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mine basse, qui ne témoigne aucune grandeur d’ame. Il y a des esprits élevés qui ont l’ame basse. Le P. Bourd. Un esprit né sans fard, sans basse complaisance, fuit ce ton radouci. Boil. On dit encore un style bas, qui est rampant, qui n’a rien de noble, qui est sans figures. Un mot bas, qui ne se dit que par le peuple.

On dit proverbialement, qu’un homme a le cœur haut & la fortune basse ; pour dire, qu’il n’a pas le moyen de faire voir sa générosité. On dit aussi d’un homme qui n’a guère d’argent, que les eaux sont basses chez lui. On dit aussi, parler d’un ton bas, quand on s’adoucit après avoir bien menacé & querellé.

Bas, On dit qu’un homme a l’oreille basse, pour dire, qu’il est humilié. Acad. Fr.

C’est ici le lieu d’expliquer ce que c’est : qu’un terme bas, une expression basse, & avec quel loin on doit éviter ces sortes de fautes dans le discours, sur-tout s’il est grave & sérieux. Nous avons là-dessus d’excellentes remarques dans les Œuvres de M. Despréaux. Voyez la neuvième de ses réflexions critiques sur quelques passages de Longin ; il n’y a rien de mieux écrit ni de plus sensé. En voici le précis. Longin dit, chap. 34, que les mots bas sont comme autant de marques honteuses qui flétrissent l’expression. Là-dessus M. Despréaux remarque que cela est vrai dans toutes les langues, qu’on souffrira plutôt, généralement parlant, une pensée basse exprimée en termes nobles, que la pensée la plus noble exprimée en termes bas. La raison qu’il en apporte, est que tout le monde ne peut pas juger de la justesse & de la force d’une pensée, mais qu’il n’y a presque personne, sur-tout dans les langues vivantes, qui ne sente la bassesse des mots. Il ajoute que les mots des langues ne répondent pas toujours juste les uns aux autres, & qu’un terme grec très-noble ne peut souvent être exprimé en françois que par un terme très-bas. Cela se voit par les mots d’asinus en latin, & d’âne en français, qui sont de la dernière bassesse dans l’une & dans l’autre de ces langues, quoique le mot qui signifie cet animal, n’ait rien de bas en grec ni en hébreu ; on le voit employé dans les endroits même les plus magnifiques. Il en est de même du mot de mulet & de plusieurs autres. Enfin, il remarque fort judicieusement que les langues ont chacune leur bisarrerie, mais que la françoise est principalement capricieuse sur les mots, & que bien qu’elle soit riche en beaux termes sur de certains sujets, il y en a beaucoup où elle est fort pauvre, & qu’il y a un très-grand nombre de petites choses qu’elle ne sauroit dire noblement. Ainsi, par exemple, quoique dans les endroits les plus sublimes, elle nomme sans s’avilir, un mouton, une chèvre, une brebis, elle ne sauroit sans se diffamer, dans un style un peu élevé, nommer un veau, une truie, un cochon. Le mot genisse en françois est fort beau, sur-tout dans une Eglogue : vache ne s’y peut pas souffrir : pasteur & berger y sont du plus bel usage, gardeurs de pourceaux, ou gardeurs de bœufs y seroient horribles. Cependant il n’y a peut-être pas dans le grec deux plus beaux mots que συϐώτης & βουϰόλος, qui répondent à ces deux mots françois ; & c’est pourquoi Virgile a intitulé ses Eglogues de ce doux nom de bucoliques, qui veut pourtant dire en notre langue à la lettre, les entretiens des bouviers, ou des gardeurs de bœufs.

On peut ajouter que la langue françoise est celle qui souffre moins les termes bas, non seulement dans le style élevé, mais dans les conversations ordinaires des honnêtes-gens, où les termes bas ne s’emploient point, à moins qu’on ne parle de certaines choses qui sont tout le sujet du discours, comme d’agriculture, d’anatomie, car ailleurs le bel usage veut qu’on substitue d’autres termes à la place de ceux qui sont communs, quoique françois d’ailleurs. On a des exemples de cela au Palais ; il y a même quelques personnes qui croient qu’en parlant de guerre on dit tranchée & fascine, au lieu de fossé & de fagot, pour éviter des expressions communes & basses : en effet, on seroit surpris de lire dans une gazette, qu’un Lieutenant général portoit des fagots. Quoiqu’il en soit de cette remarque, qui n’est peut-être ni tout-à-fait vraie, ni tout-à-fait fausse, il est sûr que la langue françoise est aussi réservée dans l’usage des expressions basses, que d’autres langues sont libres, & hardies : on en peut juger par la manière dont on s’exprime en parlant de certaines actions naturelles.

