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ABU

ABUNA, ou ABOUNA. s. m. Terme Arabe, qui se trouve dans les Relations, & qui signifie proprement, Notre Père. L’on s’en sert en parlant des Religieux Chrétiens Arabes. Ainsi ils disent, Abouna Ephrem ; c’est-à-dire, Notre Père Ephrem, qui est la même chose que si nous disions, Le Père Ephrem, en parlant d’un Religieux de ce nom, ou Père Ephrem, en parlant à lui même. Selon Portel, il faut dire Abana, אבאנא, & l’interprète Arabe l’écrit ainsi, Matth VI. 9. On dit cependant, Abouna, אבונא

ABURRA. Vallée du nouveau royaume de Grenade, dans l’Amérique méridionale. Aburra.

ABUS. s. m. Ce mot, dans l’acception la plus étendue, signifie l’usage irrégulier d’une chose ; l’introduction d’une chose contraire à l’intention que l’on avoit eue en l’admettant : tout ce qui est contre l’ordre établi ou contre l’usage. Abusus. Il y avoit des abus dans tous les ordres de l’état, qui ont été réformés par Louis le Grand. C’est le grand Constantin, qui, en introduisant les richesses dans l’Eglise, y a introduit en même temps les abus, & le relâchement de la discipline. Port-R. Ce Ministre a réformé les abus des Finances ; ce Président, les abus de la Justice.

Abus, signifie aussi, mauvais usage d’une chose. On commet bien des abus dans la distribution des aumônes. Les abus qu’on fait de l’Ecriture, ne naissent pas de la lecture innocente du peuple. Gomber. Le Concile de Trente a défendu les abus qu’on fait de l’Ecriture, c’est-à-dire, les mauvais usages, les applications qu’on en pourroit faire à des choses profanes, mauvaises, criminelles.

Abus, signifie aussi, erreur, mécompte, tromperie. Error. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus ; c’est-à-dire, c’est une erreur, un mécompte ; vous vous trompez. C’est un abus que d’exhorter un jeune libertin à songer à la mort ; pour dire, cela est inutile, on n’y gagne rien. C’est dans ce dernier sens, que M. de la Fontaine a dit fort élégamment dans ses fables :

Alléguer l’impossible aux Rois, c’est un abus.

c’est-à-dire, que quand un Roi veut quelque chose, il faut lui obéir, quand même la chose seroit très-difficile, & paroîtroit impossible. Les Mahométans vivent dans l’abus ; ils suivent les abus de leur faux prophète. Dans ce dernier exemple, il signifie tromperie, & se prend activement. Il se dit plus ordinairement dans l’autre sens, qui est passif. En Arithmétique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoît qu’il y a de l’abus dans le calcul.

☞ Ce mot se dit quelquefois absolument, pour rejeter ce qu’un autre a dit. Vous croyez réussir par-là, abus ; vous n’en viendrez jamais à bout.

Abus, s’écria-t-il, hé ! devenez dévote.

☞ Abus d’un mot en grammaire ; le prendre dans un sens abusif, c’est en faire une mauvaise application, en pervertir le sens,

☞ Abus, dans un sens plus particulier, est toute contravention commise par les Juges & Supérieurs Ecclésiastiques en matière de droit.

