Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/877

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
853
BEN

tif. Les collatifs sont en la libre disposition du collateur ordinaire, ou en patronage. Les bénéfices collatifs dépendent du seul collateur, qui les confère à qui bon lui semble, sans avoir besoin de confirmation, pourvu que ce soit à une personne qui ait les capacités requises. Les bénéfices en patronage sont ceux qui ne peuvent être conférés par les collateurs ordinaires, le collateur est obligé de les conférer à ceux qui sont présentés par le Patron. Les bénéfices électifs sont ceux qui sont remplis par élection ; seulement l’élection doit être confirmée par le Supérieur. Présentement il y a peu de ces bénéfices en France.

Bénéfice manuel, est un bénéfice dépendant d’une abbaye, qu’on envoie desservir par un Religieux qui est amovible, & qu’on change quand il plaît au Supérieur. Manuale.

Bénéfice sacerdotal à charge d’ames, est celui qui oblige à être Prêtre, & qui est chargé de la direction des âmes soumises à la conduite, & sur lesquelles il a juridiction pour le for intérieur, & la conscience. Sacerdotale. Les évêchés, les cures, les abbayes régulières, les prieurés conventuels, les premières dignités des chapitres, sont des bénéfices à charge d’ames. Ceux qui sont pourvus de bénéfices sans charge d’ames, ne sont obligés qu’à prier Dieu ; comme les Chanoines, les Chapelains.

Bénéfice sécularisé, est un bénéfice qui étant régulier de sa nature, & n’étant auparavant possédé que par des réguliers, devient séculier pour toujours, par une Bulle du Pape qui éteint la règle, & en change l’état ; en sorte qu’il n’est possédé à l’avenir que par des séculiers ; comme le Chapitre de Véselay, de Tulle, de Clérac, &c. Beneficium à religioso statu ad sæcularem auctoritate Pontificis traductum.

Bénéfice séculier, est celui qu’on doit donner aux séculiers, comme sont presque toutes les cures. Sæculare. Tous bénéfices sont présumés séculiers, s’il n’est justifié du contraire. On appelle bénéfice séculier, parce qu’il est affecté aux Prêtres séculiers, c’est-à-dire, à ceux qui vivent dans le monde, ou dans le siècle, & qui ne sont engagés dans aucun Ordre Monastique.

Bénéfice simple, est celui qui peut être possédé à sept ans par un Clerc tonsuré, qui n’a autre obligation que de dire son Bréviaire. Simplex. On l’obtient sur une simple signature de Rome. Il y a des bénéfices simples qui ont prééminence & dignité, & d’autres qui n’en ont point.

Bénéfice en titre, ou règle ou régulier, est celui qui est possédé par un Religieux, ou un Régulier, lequel a fait profession dans quelque Ordre Religieux ; comme les Abbayes, les Prieurés Conventuels, &c. Regulare. On appelle bénéfice régulier, celui qui ne doit être conféré qu’à des Religieux, soit par sa fondation, soit par l’institution du Supérieur, soit par prescription ; car c’est à celui qui prétend qu’un bénéfice est régulier, à le prouver : autrement il est censé séculier. Un bénéfice est réputé régulier quand il a été possédé pendant 40 ans par un régulier sans dispense.

Bénéfices vacans in Curiâ. Ce sont les bénéfices dont les Titulaires meurent en Cour, c’est-à-dire, dans les dix lieues autour de Rome. Le Pape a droit de les conférer, & ce droit est une espèce de réserve dont le Pape Clément IV est Auteur. On trouve la Constitution de cette réserve dans le Sexte au chap. Licet ; & comme il n’y est point parlé des Evêchés & des Abbayes, quelques-uns ont prétendu qu’ils n’étoient point du nombre des bénéfices vacans in curiâ ; mais le Concordat, qui nous sert de règle, les y comprend. C’est pourquoi Charles Du Moulina été obligé de dire qu’il y avoit eu en cela de la surprise, les Commissaires du Roi pour le Concordat ayant laissé passer cet article.

