Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/678

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
654
AVO

Il n’a guère d’usage que dans le figuré. Dessein avorté. Entreprise avortée.

AVORTIN. s. m. Abortivus. Ce mot a le même sens qu’avorton qui suit : il se dit par mépris, aussi-bien qu’avorton.

O ! le plaisant avortin
D’un fou gonflé de Latin.

AVORTON. s. m. Qui est né avant le temps, ou qui ne peut acquérir la perfection ordinaire. Abortivus.

Toi qui meurs avant que de naître,
Assemblage confus de l’être & du néant :
Triste avorton, informe enfant,
Rebut du néant & de l’être. Hesnault.

☞ On le dit en général par extension de tout ce qui vient avant le temps légitime, celui de sa maturité, ou de sa perfection, & de sa grandeur naturelle ; arbres, fruits, plantes, animaux.

Il y a un traité du P. Jérôme Florentinus sur le baptême des Avortons. Le but de cet Auteur est de montrer qu’en quelque temps qu’un avorton vienne au monde, on peut le baptiser, parce que le temps auquel le fœtus commence d’être animé, est incertain. Il y a plusieurs choses singulières dans ce Traité, dont le titre est, Homo dubius, five de haptifmo ahortivorum. Lugd. 1674 in-4°.

Avorton, est aussi un terme injurieux, dont on ne se sert que dans le style simple & comique. Ainsi on dit qu’un petit homme, qu’un pygmée est un avorton de nature. Quel petit avorton est ce là ? Ils périssent comme des avortons de vanité. Gomb.

Scaliger a dit aussi que la langue françoise est un avorton de la langue latine.

On l’applique aussi aux productions d’esprit trop précipitées, & auxquelles on n’a pas donné assez de loin & assez de temps. C’est un ouvrage plein de défauts & fait à la hâte, ce n’est qu’un avorton.

AVOSETA, ou SPINZAGO d’AQUA. Est un oiseau aquatique, gros comme un pigeon ; son bec est long de quatre ou cinq doigts, noir, relevé, pointu. Sa tête est noirâtre, son corps est blanc, ses pieds sont bleuâtres, & ont les doigts joints par des membranes, ses jambe longues ; son cri est crex, crex. Il est commun en Italie. Sa graille est résolutive & anodyne.

AVOUÉ. s. m. C’étoit autrefois un patron, un défenseur des droits d’une église. Bonorum Ecclesiæ Patronus. Charlemagne prenoit le titre d’avoué de S. Pierre, & protecteur de la ville de Rome ; & le Pape Léon III lui envoya une banniere & des clefs, en lui donnant cette qualité. Il y avoit aussi des avoués pour les Eglises Cathédrales, & pour les Abbayes, même pour celles des filles. Le Roi Hugues, au rapport d’Hariulphe, avoit éte avoué de S. Riquier, & son fils Angelram se contenta de la même dignité. Bollandus rapporte, dans la vie de S. Edouard Roi d’Angleterre, des lettres de Nicolas II, par lesquelles entr’autres privilèges il le fait, lui & ses successeurs, avoué & défenseur du Monastère de Westminster & de toutes les églises d’Angleterre. Sous Henri I, Roi de France, le comte d’Anjou avoit la bannière de Saint Martin dans son armée en qualité d’avoué ou de défenseur de l’Abbaye de Marmoustier, comme les Comtes du Vexin portoient l’oriflame de l’Abbaye de S. Denis avec un pareil titre. P. Dan. Les Vidâmes prenoient la qualité d’avoués, & même les Historiens du VIIIe siècle confondent ces deux qualités ; & de là vient que plusieurs séculiers d’Allemagne & grands Seigneurs portent des mitres en cimier sur leurs Ecus, parce qu’ils avoient des qualités d’avoués, ou d’Officiers des grandes Eglises. Ces avoués étoient d’abord des Avocats qui défendoient les causes des Eglises. On leur donne aussi le nom d’avoués des Moutiers ; c’est-à-dire, des Monastères. Ils étoient comme patrons, gardes, & administrateurs du temporel des Eglises, sous l’autorité desquels se faisoient tous les contrats qui concernoient les Monastères. Il paroit même, par les plus anciennes, chartes, que les donations qu’on faisoit aux Eglises se conféroient en la personne des avoués. C’étoient eux aussi qui se présencoient en jugement pour les Monastères dans toutes leurs causes, & qui rendoient la justice pour eux, dans les lieux où ils avoient la Juridiction. Ils conduisoient à la guerre les vassaux des Monastères obligés de fournir des soldats au Roi. Ils se battoient même quelquefois en duel pour les Monastères. On prétend que cette charge fut introduite dès le temps de Stilicon, dans le IVe siècle. Le Canon 99 du Concile d’Afrique semble le dire. Les Bénédictins n’en fixent l’origine qu’au VIIIe siècle. Voyez sur tout cela leurs Actæ Sanct. Benedict. Sæc. III, P. 1, prœf. pag. 91 & suiv. Ils reconnoissent néanmoins que cela avoit commencé longtemps avant ; mais on s’y étoit toujours opposé, témoin le Concile de Châlons en 664, ou environ. Mais enfin les grands Seigneurs prirent cette qualité, quand il les fallut défendre par les armes, ou les protéger par leur autorité. Dans quelques Monastères on les appeloit Conservateurs, Conservatores ; mais sans en avoir le nom, ils avoient toutes les mêmes fonctions que les avoués. Il y avoit aussi quelquefois plusieurs Sous-avoués, pour chaque Monastère, qui en faisoient les affaires à la place des avoués, ce qui ruinoit les Monastères. C’est pour cela que l’Empereur Othon, en faisant Lambert comte de Louvain, avoué du Monastère de Gemblours en 948, lui défend d’avoir jamais plus d’un sous-avoué, & ordonne que dans les métairies de ce Monastère ce sous-avoué n’ait jamais de droit par chaque année qu’un denier, une poule, & un setier d’avoine de chaque maison.

