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est son humeur, Mais tout cela n’est bon que dans le style familier & burlesque.

On dit aussi qu’un homme s’est bâti une petite fortune, une petite retraite, un asile, lorsqu’il s’est assuré quelque revenu, qu’il a acquis une maison pour se retirer. Colletet a dit agréablement,

Viens me voir en mon fauxbourg,
Où vrai Patriarche,
Contre les flots de la Cour,
J’ai bâti mon arche.

Bâtir, se dit aussi chez les Tailleurs ☞ & les Couturières, pour assembler les différentes pièces d’un habit qu’ils ont taillé, en les faufillant à grands points d’aiguille pour dresser l’ouvrage. Componere, conjungere. Cet habit n’est pas encore cousu, il n’est que bâti.

☞ En termes de Chapelier bâtir signifie, façonner le feutre sur le bassin pour en former les capades.

On dit proverbialement qu’un homme bâtit des châteaux en Espagne ; pour dire, qu’il emplit son esprit de chimères, de choses qui ne sont point effectives. On dit que les Communautés commencent par bâtir la cuisine pour dire, qu’elles se font du revenu pour subsister, avant que de bâtir leur Eglise. On dit, bâtir de boue & de crachat, quand on ne bâtit pas solidement & avec de bons matériaux. On dit d’un homme qui devient gras extraordinairement, & qui a un gros ventre, qu’il bâtit sur le devant. On dit aussi, qui bâtit, ment, par une méchante allusion ; pour dire, qu’un homme qui bâtit fait toujours plus de dépense qu’il ne s’étoit proposé de faire. On dit aussi, qu’une affaire, qu’un traité, est bâti à chaux & à ciment ; pour dire, qu’il est bien fait, qu’il doit durer, qu’il sera inébranlable.

BÂTI, IE. part. Il a toutes les significations de son verbe.

BÂTISSE. s. f. L’action de bâtir, ou l’entreprise d’un bâtiment, ☞ quant à la Maçonnerie seulement. Il lui en a coûté tant pour la bâtisse. Voyez Maçonnerie.

BÂTISSEUR. s. m. Celui qui se plaît à faire faire des bâtimens. Ædificator. Ce mot est dans le Dict. de Ch. Est. Le Roi François I étoit un grand Bâtisseur, il a fait bâtir S. Germain, Chambor, &c. Le mot de Bâtisseur ne se dit ni du Maçon, ni de l’Architecte. M. Godeau l’a pourtant employé en ce sens ; mais on ne croit pas qu’il le faille imiter ; & même Bâtisseur ne se dit guère qu’en riant, pour marquer un homme qui ne fait que bâtir.

☞ BÂTISSOIR. s. m. Instrument de tonnelier. C’est un cercle de fer, plus ou moins grand, selon les ouvrages dont le tonnelier se sert pour assembler les douves d’une futaille qu’il veut construire. Encyc.

BATISTE. s. f. Toile de lin très-fine, & très-blanche, dont on fait les rabats, des manchettes, & des surplis. Il y en a de trois sortes ; les unes claires, les autres moins claires, & d’autres beaucoup plus fortes, qu’on appelle batistes hollandées, parce qu’elles approchent de la qualité des toiles de Hollande, étant comme elles très-serrées & très-unies.

BATITURE D’AIRAIN. s. f. C’est l’écaille qui se sépare de l’airain, après qu’il a été au feu, en frappant dessus avec le marteau. Æris putamina.

BATMAN, ou BATTEMANT. s. m. Poids de Turquie. C’est aussi un poids de Perse. Ils n’ont de commun que le nom.

☞ BATMAN. Ville d’Asie dans le Curdistan sur la rivière dont elle porte le nom.

☞ BATOCKS ou BATOGGI. s. m. pl. sont deux bâtons minces dont on se sert à Moscow pour battre les criminels jusqu’à la mort. Lorsque quelqu’un est condamné à ce supplice, un des exécuteurs s’assied sur sa tête, un autre sur les jambes, tandis qu’un troisième donne sur le patient qui n’a que sa chemise, le nombre de coups prescrit par le Magistrat.

