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& consumés presque de trois quarts, & rayés apparemment par leur frottement mutuel, plutôt que par érosion. Mais il faut remarquer que les autruches avalent le fer, de même que les autres oiseaux avalent les cailloux, pour aider à broyer leur nourriture, & non pas pour s’en nourrir & pour le digérer, comme ont cru les Anciens : au contraire elles meurent quand elles en ont beaucoup avalé. Diodore Sicilien appelle les autruches, des Cerfs-oiseaux.

Le P. de Urreta, dans son Histoire d’Ethiopie, p. 45, prétend que les Anciens ont appelé les autruches Pégases ; & que comme cet oiseau a des ailes, qu’il étend quand il court, & qu’il y en a qui ont des oreilles de cheval ; tout cela a donné occasion à la fable du cheval ailé nommé Pégase. Le même Auteur dit, Liv. I, ch. 26, qu’il est douteux si c’est un oiseau, parce qu’il a des ailes ; ou un animal terrestre, parce qu’il a des pieds de chameau ; que c’est pour cela qu’on l’appelle struthio camelus, c’est à-dire, selon Isidore, Liv. XII, Etym. ch. 17, parce que c’est un animal terrestre qui a des plumes comme les oiseaux. Il y en a une quantité prodigieuse en Ethiopie, & les Ethiopiens les nomment Aostros, & c’est apparemment de-là que s’est formé le nom espagnol Abestruz, & le nom François Autruche. Elle pond au mois de Juin, met ses œufs en terre, les couvre de sable, & les abandonne ; c’est le soleil qui les fait éclore. Ceux du pays disent, au rapport de Marmol, qu’elle a si peu de mémoire qu’elle les oublie ; mais qu’en courant çà & là, les femelles les couvent aux lieux où elles les rencontrent. Il est bien plus naturel de dire que l’autruche étant d’un poids énorme, elle romproit ses œufs si elle les couvoit comme les autres oiseaux ; ainsi, par un instinct naturel, elle laisse au soleil le soin de faire éclore ses petits. C’est pour cela que l'autruche est un symbole de cruauté & d’oubli. Cet animal, dit Marmol, est fort simple, & si sourd qu’il n’entend rien. Il dit qu’elle pond dix ou douze œufs de la grosseur d’une grosse boule, & quelques-uns moindres. Les Ethiopiens mangent ces œufs, & les tiennent pour un mets délicieux. On dit qu’ils font des vases des coques de ces œufs ; Pierius dit même qu’ils en font des bonnets qu’ils portent, & qu’ils estiment. La chair de l’autruche, dit encore Marmol, put, & est gluante, particulièrement celle des cuisses ; mais tous les peuples de Numidie ne laissent pas d’en manger. Quand ils ont pris des petits, ils les élèvent, les engraissent, & les mènent paitre en troupes par les déserts : lorsqu’ils sont gras, ils les tuent & les salent. La propriété qu’on lui attribue, de digérer le fer, a fait qu’on a pris l’autruche pour le symbole de la patience dans les injures. On en fait encore le symbole de la justice, parce que toutes ses plumes, dit-on, sont égales, au lieu que dans les autres oiseaux, les unes sont petites, les autres sont grandes ; ou parce que le tuyau est justement au milieu de la plume.

On dit figurément à un homme qui mange beaucoup, ou des viandes difficiles à digérer, qu’il a un estomac d’autruche. Le P. Vanslebe, dans sa Relation d’Egypte, rapporte à la page 103, une chose fort particulière, en parlant des autruches. J’ai lu, dit-il, dans un vieux manuscrit Arabe, intitulé Giauharet Innefisse, que lorsque cet oiseau veut couver ses œufs, il ne se met pas dessus, comme font les autres ; mais le mâle & la femelle les couvent avec leur regard seulement, & lorsque l’un des deux a besoin d’aller chercher sa nourriture, il avertit son compagnon par son cri, & celui-ci reste, & continue à regarder les œufs, jusqu’à ce que l’autre soit revenu ; & de même encore quand celui-ci a besoin à son tour d’aller chercher sa nourriture, il avertit de la même manière son compagnon, afin qu’il demeure, & afin qu’incessamment l’un d’eux soit toujours pour regarder les œufs, jusqu’à ce que les poussins soient éclos. Car s’ils discontinuoient un moment, ils se corromproient, & ils n’auroient aucun poussin.

☞ AUTRUI. s. m. Sans pluriel, ou pronom indéfini, sans genre ni nombre, qui signifie les autres personnes. Il ne s’applique jamais qu’aux personnes, & il est plus général que autre.