Le Roi reconnoît cette réserve des bénéfices vacans in curiâ, par les Brevets qu’il accorde aux Bénéficiers qui ne sont point du Royaume, & qui pourroient mourir en Cour. Il ne leur donne leurs bénéfices qu’à condition qu’ils obtiendront du Pape un Bref de non vacando in curiâ. Après cela, soit qu’ils obtiennent ce Bref, ou qu’ils ne l’obtiennent point, les bénéfices dont ils sont pourvus, ne peuvent plus vaquer in curiâ M. Doujat a fait imprimer en 1667 le Bref De non vacando in curiâ, que le Pape Clément IX accorda au Cardinal Mancini, pour les Abbayes que ce Cardinal possédoit en France. Il est adressé au Roi sur sa supplique en ces termes, Nos, ne prædicto Cardinale fortè apud sedem Apostolicam decedente, majestas tua impediatur, quominùs ad monasteria hujus, moderatione dictorum concordatorum aut specialis indulti Apostolici, nominare possit, opportune providere volentes, supplicationibus ejusdem majestatis tuæ nomine nobis super hoc humiliter porrectis inclinati, eidem majestati tuæ, &c. On voit que le Pape prétend que tous les bénéfices vacans in curiâ, lui sont réservés par les articles du Concordat, & que le Roi reconnoît cette réserve du Pape. Les Papes accordent assez rarement ces sortes de Brefs. M. le Prince de Neubourg en obtint un pour son Abbaye de Fescamp en 1673, qui est semblablement adressé au Roi.

Au reste, le terme de bénéfice est venu des Romains. Ils avoient accoutumé de distribuer aux gens de guerre sur les frontières de l’Empire une partie des terres qu’ils avoient conquises : ces gens d’armes, qui jouissoient de ces sortes de récompenses s’appeloient bénéficiers, Beneficiarii, & la terre qu’on leur donnoit, bénéfice, beneficium, & on l’appela ainsi, parce que c’étoit un pur bienfait, & une libéralité du Prince. Voyez Bollandus, Act. Sanct. Jan. Tom. II, p. 341. Les François qui passèrent dans les Gaules, firent les mêmes libéralités aux soldats ; & en conservant le nom aussi bien que la chose, ils appelèrent bénéfices, les terres qu’on leur assigna. Ainsi dans l’origine, bénéfice signifie ce que nous appelons Fief ; & en effet ceux qui ont écrit des Fiefs en latin, se servent du mot beneficium. Ces bénéfices se donnoient à vie seulement, & par privilège à ceux qui faisoient profession des armes. Depuis, c’est à-dire, sous Louis le Débonnaire, & Charles le Chauve, ces bénéfices sont devenus héréditaires & patrimoniaux. Cependant sous ces Princes on demandoit encore leur consentement pour faire passer les bénéfices aux enfans ; mais dans la décadence de la seconde race, on ne le demanda plus, & ils passerent comme de plein droit aux héritiers de ceux qui les possédoient. Voyez de Hauteserre, Orig. Feudor. c. 2. C’est sans doute de-là qu’est venu le nom de bénéfices, qui a été donné aux biens de l’Eglise ; car outre que les Ecclésiastiques les possèdent à vie, à l’exemple des gens de guerre, à qui cet usufruit tenoit lieu de récompense pour leurs services, les richesses de l’Eglise proviennent de la libéralité & des bienfaits des Princes ou des particuliers. Avant que le mot de fief fût en usage, on se servoit de celui de bénéfice, qui signifioit la même chose. Les bénéfices, ou fiefs, ne changèrent de nature que par la décadence de la seconde race des Rois : alors chacun s’attribua la propriété de son bénéfice, pour le transmettre à sa postérité.

A l’égard des bénéfices ecclésiastiques, on ne sait pas fort exactement en quel temps s’est fait ce partage des biens de l’Eglise : il est certain qu’avant le quatrième siècle, tous les revenus étoient entre les mains de l’Evêque, qui en faisoit la distribution par des Economes. Ces biens ne consistoient qu’en aumônes, & en collectes. Quand l’Eglise eut acquis des héritages, les Evêques en assignoient une portion pour la subsistance des Clercs : & c’est ce qu’on appela bénéfice. Dès le commencement du VIe siècle, on trouve des traces de cet usage ; car dans le Concile de Rome convoqué par le Pape Symmaque, dans son Epître à Cæsarius, l’an 502, on défend d’aliéner à perpétuité aucun héritage de la campagne, ni de le donner en usufruit, si ce n’est aux Clercs qui l’auront mérité, aux captifs & aux étrangers, ou en faveur de quelques monastères, ou des Hôpitaux, & cela pour la vie seulement de ceux qui l’auront mérité. Voyez le premier tome des Conciles de France, ann. 513. Les paroles de Symmaque ont aussi été insérées dans le décret de Gratien, caus. 16, q. 1, can. 61. On connoît par-là qu’il y avoit dès ces anciens temps quelque espèce de bénéfice, quoique la portion des biens ne fût pas encore faite aux Ecclésiastiques en particulier ; mais cela étoit alors fort rare, & ne s’accordoit que pour des causes extra-