BÂTON. s. m. Morceau de bois rond, long & menu, qui sert ordinairement pour s’appuyer en marchant. Baculum, bacillum, baculus, scipio. Les vieilles gens, les estropiés, se soutiennent sur un bâton, marchent avec un bâton, sont réduits au bâton. Le Cardinal Bona remarque, dans son Traité des Liturgies, qu’autrefois ceux qui avoient un bâton dans l’Eglise pour se soutenir, étoient obligés de le quitter, & de se tenir debout, droits & fermes, lorsqu’on lisoit l’Evangile, pour montrer le respect par leur posture, & faire connoître qu’ils étaient prêts à obéir à J. C. à aller où il leur commanderoit. Les Philosophes autrefois avaient un bâton & une besace, ce qui leur fit donner le nom de Bactoperates. Voyez ce mot.

Ménage dérive ce mot de bastone, qui a été fait de bastum, qui s’est pris pour un bâton, avec lequel on porte des fardeaux. C’est de-là qu’il fait aussi venir nastion & bastille ; bast & bastir. Nicot le dérive du grec βάκτρον, ou du latin batuo, batuis, qui signifie battre. Le P. Pezron, qui tire tout du celtique, le dérive de bach, ou bagl, mot celtique qui a la même signification.

Bâton est une arme naturelle, offensive & défensive, quand on se bat à coups de main. Fustis. Ces paysans se sont battus à coups de bâton. Ils étaient armés de piques & de bâtons durcis au feu. Vaug. Les Lacédémoniens ne portoient point d’épée pendant la paix, & se contentoient d’un gros bâton courbé, qui leur étoit particulier. La correction par les coups de bâton étoit la moins sévère que les Romains exerçassent sur leurs esclaves ; parce qu’ils les recevoient sur les habits. S. Evr. C’est un plus grand affront d’être battu à coups de bâton qu’à coups d’épée : l’épée est l’instrument de la guerre, & par conséquent il est honnête : le bâton est l’instrument des outrages, & par conséquent il est infâme. Le Mait.

Par le dixième article du Règlement de Messieurs les Maréchaux de France, sur diverses satisfactions & réparations d’honneur, du 22 Août 1656, il est dit : pour les coups de bâton, ou autres pareils outrages, l’offensant tiendra prison un an entier, & ce temps ne pourra être modéré, sinon de six mois, en payant trois mille livres, applicables à l’Hôpital le plus proche du lieu de la demeure de l’offensé ; outre cela l’offenseur est obligé de demander pardon à genoux à l’offensé, & à être prêt à recevoir pareils coups de bâton qu’on pourra en certaines occasions obliger l’offensé de lui donner, quand il auroit la générosité de ne pas faire. Par règlement des Maréchaux de France du 22 Juin 1679, celui qui donne des coups de bâton après avoir reçu un soufflet, ou des coups de main dans la chaleur d’un démêlé, est condamné à deux ans de prison & à quatre, s’il n’a point été frappé le premier de la main. Par un édit du Roi de 1666, les épées en bâtons à ferremens sont défendues. Le Duc Louis d’Orléans, ennemi du Duc Jean de Bourgogne, portoit pour devise dans ses banderolles un bâton épineux & noueux, avec ce mot : Je l’envie ; par lequel il vouloit dire que où il frapperoit, la bugne y leveroit. Le Duc de Bourgogne, pour y répondre, faisoit peindre un rabot dans ses bannières, voulant dire qu’il raboteroit & applaniroit le bâton noueux du Duc d’Orléans. Parad.

Parbleu je le ferois mourir sous le bâton,
S’il m’avoit soutenu des faussetés pareilles. Mol.

Bâton, est quelquefois une marque de commandement. Le bâton de Maréchal de France, est un bâton fleurdelisé, que le Roi envoie à celui qu’il fait Maréchal : & on dit absolument, il aspire au bâton, il a eu le bâton ; pour dire, qu’un homme aspire à cette dignité, ou que le Roi l’a fait Maréchal de France. Bacillum Marescalli.

Il y a aussi des bâtons de Maître d’Hôtel, de Capitaine des Gardes, d’Exempts, qui sont faits diversement, & qu’un homme met en sautoir sous l’écu de ses armes, pour marque qu’il est revêtu de ses charges. Bacillus, radius.

Autrefois ceux qui enseignoient Homère, & qu’on nommoit Ῥαψῳδοί, avoient un bâton rouge, quand ils expliquoient l’Iliade ; & un bâton jaune, quand c’étoit l’Odyssée.

Bâton, se dit des choses qui ressemblent au bâton, quoi-