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AUN

une coiffure, ou chaperon de femme faite de peau, ou de fourrure. Il ajoute qu’on dit aussi Almucia, & almucium.

L’aumusse que portent les Chanoines n’étoit d’abord qu’un bonnet de peau d’agneau avec le poil, & la chape se portoit par-dessus. On fit descendre ensuite ce bonnet sur les épaules, & enfin jusque sur les reins ; mais comme la chape & cette peau, qui envelopposent encore tout le corps, étoient très-incommodes pendant les chaleurs de l’été, on quitta premièrement la chape, & on ne laissa que cette peau, à laquelle on donna le nom d’aumusse. Comme cette aumusse qui couvroit la tête & les épaules, &d escendoit jusqu’aux reins, étoit encore un habillement peu propre pour l’été, il y eut des Chanoines qui la mirent en travers sur les deux épaules, comme la portent en été les Chanoines Réguliers de S. Victor, ceux de Sainte Croix de Conimbre, & quelques autres. Ceux de Marbac la portent aussi sur les épaules, mais elle descend en pointe par derrière, un peu plus bas que la ceinture, & est attachée par-devant avec un ruban bleu. D’autres l’ont portée sur l’épaule gauche, en forme de chaperon de Docteur, comme les Chanoines Réguliers de sa Cathédrale d’Uzès ; & plusieurs Cathédrales ont retenu l’ancienne coutume de la porter sur les épaules en forme de manteau, principalement les Chanoines de l’Eglise de Lyon. Enfin il y en a grand nombre qui ont trouvé trop incommode encore de la porter sur les épaules, ils l’ont fait descendre sur le bras gauche, où elle est restée plus communément. P. Hélyot, T. II, p. 23.

Sévert, dans son Histoire des Archevêques de Lyon, p. 252, prétend que ce mot est fait par corruption de ceux-ci, hautement mise, parce que l’aumusse se portoit sur la tête & les épaules. D’autres tirent ce mot du nom latin, amicium, dérivé du verbe amicire, vêtir, parce que l’aumusse couvroit la tête & les épaules. Quelques-uns enfin disent qu’il vient du vieux allemand, Hoost mutsen, qui veut dire un bonnet. La seconde étymologie paroît la plus vraie ; car c’est ainsi que du verbe amicire vient amictus, l’amict que les Prêtres mettent sur la tête & sur les épaules, comme autrefois l’aumusse.

☞ AUMUSSETTE. s. f. Vieux mot. Petite aumusse.

AUN.

AUNAGE. s. m. Mesurage des étoffes, qui se fait avec une mesure certaine, réglée, qu’on appelle à Paris une Aune. Telæ, panni ad ulnam mensio. On a mesuré cette pièce d’étoffe, l’aunage en est bon. Plusieurs Manufacturiers donnent des excédans d’aunage pour s’attirer de la chalandise, comme à Laval vingt-quatre aunes pour vingt, & quelquefois vingt-huit ; mais cet excédant d’aunage est réglé à une aune un quart par les derniers statuts, que les Façonniers donnent aux Marchands pour bonne mesure.

AUNAIE. s. f. Lieu planté d’aunes. Locus alnis consitus. Alnetum. Les aunaies se font en terres humides & marécageuses. Quelques-uns disent Aunette. Mais ce diminutif paroît désigner une petite aunaie. Pour planter les aunaies, on fait des alignemens à deux pieds l’un de l’autre, le long desquels on creuse des rigoles de la profondeur d’un pied seulement, où l’on pose le plant à un pied & demi de distance ; on le recouvre aussi-tôt en dos d’âne, observant de lui couper l’extrémité à deux doigts de terre, pour l’obliger à jeter plusieurs tiges. Chom. Les aunaies s’appellent aussi Vernaies, parce qu’on appelle les aunes, Vernes.

AUNAIRE. s. m. Nom d’homme. Aunarius, Aunacharius. Aunhar, communément S. Aunaire, Evêque d’Auxerre, étoit d’une famille riche & noble, & fort considérée dans la ville d’Orléans.

AUNAIS. s. m. Nom d’homme. Honestus. S. Honest, que l’on prononce comme s’il y avoir Aunais, est patron de la Paroisse d’Hières, au diocèse de Paris. Chast.