Bas, en termes de Médecine, se dit du bas ventre : ce qui fait la troisième partie de la division du corps humain en trois ventres, dont le premier est la tête, le second la poitrine, avec ce qui est au dessus du diaphragme, & le troisième ce qui est au-dessus jusqu’aux cuisses, que le peuple appelle absolument le ventre. Alvus. Et à l’égard des autres organes des sens, on dit qu’un homme a la vue basse, Myops ; pour dire, qu’il a la vue courte ; & la voix basse, Submissus, depressus, debilis ; pour dire, qu’il l’a foible.

En termes d’Orfèvre, on appelle de l’or bas, de l’argent bas, ou de bas aloi, celui qui est foible, où il y a de l’alliage, qui n’est pas au titre du poinçon de Paris, ou de celui auquel on bat les monnoies. Vilis. L’argent d’Allemagne est fort bas. On appelle bas billon d’argent, celui qui est au dessous de cinq deniers ; & haut billon, celui qui est au-dessus jusqu’à dix.

En termes de Sculpture, on appelle bas relief, ou basse-taille, ce qui est opposé à plein-relief ou ronde bosse, une sculpture relevée en demi-bosse, qui est attachée à un fond ; d’où elle ne sort qu’en partie. Minora sigilla. M. Félibien distingue trois sortes de bas-reliefs ; dans les uns les figures qui sont sur le devant paroissent presque de relief ; dans les autres elles ne sont qu’en demi bosse, & d’un relief beaucoup moindre, & dans la dernière espèces elles sont encore moins élevées, & ont peu de relief, à la manière des vases, des camaieux, des médailles & des monnoies. Voyez Relief.

Basse-Lisse, ou basse marche. Voyez ci-après en son rang.

En termes de guerre, on appelle basse enceinte, la fausse braie ; & place basse la casemate, & le flanc retiré, qui sert à défendre le fossé. Depressus. On dit, faire main-basse, quand on ne donne point de quartier.

En termes de Marine, on appelle aussi Bas-bord le côté gauche du navire, opposé à stribord, qui est le côté droit, eu égard à celui qui étant à la poupe, regarde la proue. Latus sinistrum. Les Levantins disent orge ; faire feu de bas-bord. On appelle aussi un vaisseau de bas-bord, une galère, ou autre bâtiment qui n’a qu’un pont, par opposition aux grands vaisseaux qu’on appelle de haut-bord. Les brigantins qui ne portent point de couverte, sont des vaisseaux de bas-bord. Bas-bord tout, est le commandement que l’on fait au timonier de pousser la barre du gouvernail tout-à-fait à gauche. On appelle bas-bord, la partie de l’équipage qui doit servir à bas-bord.

Bas-fond & Bas-justicier, Voyez plus bas en leur rang.

Basses-voiles, sont les grandes voiles d’en bas ; ce qui se dit sur-tout de celles du grand mât, & du mat de misaine, par opposition à celles de hune & de perroquet, Velum summi mali maximum, infirmum.

En termes de Fauconnerie, on appelle un oiseau bas, quand il est maigre & décharné. Macer, macilentus.

En l’Eglise on appelle une Messe basse, missa sine cantu, celle qui est dite sans être chantée par le Chœur, & sans assistance de Diacre & de Soudiacre.

En Musique, bas signifie la même chose que grave, & est opposé à haut & aigu. En ce sens on dit le ton est trop bas. Il faut renforcer les sons dans le bas. Quelquefois aussi il signifie doucement, à demi-voix ; en ce sens il est opposé à fort. Il parloit, il chantoit si bas qu’on ne l’entendoit pas. Submissé. On le dit des cordes d’un instrument qui ne s’accordent pas avec les autres cordes, & d’un instrument qui ne s’accorde pas avec les autres, & qu’il faut monter plus haut, demissus, suppressus.

BAS, adv. qui a différentes significations. Il a acheté cette charge dix milles écus argent bas, pour dire, argent comptant. Præsente, numeratâ pecuniâ. Quand on demande la vie, il faut mettre bas les armes ;