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des terres grasses. De plus tous les anciens Arabes témoignent, selon le récit des mêmes pèlerins, que de tous temps il a crû en plusieurs endroits de l’Arabie heureuse une infinité d’arbres de baume, & que ces quartiers n’en ont jamais été dénués. Josephe est du même sentiment, Antiq. Jud. L. VIII. Dapper. M. d’Herbelot assure qu’il n’en croît plus maintenant qu’en Arabie. Pline dit que de son temps ce n’étoit qu’en deux jardins appartenant au Prince, qui contenoient environ vingt journaux. Mais les Romains le firent multiplier en la vallée de Jéricho, comme témoigne Justin. La Reine de Saba en apporta une plante à Salomon ; & Josephe dit qu’on lui a l’obligation de ce que la Judée a été depuis fertile en baume. On élève présentement en Arabie une infinité de ces arbres, dont les Arabes tirent beaucoup de profit. Il n’y a pas long-temps qu’on s’est apperçu du gain qu’il y avoit à faire. Mais depuis qu’on y a pris garde, il y en a des vergers tout pleins. Cependant on a fait une loi qui défend de semer ou de planter cet arbre sans la permission du Souverain. Dapper. Voyez cet Auteur, p. 62, 63. Il y a plusieurs choses curieuses touchant ce baume. Tandis que le baume découle des arbres qui sont dans le jardin du Grand-Seigneur au Grand Caire, il y a des Janissaires qui gardent ce baume.

Le baume qu’on apporte d’Arabie au Caire, encore qu’il soit de bonne odeur, n’est pas tout véritable gomme, ni des larmes de l’écorce, car il en tombe fort peu : la plupart du baume est fait du bois & des branches vertes de l’arbre distillés au feu ; encore n’est-il pas tout pur ; on le falsifie en y mêlant de la térébinthe de Cypre. De plus on extrait de la graine une liqueur qu’on fait passer pour du véritable baume, quoiqu’il n’ait pas l’odeur si forte, & qu’il soit plus amer au goût. Dapper. Le Moine qui a composé dans l’onzième siècle la vie de S. Bononius, parle d’un jardin qu’avoit le Roi de Babylone en Egypte, tout planté d’arbres de baume. Marmol écrit aussi, L. XI, que l’on dit qu’il ne croît que dans un jardin du Grand-Seigneur proche du Caire.

Outre ce baume d’Orient, il nous en vient de plusieurs sortes de l’Amérique. Les plus considérables sont ceux du Pérou, de Tolu & de Capaïba. Le baume du Pérou est un suc tiré d’un arbre qui est de la grandeur du grenadier, ayant les feuilles semblables à l’ortie. Quand on fait une incision à son écorce, il en fort une liqueur blanchâtre & gluante qu’on appelle baume, parce qu’on y a remarqué les vertus de l’ancien baume de Judée : mais les Indiens gardent le naturel pour eux, & nous envoient de l’artificiel, qu’ils font en faisant bouillir le tronc & les branches hachées de cet arbre, & en amassant avec une coquille l’huile qui nage au-dessus de cette décoction, & qui est de couleur noire, rougeâtre & fort odoriférante ; & c’est ce qu’on appelle baume noir, ou baume de lotion. On appelle encore baume noir le labdanum.

Le baume de Tolu est tiré par l’incision de l’écorce d’un arbre qui ressemble à un petit pin. Il est rouge tirant sur le doré, de consistance moyenne, fort gluant & adhérent, de saveur douce & agréable, d’une odeur excellente, qui approche de celle du limon. Il a les mêmes qualités que celui du Pérou. On l’apporte d’une province de l’Amérique, que les Indiens appellent Tolu, située entre les villes de Carthagène, & de Nombre de Dios.

Le Baume de Copaïba, que nous nommons baume de Capau, & quelquefois baume de Copahu, est tiré de même par l’incision d’un arbre qui croît en abondance dans l’île de Matanhou. Cet arbre est assez grand, son bois fort rouge & dur, dont on fait des planches larges pour divers usages. Ses feuilles sont ovales, longues de quatre ou cinq doigts, & larges de deux, ou de deux & demi. Ce baume est fort clair, de la consistance & de l’odeur de l’huile de térébenthine distillée ; on en tire quelquefois jusqu’à douze livres dans l’espace de trois heures. Il est admirable pour les plaies, comme les autres baumes. Les Juifs s’en servent après la circoncision, pour arrêter le sang qui coule de la plaie.