Appel comme d’abus. In abusu dicendi juris ad Regium superius Tribunal provocatio. C’est un appel qu’on interjette au Parlement, des sentences des Juges ecclésiastiques, quand ils entreprennent sur la Puissance séculière ; quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur juridiction, ou quand ils jugent contre les saints Canons & la Discipline de l’Eglise. Les appels comme d’abus ont été introduits, autant pour s’opposer aux entreprises de la Juridiction ecclésiastique sur la Juridiction temporelle, que pour mettre ordre aux attentats de la Cour de Rome sur les libertés de l’Eglise Gallicane. Il est certain en effet que l’entreprise des Evêques alla si loin, qu’ils se rendirent les maîtres de toutes les affaires civiles sous des prétextes de piété, & qu’ils dépouillèrent presqu’entièrement la Juridiction séculière. On ne peut point déterminer tous les cas où l’on peut appeler comme d’abus, parce qu’on ne peut pas limiter toutes les contraventions dont les Ecclésiastiques sont capables pour relever leur autorité. Bouchel. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. Quand l’Official juge du possessoire des dixmes inféodées, du possessoire des bénéfices, il y a abus. On appelle comme d’abus, des unions des bénéfices, des Rescrits de Cour de Rome, des fulminations des Bulles d’excommunication, quand elles sont contre les loix de l’Eglise reçues en France. Alors la Cour prononce qu’il y a abus. Quelquefois l’on convertit l’appel comme d’abus en appel comme de grief. L’appel comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lorsque Pierre de Cugières, son Avocat-Général, se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclésiastiques sur les personnes & la Justice séculières. Au lieu d’appeler des usurpations, des entreprises du Juge épiscopal, on se servit du terme d’abus, comme le moins dur, pour exprimer qu’il abusoit de son autorité. Pour se venger de Pierre de Cugnières, les Chanoines de Notre-Dame firent mettre au côté du chœur un petit marmot, que par dérision ils appelèrent Pierre de Cugnet. Le Clergé étoit alors si redoutable, que les laïques n’eurent pas tout d’un coup la hardiesse de reprendre leurs droits. Enfin, François I par son ordonnance de 1539, sapa les fondemens de la Jurisdiction ecclésiastique ; & le remède des appels comme d’abus a été si fréquemment mis en usage, que la puissance royale se trouve rétablie dans tout son lustre, & remise en possession de toute son autorité. Voyez Pasquier dans toutes ses Recherches, Liv. 3, C. 33. Févret, Avocat de Dijon, a fait un fort beau volume de l’appel comme d’abus. Les appellations comme d’abus ne se relevent qu’au Parlement, et ne se plaident qu’à la Grand’Chambre, suivant l’édit de 1606 & 1610 : les appels comme d’abus devroient être scellés au grand Sceau ; mais en conséquence d’un renvoi de M. le Chancelier le Tellier en 1678, on les prend au petit Sceau, en y attachant une consultation de trois Avocats. On appelle comme d’abus de l’exécution du Rescrit du Pape, & non du Rescrit même, pour ne blâmer que l’Impétrant ; mais on appelle comme d’abus de l’octroi d’un Evêque, ou de la sentence d’un Official. Quand on dit, Le Parlement a jugé qu’il y avoit abus ; cela signifie que le Parlement a jugé que l’appel comme d’abus a été bien interjeté, & que le juge a excédé son pouvoir Acad. Fr.

ABUSAÏD. Montagne d’Afrique, dans la province de Ténez, & de la dépendance de la ville de ce nom.

ABUSÉ, ÉE. part. Falsus, deceptus, corruptus, vitiatus, compressus.

ABUSER. V. n. Faire un mauvais usage de quelque chose. Abuti. Il ne faut pas abuser des sacremens ; abuser de la bonté de Dieu. Il n’y a rien de si saint, dont la malice des hommes ne puisse abuser. Port-R. Ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son Autorité, quand il en use pour ses intérêts particuliers.

Abuser, signifie encore, Interpréter mal la pensée de quelqu’un, & y donner un mauvais sens. Vous abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres. Pasc. Les hérétiques abusent de l’Ecriture, ils en corrompent le sens. C’est aussi en faire de mauvaises applications.

Abuser, v. a. Signifie aussi, tromper, séduire. Fallere, decipere. Les faux prophètes, les charlatans, abusent les peuples. Notre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent.

Il conçoit le néant des objets qui l’abusent :
Il gémit sous sa chaîne, & n’ose la briser. Breb.

Quand l’amour est ardent, aisément il s’abuse.
Il croit ce qu’il souhaite & prend tout pour excuse. Corn.

Abuser, a. signifie plus particulièrement, suborner une femme, corrompre, séduire une fille, lui arracher les dernières faveurs, Vitiare, comprimere. Il faut être