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BAI

signifioit proprement tutèle : il a été pris ensuite pour toute sorte de régie, dit M. du Cange. C’est en ce dernier sens qu’on s’en est servi autrefois en quelques endroits du Dauphiné, pour désigner l’emploi de celui qui étoit préposé à la recette des droits seigneuriaux. On l’appeloit aussi Mistralie. Valbonnet, p. 116 & 117. Voyez cet Auteur.

BAILLARD. s. m. C’est une pièce de bois pour porter les laines qu’on tire de l’eau, & qui traverse la chaudière à dégraisser.

BAILLARGE. s. f. On nomme ainsi une espèce d’orge qui croît en Angoumois.

BAILLE. s. f. En termes de Marine, est une espèce de cuve ou de baquet fait d’un demi-tonneau, qui sert à divers usages sur les vaisseaux, & particulièrement à mettre le breuvage qu’on donne aux matelots. Cupa. On l’appelle aussi broute.

Bailles de fonde. Demi-barriques dans lesquelles on met les lignes de fonde.

Bailles de combat. Demi barriques remplies d’eau pour rafraîchir le canon pendant un combat.

Baille, dans le vieux langage, a signifié barricade. Il se trouve en ce sens dans Froissard. Villehardouin a dit bailles des murs, pour dire, les courtines.

BÂILLEMENT. s. m. Prononcez la première syllabe longue, & mouillez les deux ll avec l’i, sans donner aucun son ni aucun autre usage à cette voyelle. Quelques-uns l’écrivent par aa, baaillement, mais l’usage n’en souffre plus qu’un. ☞ Action de respirer en ouvrant involontairement & extraordinairement la bouche. Oscitatio. Le bâillement est occasionné par quelque vapeur qui cherche à s’échapper, & témoigne ordinairement la fatigue, l’ennui ou l’envie de dormir. Hippocrate dit que le remède des bâillemens continuels, & de même du hoquet, c’est de garder long-temps sa respiration. La membrane nerveuse de l’œsophage est le siége du bâillement, qui ne manque jamais d’arriver, quand quelque irritation détermine les esprits à y venir en grande abondance. La cause de cette irritation est une humidité incommode qui arrose la membrane intérieure de l’œsophage : cette humidité vient ou des glandes dont la membrane interne est parsemée, ou des vapeurs acides qui s’élèvent de l’estomac, comme d’un pot bouillant, & qui se condensent contre les parois de l’œsophage, de même que contre un couvercle ; alors les fibres nerveuses de la membrane interne en étant irritées se gonflent, & nous font bâiller en dilatant l’œsophage : la bouche est obligée de suivre ce mouvement, parce qu’elle est tapissée de la même membrane. Voyez Duncan & Dionis.

Bâillement, ☞ en termes de grammaire, autrement hiatus mot emprunté du latin. C’est un son désagréable causé par une rencontre de voyelles. Hiatus ex concursu vocalium. Si je dis, il alla à Anvers, je suis obligé de tenir la bouche ouverte pour prononcer ces différens a ; ce qui produit un son désagréable. Les bâillemens sont encore plus insupportables sans la poësie que dans la prose. Il sont fréquens dans les satires de Regnier. Malherbe ne pouvoit les souffrir.

Gardez qu’une voyelle à courir trop hâtée
Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée. Boil.

☞ Le P. Mourgues a fait un chapitre sur le bâillement dans son traité de la Poësie françoise. M. Prepetit de Grammont en parle aussi dans son traité de la versification françoise.

☞ Pour éviter de tenir la bouche ouverte entre deux voyelles, le mécanisme de la parole a introduit l’élision de la voyelle du mot précédent, ou l’usage des lettres Euphoniques entre les deux voyelles. Ainsi nous disons, s’il arrive & non si il arrive. Mon ame, non ma ame. Y va-t-on, & non y va on.

BÂILLER. v. n. Ce mot a la première syllabe longue, & l’i ne sert qu’à mouiller les deux ll. On écrivoit autrefois baailler. Oscitare. Faire des bâillemens, ☞ respirer en ouvrant la bouche extraordinairement & involontairement : ce qui marque de l’ennui, de la fatigue ou du sommeil. On bâille souvent en voyant bâiller les autres. Bâiller d’ennui. Vous êtes si dégoûté, que les plus belle comédies vous font bâiller, & vous endorment. Bell. Boileau a dit de la Pucelle.