☞ Quelques-uns regardent ce mot comme vieux, & disent toujours autres pour autrui. Mais ce n’est pas parler françois que de dire autres, en beaucoup d’endroits, où il faut dire autrui. Par exemple, il ne faut pas désirer le bien des autres, est très-mal dit, il faut dire le bien d’autrui. Autre a relation aux personnes dont on a déjà parlé. Comme si je disois, il ne faut pas ravir le bien des uns, pour le donner aux autres, je dirois bien ; mais je parlerois très-mal en disant pour le donner à autrui. Parce que quand il y a relation de personnes, il faut dire autres, & quand il n’y en a point, il faut dire autrui. D’ailleurs, autre s’applique aux personnes & aux choses ; mais autrui ne se dit que des personnes, & toujours avec une préposition dont il est le complément. Envier le bien d’autrui. Ne fais à autrui que ce que tu voudrois qui te fût fait à toi-même. Être logé chez autrui. Vous autres galans, vous jugez d’autrui par vous-mêmes. Scarr.

Un cœur noble est content de ce qu’il trouve en lui,
Et ne s’applaudit point des qualités d’autrui.
Ce n’est que l’air d’autrui qui peut déplaire en moi.

Boil.

.

Cependant qu’il tente lui-même
Ce qu’il peut faire par autrui. Malherbe.

C’est-à-dire, par tout autre que lui.

☞ Dans les Lettres de Chancellerie on met toujours cette clause, sauf en autres choses notre droit, & l’autrui en toutes. Dans cette phrase l’autrui signifie par ellipse, le droit d’autrui.

Ménage dérive ce mot du génitif alterius, en transposant les lettres, dont les Italiens ont fait aussi altrui.

On dit proverbialement, le mal d’autrui n’est que songe ; pour dire, ne nous touche guère. Qui s’attend à l’écuelle d’autrui, souvent dine mal. On dit aussi, le bien d’autrui n’est pas à nous.

AUTUN. Augustodunum, Augusta Æduorum, Hedua, Ædua, Civitas Æduorum, Bibracee. Ville ancienne de Bourgogne. Autun est fort ancien. Le premier Auteur qui en parle, est Pomponius Mela : Tacite en fait mention comme d’une ville très-considérable sous Tibère. La fondation de cette ville est un point très-obscur, ou plutôt absolument inconnu. Ceux qui ont dit qu’elle avoit été bâtie par Samothès, fils de Japhet, & petit-fils de Noé, n’apportent aucune preuve de leur opinion. M. Baudot, dans sa Dissertation dont nous parlerons, dit seulement qu’Autun est une ville très-ancienne : & c’est en effet tout ce qu’on en peut assurer. Bien des gens croient qu’Autun est l’ancienne Bibracte : c’est le sentiment de Pierre de S. Julien dans ses Antiq. de Bourgogne. M. Thomas, Chantre & Official d’Autun, a entrepris de le prouver, dans un petit Livre intitulé, De antiquis Bihracte seu Augustoduni monumentis ; & il dit que c’est l’opinion des Savans. En effet, Mrs Samson, Du Val, d’Ablancourt, les Peres Monet & Labbe Jésuites, Cellarius, se sont déclarés pour Autun. Néanmoins Oronce Finé, Blaise Vigenère, Jean Passerat, Charles Estienne, M. de Salins & quelques autres encore, croient que Bibracte est Baune ; mais ce sentiment, dit M. Thomas, ne mérite pas qu’on le réfute ; il est sans raison, dit M. de Valois dans sa Notice. D’autres la prennent pour Pebrac, bourg en Auvergne, & d’autres pour Beuvray en Bourgogne ; sentimens qui ne paroissent avoir d’autre fondement que la ressemblance des noms. On imprima aussi en 1710, à Dijon, une Dissertation de M. Baudot, où il prouve la même chose. Les principales raisons sont, 1°. La marche de César en suivant les Suisses qui vouloient aller s’établir en Saintonge. 2°. La situation d’Autun, la même que César décrit. 3°. Le nom de dunum, qui termine son nom, & qui veut dire colline ; Autun est bâti sur une colline, adossée à une plus haute montagne. 4°. La grandeur & la célébrité d’Autun, qui ne peut convenir ni à Baune, ni à aucune autre ville, 5°. Les restes superbes d’antiquité qu’on y voit. 6°. Enfin, deux marbres antiques & une plaque de bronze, avec des inscriptions qu’on y trouva il y a quelques années. L’un des marbres porte, DEAE