNEUR. s. m. Celui qui berne. Jactator, illusor. Monsieur, dit Sancho à son maître, ôtons-nous d’ici, & cherchons à loger pour cette nuit, & Dieu veuille que ce soit dans un endroit où il n’y ait ni Berne, ni Berneurs, ni phantôme, ni Mores enchantés ; car, par ma foi, si j’en trouve, je suis serviteur à la Chevalerie, & j’en donne ma part à tous les diables. Hist. de Dom Quichotte, to. 10, ch. 17, p. 255.

Au reste, Berneur se trouve en d’autres endroits du Dom Quichotte : il est employé deux fois à la page 233 du premier tome, & une fois à la page 235, chap. 16.

☞ BERNICHE, BERENICE, ou VERNICHE. Ville d’Afrique, en Barbarie, au royaume de Barca, dans la province de Mesrate.

BERNICLES. Mot populaire, pour dire, rien. Il s’attendoit à avoir un gros profit, & il a eu bernicles. C’étoit encore une sorte de géhenne des Sarrasins, décrite par Joinville. Borel. « Le Sultan menaça S. Louis de le mettre aux bernicles, tourment cruel, où un homme attaché entre deux pièces de bois avoit tous les os brisés ; & il se contenta de dire à ceux qui lui firent cette menace, qu’il étoit leur prisonnier, & qu’ils pouvoient faire de lui ce qu’ils voudroient. » Fleury. « Les bernicles sont deux grands tisons de bois qui sont entretenans en chief. Et quand ils veulent y mettre aucun, ils le couchent sur le cousté entre ces deux tisons, & lui font passer les jambes à travers de grosses chevilles, puis couchent la pièce de bois qui est là dessus, & font asseoir ung homme dessus les tisons, dont il advient qu’il ne demeure à celui qui est là couché point demi-pied d’ossemens, qu’il ne soit tout dérompu & escaché. Et pour pis lui faire, au bout de trois jours lui remettent les jambes, qui sont grosses & enflées, dedans celles bernicles, & les brisent de rechief. Joinville.

BERNIESQUE. s & adj. m. Ludicrus, scurrilis. C’est une espèce de style burlesque, qui diffère pourtant du burlesque ordinaire, en ce qu’il est un peu moins négligé, & qu’il demande un peu plus de génie. Ce mot vient du Berni ou Bernia, Poëte italien du seizième siècle, qui fit son Orlandino dans ce style, & qu’il publia sous le faux nom de Limerno Pitocco da Mantoa. Baillet s’est trempé lorsqu’il a cru que le style berniesque étoit un style ampoullé. Aussi M. de la Monnoye l’en a t-il repris. Le style berniesque, dit-il, étant un style goguenard, négligé en apparence, comme celui d’Horace, mais d’une négligence qu’il n’est pas aisé d’attraper, n’est rien moins qu’ampoullé. Le P. Chérubin Bozzome, Jacobin, a publié des berniesques : mais il l’a fait sous le faux nom de Buonchier, pour ne pas deshonorer son habit. On dit : je viens de lire, je viens de composer du berniesque. Le berniesque est difficile à attraper. Dans ces occasions il est substantif ; mais lorsqu’on le joint au mot style, il devient adjectif. La première manière du style burlesque des Italiens, est semblable à la nôtre, & a été, si non trouvée, au moins premièrement pratiquée avec réputation par un Chanoine de Florence, natif de Bibiena, sur la cime des Alpes, & nommé Francesco Bernia, qui mit l’Orlando inamorato dell’Ariosto en vers burlesques ou berniesques, & fit plusieurs Capitoli, comme disent les Italiens, de même style. Masc. p. 216.

BERNIQUET. s. m. Terme tout-à fait populaire, qui ne se dit qu’en ces phrases proverbiales, envoyer quelqu’un au berniquet. Il est allé au berniquet ; pour dire, qu’il est ruiné, qu’il a mal fait ses affaires, qu’il est réduit à la besace.

BERNOIS, OISE. s. m. & f. Qui est de Berne. Bernensis, Arctopolita. En 1355 les Bernois firent alliance avec les autres Cantons.

BERNOUS. s. m. Terme de relation. C’est une espèco de manteau à frange avec un capuce, d’où pend une touffe. Pænula cucullata. Mouley Ismaël se couvroit le menton de son bernous. Hist. de Mouley Ismaël.

☞ BERNSTADT. Bernardostadium. Petite ville du royaume de Bohème, en Silésie, au duché d’Olh.

☞ BERNTHALER. s. m. Écu du canton de Berne, valant à-peu-près cinq livres de notre monnoie, un peu moins.