On appeloit aussi autrefois avoués, les maris, les tuteurs, & même ceux qui se battoient en combat singulier pour la querelle d’un autre, & généralement tous ceux qui entreprenoient la défense d’autrui.

Ce mot vient d’advocatus : & de-là vient que les Juges de Suisse s’appellent encore en Roman avoyers ; c’est-à-dire, défenseurs de la Justice, & du peuple opprimé. Chorier, dans son Histoire de Dauphiné, Tom. I, p. 521, se sert du terme d’Avocat, au lieu d’avoué. Il est mieux de dire avoué ; Avocat dans l’usage présent, signifie autre chose. Aussi, ajoute-t-il, nos Peres ont du mot avocat fait celui d’avoyer, & d’avoué en notre langue.

On trouve aussi des Avoués de Villes, de Pays, de Provinces. Ainsi dans une Charte de l’an 1187, & dans une autre de 1210, Berthold, Duc de Zeringhen, est appelé Avoué de Thurgie, Thuregici loci. Dans la Notice des Eglises Belgiques de Mirœus, ch. 109. Henri, Comte de Louvain, est appelé Comte & Avoué de Brabant. On trouve encore aux XIIe & XIIIe siècles des Avoués d’Alsace, de Suabe ; & Raymond de Agiles dit, qu’après la prise de Jérusalem, quand il fut question d’élire un Roi, les Evêques répondirent, qu’on ne devoit point élire de Roi dans un lieu où Dieu avoir souffert & avoit été couronné ; mais qu’il falloit seulement élire quelque Avoué qui gardât la ville, & qui eût soin de distribuer à la garnison les tributs qui se leveroient dans le pays. Et de vrai dans Dodechin, Abbé Allemand, qui écrivoit un voyage de la Terre-Sainte dans le XIIe siècle, Godefroi de Bouillon est appelé Avoué du S. Sépulcre. Au reste, d’habiles gens prétendent que les Villes & les Provinces n’ont jamais eû d’Avoués, mais seulement les Eglises ; & que les Seigneurs qui portent le titre d’Avoué de quelque pays, ne l’étoient que des Monastères & des Églises de ces pays-là, comme Albert, Marquis d’Autriche, fils aîné de Léopold, qui fut fait Avoué de tous les Monastères d’Autriche. Néanmoins, la réponse des Evêques pour la création d’un Avoué de Jérusalem, & non pas d’un Roi, paroit contraire. Non debere ibi eligi Regem, ubi Deus passus & coronatus est… Sed esset aliquis Advocatus, qui & civitatem custodiret, & custodibus civitatis tributa regionis divideret & reditus. Il ne s’agit point là d’Eglises, ni de Monastères, ni de leurs biens, mais de la ville, & des tributs & revenus du pays.

Les Empereurs ont nommé les Avoués des Provinces, ou des Villes. Berthold, dont nous avons parlé,