AUNE. s. m. Alnus. Arbre d’une grosseur & grandeur considérable, & qui croît le long des ruisseaux & aux bords des rivières. Son tronc qui est plus ou moins gros suivant son âge, est recouvert d’une écorce raboteuse & brune ; & le bois en est tendre & un peu roussâtre. Il donne plusieurs branches, qui sont fort cassantes, couvertes d’écorce d’un brun cendré, tâchée, & jaunâtre en dedans. Elle est très-désagréable au goût, amère & astringente. Le bois des jeunes branches est blanc. Ses feuilles sont alternes, assez semblables à celles du Coudrier, mais un peu plus arondies, crénelées sur leurs bords, relevées par des nervures qui parcourent toute leur surface, vertes, luisantes, & gluantes au toucher. Ses fleurs, qui naissent aux extrémités des branches, sont des chatons grêles, long d’un pouce, verts d’abord, qui s’alongent ensuite, & deviennent de couleur de la rouille de fer, sur-tout lorsque les fleurs sont épanouies. Chaque chaton est un composé de plusieurs petits pelotons de fleurs attachées à un filet commun. Chaque fleur est taillée en quatre quartiers, & garnie de beaucoup d’étamines. Les fruits qui naissent sur le même pied, mais dans des endroits séparés, paroissent en même temps que les chatons. Chaque fruit n’est d’abord guère plus gros qu’un pois, conique, écailleux, & rempli entre ses écailles d’embryons terminés par deux cornes. Le fruit grossit peu à peu, s’arrondit, devient noir & gros comme une olive, & s’ouvre de la même manière que les pommes de pin. Entre chaque écaille on trouve une petite semence aplatie, rougeâtre, presqu’insipide ; au lieu que les chatons & les feuilles des fruits sont fort astringens, & un peu amers.

On se sert du tan d’aune pour préparer les cuirs. Son écorce est aussi employée par les Teinturiers pour faire le noir. On prétend que son bois ne pourrit point dans l’eau : on croit au contraire qu’il y durcit de telle manière qu’il s’y pétrifie. Les feuilles d’aune appliquées sur les vieux ulcères les desséchent : ces mêmes feuilles ramassées dans un sac s’échauffent, & font beaucoup transpirer les parties du corps qui en sont ensuite enveloppées. C’est un remède dont on se sert quelquefois pour des rhumatismes opiniâtres.

L’aune devient extrêmement haut, pourvu que la plupart de ses racines baignent dans l’eau. Il a la feuille comme le coudrier, & comme lui il jette de souche. Chom. On nomme Verne cet arbre dans quelques Provinces.

Ce mot aune pourroit bien venir de l’hébreu אלון : c’est la conjecture du P. Thomassin, qui rapporte à la langue hébraïque l’origine de tous les mots dont il parle.

Aune noir. Alnus nigra, ou Frangula, est un arbre qui donne dès sa racine plusieurs jets gros comme le doigt, branchus, & garnis de feuilles assez semblables à celles du cerisier, mais plus petites, opposées. D’entre leurs aisselles naissent des fleurs à cinq pétales blanchâtres, qui sortent des échancrures de leur calice, au fond duquel s’élève un pistil qui devient une baie verte d’abord, ensuite rougeâtre, molle, qui renferme deux semences arrondies ; qui devient enfin noire, & qui est d’un goût désagréable. L’écorce moyenne de ses branches purge les sérofités, & fait vomir lorsqu’elle est fraîche. On trouve l’aune noir dans plusieurs bois à la campagne.

Aune. s. f. Bâton d’une certaine longueur qui sert à mesurer les étoffes, toiles, rubans, &c. Ulna. Il se dit aussi de la chose mesurée. Une aune de drap, de toile. Aune courante, c’est une mesure d’étoffe ou de tapisserie qui s’étend sur les longueurs, sans considérer la largeur, ou la hauteur. Tous les Marchands doivent avoir une aune marquée & étalonnée, & ferrée par les deux bouts. Les aunes sont différentes selon les lieux.

L’aune d’Amsterdam a deux pieds un pouce, & deux lignes du pied de France, appelé Pied de Roi.

L’aune d’Anvers est longue de deux pieds, un pouce, & six signes du pied de France.

L’aune de Bergue & de Dronthem, en Norwége, est un peu plus courte que celle d’Amsterdam, de sorte que dix aunes d’Amsterdam en font onze de Bergue & de Dronthem.

L’aune de Berne & de Bâle en Suisse est comptée égale à celle de Hambourg.