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d’ancienne bannière, à vous sujette… Il vous supplie le faire Banneret & le relever en bannière. Il vous présente son pennon, accompagné de 25 hommes d’armes. Le Roi d’arme bailla un couteau au Duc : le Duc prit autour de sa main la queue du pennon, & de l’autre main coupa cette queue avec le couteau, & ce pennon demeura carré en bannière, qui auparavant étoit étendu en queue venant en pointe. Coquille, Hist. du Nivern. p. 190, 191. La même cérémonie s’observoit en Angleterre. Harris. Apparemment parce que le Conquérant l’y porta.

Les Anciens donnoient le nom général de bannière aux étendards, qu’on nommoit aussi pennons, gonfanon & bassinets, avec cette différence que le gonfanon étoit une bannière d’Eglise, pendant & voltigeante ; au lieu que la bannière étoit carrée, attachée comme les cornettes à une lance à la manière du panneton d’une clef ; & le pennon ou guidon étoit à la longue queue, & l’on ne faisoit que couper cette queue pour faire une bannière d’un pennon. La plûpart des anciens Seigneurs sont représentés dans leurs sceaux avec des bannières à la main, & entroient ainsi dans la lice aux tournois. Il y avoit douze bannières dans ce bataillon : c’est comme l’on parloit alors. (au XIVe siècle.) Douze des principaux Seigneurs faisoient marcher ces douze bannières. Chorier.

Les bannières sont en plusieurs pays des marques de Connétable, comme les Colonnes en Italie ont deux bannières, l’une d’Eglise, l’autre de l’Empire, derrière leur écu. En Allemagne & en Suède plusieurs les portent en cimier, comme font aussi en France le Colonel de l’infanterie, qui porte quatre drapeaux ; & le Général de la cavalerie quatre cornettes. Les Officiers de la Couronne & leurs Lieutenans avoient droit autrefois de porter bannière, & les seuls Seigneurs Bannerest. On donnoit autrefois l’investiture par la bannière, lorsque les Seigneurs se présentoient à genoux devant l’Empereur avec la bannière en main armoyée du blason de leurs armes. L’ancienne bannière de France étoit chargée de fleurs de lis sans nombre. Voyez au mot Banneret la différence des bannières des Barons & de celles des Bannerets.

Les armes en bannière sont des armes carrées. Je n’ai guère vû que les Bretons porter les armes carrées, que nous disons en bannière, pour montrer qu’ils sont descendus de Chevaliers Bannerets. Favyn. Hist. de Navarre, Liv. XI, p. 620. Voyez aussi la suite ; il y a beaucoup de choses sur les anciennes bannières. Aux derniers Chevaliers du S. Esprit faits par notre Roi aux Augustins, entre toutes les armes des Princes & Seigneurs, je n’ai remarqué d’armes en bannière que celles du Maréchal de Biron purement écartelées d’or & de gueules, sans aucune charge, & je crois que la façon de ces armes en bannière est passée d’Angleterre en Bretagne. Id. p. 621.

On dit aussi écu en bannière. Je n’ai vû en tout Paris qu’un écu en bannière, en la rue de Joüi sur une porte. Id.

Bannière de France, ou Pennon royal. C’étoit le drapeau de nos anciens Rois quand ils alloient à la guerre. C’étoit le plus grand étendard & le plus orné de tous. On s’avisa vers l’an 1100 d’attachr ce pennon au haut d’un mât, ou gros arbre planté sur un échafaud, qui posoit sur un charriot tiré par des bœufs couverts de housses de velours, ornées de devises, ou des chifres du Prince règnant. Au pied du gros arbre, un Prêtre de fort grand matin disoit la Messe tous les jours. Dix Chevaliers jour & nuit montoient la garde sur l’échafaud, & autant de trompettes qui étoient au pied du gros arbre ne cessoient de jouer des fanfares, afin d’animer les troupes. Cette embarrassante machine, dont la mode venoit d’Italie, fut en usage en France 120 ou 130 ans. Elle étoit au centre de l’armée. C’est là que se donnoient les plus grands coups pour enlever le pennon royal, ou pour le défendre ; car on n’étoit point censé vainqueur, si on ne s’en rendoit maître, ni vaincu, qu’on ne l’eût perdu. Le Gend. Mœurs & Cout. des Fran. p. 105, 106.