Le Baume de la Mecque a pris son nom du lieu d’où il vient, comme les autres baumes dont on vient de parler ; il est sec & blanc, semblable en figure à la couperose blanche calcinée, sur-tout quand il est Vieux. Pomey. Il y a aussi un baume de vanille dont nous n’avons guère connoissance ; on le fait, ou on le tire au Mexique ; mais les Espagnols le gardent pour eux, & ils n’en font point commerce.

Baume de liquid-ambar, est une huile qui a la consistance de la térébenthine, & qui ressemble à une raisine claire & rougeâtre : elle découle du tronc de certains arbres fort gros & fort grands, dont les feuilles sont semblables à celles de lierre : ces arbres croissent en quantité dans la nouvelle Espagne.

Il y a encore un baume qu’on appelle nouveau, qui vient de l’Île Espagnole. L’arbre qui le produit est de la hauteur de deux hommes : on en prend les sommités, & les fruits qui ressemblent à des raisins ; on en tire le suc, & on le fait cuire jusqu’à ce qu’il ait acquis la consistance du miel. Prosper Alpin, Marc-Grave, Tesmandés, Jean de Laët, ont parlé de ces différens baumes.

Le Baume a servi de corps à d’assez belles devises, avec ces ames : Vulnere sano, ou Vulnus opem, ou In pretio lacrimæ ; on l’a appliqué à des personnes pénitentes, avec ce mot : Sponte fluunt melius, il marque très bien que les bienfaits doivent n’être point forcés.

☞ On appelle aussi baumes certaines compositions faites par les Apothicaires & : les Chimistes, principalement lorsqu’il y entre des ingrédiens balsamiques.

Le Baume artificiel est un remède qu’on emploie le plus souvent à l’extérieur. On le fait d’une consistance un peu plus solide que celle de l’onguent ordinaire. Il est préparé pour récréer & fortifier les parties nobles par sa bonne odeur. Il s’en fait aussi d’une consistance fluide entre celle des huiles & des linimens, dont le principal usage est pour les plaies. Il s’en fait de plusieurs façons, de divers aromates & huiles distillées. L’huile de noix muscade est la bâse ordinaire des baumes, ou la cire blanche. On y mêle la graisse d’agneau, la moele de cerf & de veau, ou la manne en larmes, &c. On lui donne les noms d’apoplectique, stomachique, bésoardique, hystérique, vulnéraire, &c.

Le baume apoplectique réjouit le cœur, réveille les esprits suffoqués dans l’apoplexie, & donne le temps de préparer d’autres remèdes plus efficaces. Alors il en faut frotter les tempes, les sutures, & la fontenelle, & en faire avaler quelques grains dissous dans de l’eau de la Reine d’Hongrie, ou dans de l’eau de cannelle.

On appelle aussi le baume du Samaritain, de l’huile commune mélée, & cuite avec du vin, parce qu’on croit que le charitable Samaritain de l’Evangile se servit de ce remède.

Baume, ou Huile de poix, est une huile rougeâtre qu’on tire de la poix par le moyen d’une cornue : on lui a donné le nom de baume, à cause de ses grandes propriétés. Le baume de poix est un très-bon baume, & l’on prétend que ses qualités approchent de celles du baume naturel.

Baume ardent. C’est une composition qui est un remède pour les plaies, les meurtrissures, & les humeurs froides. Ce remède se fait d’une teinture jaune de Karabé broyé qu’on tire par le moyen de l’esprit de vin, dans laquelle on fait dissoudre du camphre rafiné.

Baume de Saturne. C’est un sel de Saturne, dissous dans l’huile ou l’esprit de térébenthine, & digéré, dit M. Harris, jusqu’à ce que la matière ait pris une teinture rouge. Ce baume résiste à la putréfaction des humeurs, & est fort propre à nettoyer & cicatriser les ulcères.

Baume de soufre. Il y en a de deux sortes. Le baume de soufre commun, & le baume de soufre anisé. Le baume de soufre commun est un baume tiré par le moyen du feu d’une composition faite d’huile de noix tirée sans feu, de fleur de soufre, de sel de tartre, & de vin blanc mêlés ensemble. Le baume de soufre commun est bon pour digérer, pour résoudre les matières crues, découlées & amassées en quelque partie du corps : on l’emploie en onction extérieure : il sert de bâse à l’emplâtre de souffre. Le baume de soufre anisé est tiré de