Sans mentir, la Pucelle est un Œuvre charmant ;
Et je ne sais pourquoi je bâille en la lisant.

Faire quelque chose en bâillant ; c’est en style populaire, la faire avec négligence & sans aucune application. Oscitanter, negligenter.

Ce mot vient de balare, qui a été dit par onomatopée du cri des brebis. Ménage.

Bâiller, signifie figurement, s’entr’ouvrir, & se dit des ouvertures ou crevasses qui se font dans les murs, ou bâtimens. Hiare. Il est moins en usage que son composé, entrebâiller. Une porte, une fenêtre qui bâille.

Bâiller, se dit aussi dans le style figuré & populaire, pour aspirer avec ardeur, Inhiare. Il bâille après les richesses. Il bâille après cet emploi.

BAILLER. v. a. Prononcez la première syllabe brève, & ill’, comme deux ll mouillés. donner, mettre en main. Dare, tradere. Il lui a baillé cent écus par cette donation. Il lui faut bailler cette lettre en main propre. En ce sens il est moins en usage que donner, & même on ne le dit plus que dans les provinces. Il signifie pourtant autre chose que donner, qui veut dire faire un don ; au lieu que bailler, signifie seulement, mettre entre les mains. T. Corn. Un général qui s’est marié a baillé des gages à la fortune pour ne plus tant hasarder, Balz. La M. le Vayer soutient qu’il ne faut point tant mépriser bailler, & qu’il est nécessaire pour diversifier la phrase. Mais aujourd’hui il ne trouve place que dans le style des Notaires ; bailler à ferme : & dans le grimoire du Palais ; bailler des écritures, bailler des contredits, bailler caution, bonne & suffisante caution.

Nicot le dérive du grec βάλλω, c’est-à-dire, mitto ; celui qui baille envoie en quelque façon. Etienne Guichard est de même avis, mais il va plus loin encore, car il dérive βάλλω de l’hébreu נבל, nabal, en retranchant le נבל ; נ signifie tomber, couler.

On dit proverbialement, en bailler à garder ; pour dire, en faire accroire à quelqu’un. On la lui a baillé belle ; pour dire, on s’est moqué de lui.

BAILLÉ, ÉE. part. Datus, traditus.

BAILLERESSE. Voyez Bailleur.

BAILLET. adj. m. Un cheval baillet, est un cheval de poil roux tirant sur le blanc. Helvus equus. Ménage.

BAILLEUL. s. m. Celui qui remet les os disloqués, les côtes pliées, enfoncées, ou rompues. Ossium loco suo motorum restitutor. Les Bailleuls ne sont pas érigés en corps de métier, ni en Officiers. Il en faut pourtant excepter les Bailleuls qui servent par quartier chez le Roi. Les Bailleuls s’appellent aussi Renoueurs. Quant on s’est démis un bras, on envoir querir le Bailleul. Celui qui exerce cette profession en Espagne s’appelle Algebrista.

Bailleul, s. m. est aussi un nom de quelques lieux, ou bourgs en France, ou dans les Pays-Bas. Balliolum, ou Belliolum. Voyez Bailli.

Bailleul, s. m. Nom de lieu. Il est près de la méridienne de Paris, du côté du Nord, à 20°, 15′, 23″ de longitude, & 50°, 44′, 16″, de latitude. Cassini.

BÂILLEUR. s. m. Celui qui bâille, qui est sujet à bâiller. Oscitans. On dit proverbialement et bassement qu’un bon Bâilleur en fait bâiller deux. Faites l’â long, & mouillez ill.

BAILLEUR. s. m. BAILLERESSE. s. f. Termes de pratique. Faites l’a bref & mouillez ill. Celui, ou celle qui donne à ferme un héritage, une maison, un droit. Locator. Le Bailleur à ferme est chargé d’entretenir les bâtimens de grosses réparations, & le preneur des menues. Et ladite Bailleresse a affermé cette terre, &c. Il est opposé à celui qui prend à ferme, que l’on nomme preneur. On dit aussi un bailleur de bourdes ; pour dire un moqueur, un trompeur. Illusor, Delusor.

Bailleur de table. Petit Officier établi dans les Halles de la ville d’Amiens, pour lever & fournir aux Marchands & Fabriquans les Tables dont ils ont besoin pour places