Outre cette bannière, qui étoit proprement la bannière de France, nos Rois faisoient encore porter celle du Saint le plus célébre qu’on réclamait dans leurs Etats. Il n’est mention dans nos Histoires de la première & seconde race que de la chape de S. Martin, qui étoit un voile de taffetas, sur lequel le Saint étoit peint, & qui avoit posé un jour ou deux sur son tombeau. Ce voile étoit gardé avec respect sous une tente. Avant que d’en venir aux mains, on le portoit comme en triomphe autour du camp. Id.

A la chape de S. Martin qui fut en vogue 600 ans, succéda une autre bannière non moins fameuse, appelée l’oriflamme, dont nous parlerons en son lieu. On ne se servoit de ces bannières que dans les grandes expéditions. Les Rois ne faisoient porter qu’un étendard beaucoup moins grand dans les petites guerres, qu’ils eurent 200 ans durant contre les Comtes & les Ducs, & quelquefois contre de simples Gentilshommes.

Bannière. Dans deux ou trois titres de 1451, qui sont des créations de Barons faites par le Duc Pierre de Bretagne, ce mot se trouve synonyme de Seigneurie. Ice-lui nostre dit nepveu & cousin de Derval avons aujourd’hui de nostre pleine puissance, authorité & grâce spéciale, fait, institué, & croyé, faisons, instituons, & croyons par ces présentes, Baron en notre pays & Duché de Bretagne, par raison & à cause de sadite Seigneurie & bannière ancienne de Derval. Voyez l’Hist. de Bretagne, Tom. II, p. 1145, 1146, 1147 & 1148.

Ménage dérive ce mot du latin bandum, & croit qu’on a dit bannière pour bandière. On trouve en effet banderia dans la plus basse latinité pour bannière, étendard. On trouve aussi bannerium, & bandora, dans Anastase. Voyez de Hautesser, Not. in Anastas. p. 116, & les Antiquit. de Bourg. de P. de S. Julien, ch. 26, p. 146. Hotman le dérive de l’allemand bannier ; & Pasquier du vieux mot ban, qui signifie la publication qu’on fait pour obliger les vassaux d’aller à la guerre. Nicot le dérive de ban, aussi allemand, qui signifie héritage, ou champ, parce qu’il n’y avoit que les Seigneurs de fiefs qui portoient bannière. D’autres disent que c’est un vieux mot françois qui signifioit commun. On trouve dans Jean de Mehun, mort est à tous bannière ; pour dire, commune. Borel croit qu’il a été fait par corruption de pannière, dérivé de pannus, parce qu’on les faisoit de drap au commencement ; d’où vient qu’on appeloit, pans, pennons, ou penonceaux, les bannières des Barons & des Capitaines particuliers, qui venoient aussi de pannus, d’où a été fait encore par corruption fanon & gonfanon. Saumaise dit que bandum vient du nom persan ban, parce que l’étendard étoit une bande d’étoffe. D’autres soutiennent que ban étoit un vieux mot cimbrique, qui signifioit bannière ; & Chorier, que banner est un ancien mot allobrogique qui avoit le même sens.

Bannière, est aussi un grand étendard carré qu’on porte à une procession, qui marque de quelle Paroisse elle est, parce qu’elle porte ordinairement l’image de son Patron. Sacrum Vexillum.

Bannière, est aussi une pièce d’étoffe que quelques Tailleurs ménagent & dérobent en coupant un habit.

On dit proverbialement, que les Tailleurs vont les premiers à la procession, car ils portent la bannière. On dit aussi d’un homme qu’on a de la peine à faire venir chez soi, qu’il faut avoir la croix & la bannière pour l’avoir. On dit aussi de ceux à qui on fait quelque belle réception, qu’on va au-devant d’eux avec la crois & la bannière. On dit aussi, cent ans bannière, cent ans civière ; pour dire, qu’avec le temps on décheoit de la plus haute Noblesse.

Bannières. s. f. & pl. Recueil, ou registre pour l’enregistrement de toutes les Ordonnances, & Lettres Patentes adressées au Châtelet, & pour tous les autres actes, dont la mémoire doit être conservée à la postérité. Les bannières sont des registres séparés de celui des audiences. Ils furent commencés en 1461 par Robert d’Estouteville Prévôt de Paris. On les a toujours continués. Ils ont été nommés bannières, du mot ban, publication, & du verbe bannire, publier, parce que ce sont les registres des publications. C’est le Greffier