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AUG

☞ Les Princes s’agrandissent en reculant les bornes de leurs états, & croient par-là augmenter leur puissance : mais ils se trompent quelquefois en cela, car cet agrandissement ne produit qu’une augmentation de soins, & souvent même est la première cause de la décadence d’une monarchie.

Augmenter, croître, dans une signification synonyme. Les choses croissent par la nourriture qu’elles prennent. Elles augmentent par l’addition qui s’y fait de chose de la même espèce. Les blés croissent : la récolte augmente. Mieux on cultive un terrain, plus arbres y croissent, & plus les revenus augmentent.

Croître, ne signifie précisément que l’agrandissement de la chose indépendamment de ce qui le produit. Augmenter fait sentir qu’il est causé par une nouvelle quantité qui y survient. Dire que la rivière croît, c’est dire uniquement qu’elle devient plus haute, sans exprimer qu’elle le devient par l’arrivée d’une nouvelle quantité d’eau. Dire qu’elle augmente, c’est dire qu’il y arrive une nouvelle quantité d’eau qui la fait hausser. Et quoiqu’il y ait des occasions cette délicatesse de choix n’est de nulle importance, comme dans ce dernier exemple, il en est d’autres où il est à propos, même nécessaire d’avoir égard à l’idée particulière, & de faire un choix entre ces deux termes, selon la force du sens qu’on veut donner à son discours. Il est aisé de voir que l’un de ces mots a des places qui ne conviennent point à l’autre. Ne sent-on pas, du moins par un goût naturel, si ce n’est par réflexion, qu’il est mieux de dire, l’ambition croît à mesure que les biens augmentent, que de dire, l’ambition augmente à mesure que les biens croissent, d’après l’idée propre que l’on vient d’exposer ? Car enfin les biens consistant dans plusieurs différentes choses qui se réunissent dans la possession d’une seule personne, le mot augmenter qui marque l’addition d’une nouvelle quantité, leur convient mieux que celui de croître qui ne marque précisément que l’agrandissement d’une chose unique, fait par la nourriture, ou par une espèce de nourriture. Par la même raison, le mot croître figure mieux en cet endroit avec l’ambition, puisqu’elle est une seule passion, à qui les biens de la fortune semblent servir d’alimens, pour la soutenir & la faire agir avec plus de force & plus d’ardeur.

Les choses matérielles croissent par une addition intérieure & mécanique, qui fait l’essence de la nourriture propre & réelle. Elles augmentent par la simple addition extérieure d’une nouvelle quantité de même matière. Les choses spirituelles croissent pas une espèce de nourriture prise dans une sens figuré : elles augmentent, par l’addition des degrés jusqu’où elles sont portées. L’œuf ne commence à croître dans l’ovaire, que lorsque la fécondité l’a rendu propre à prendre de la nourriture ; & il n’en sort que lorsque son volume est assez augmenté pour causer de l’altération dans la membrane qui l’y enferme. Notre orgueil croît à mesure que nous nous élevons ; & il augmente quelquefois jusqu’à nous rendre haïssables à tout le monde.

AUGMENTÉ, ÉE. part. Auctus, aduactus, amplificatus.

AUGON. Augonius mons. Le mont Augon est une partie de l’Apennin, située dans le Pavésan. L’Anginus des anciens est ou le mont Augon, ou le Monte Codoro, qui est à la source de la Trébia.

AUGSBOURG. Voyez Ausbourg.

AUGST. Anciennement Augusta Rauracorum. Ville considérable & épiscopale. Aujourd’hui ce n’est qu’un village de Suisse, situé sur une colline, près du Rhin, dans le canton de Bâle, qui a profité de ses dépouilles.

Augst, est encore un village du Vimeu, en Picardie, au nord de la ville d’Eu. Augusta. Ce nom s’est formé du latin Augusta.

AUGURAL, ALE. adj. Ce qui appartient, ce qui a rapport à l’augure. Auguralis. La science augurale est l’art des augures. Le bâton augural, étoit un bâton de cérémonie que les augures portoient pour marque de leur qualité. Robe augurale.

AUGURE. s. m. Divination qu’on fait par l’observation du vol, du chant, & l’appétit des oiseaux, avec certaines cérémonies. Augurium, auspicium. L’observation des augures est fort ancienne. La coupe qui fut mise dans le sac de Benjamin, en Egypte, étoit celle dont Joseph se servoit pour lesaugures. Voyez Aldrovandus de Bologne, qui a expliqué assez amplement la manière dont se prenoient les augures, dans les Prolégomènes de son Ornithologie. Varron distingue quatre espèces générales d’augures, La Pyromantie, ou augure par le feu ; l’Aëromantie, ou augure par l’air ; l’Hydromantie, ou augure par l’eau ; & la Géomantie, ou augure par la terre. Les espèces particulières sont l’Alectoromantie, l’Anthropomantie, la Belomentie, la Catophromantie, la Gapnomantie, la Gastromentie, la Géomantie, l’Haruspicine, la Libanomantie, la Lécanomantie, la Nécromontie, la Pyroscopie, qu’on nomme aussi Pyromantie. Voyez ces mots chacun en son lieu. Rien ne paroît plus indigne de la gravité des Romains, que leurs augures. Les délibérations du Sénat, ou des Généraux, étoient dépendantes de l’appétit ou du dégoût d’un poulet. S. Evr.

La science des augures est plus ancienne que Rome, puisque sa fondation fut précédée d’un augure. Les Latins conviennent qu’elle lui étoit venue des habitans de la Toscane, chez lesquels dans les commencemens ils avoient soin d’entretenir six jeunes Praticiens, comme dans une espèce d’Académie, pour en apprendre de bonne heure les secrets & les principes. Les Toscans en attribuoient l’invention à un certain Tagès, espèce de Demi-Dieu, qu’un Laboureur avoit trouvé endormi sous une motte de terre, & qu’il avoit déterré avec le soc de sa charrue. Suidas en fait honneur à Télégonus, Pausanias à Parnasus fils de Neptune, qui vivoit avant le déluge. Les savans font descendre cette science successivement des Curiens, des Ciliciens, des Pisidiens, des Egyptiens, des Chaldéesn & des Phéniciens ; & ils remarquent que ces peuples de tout temps se sont distingués des autres par leur attention, à l’espèce de volatile qui abondoit d’une façon particulière dans leur pays. Desorte que leur commerce fréquent avec ces animaux, & le soin qu’ils prenoient de leur éducation, faisant leur occupation la plus ordinaire, ils s’imaginoient entendre mieux que les autres ce que signifioient leurs cris, leurs mouvemens, leurs postures & leurs différens ramages ; & c’est ce qui donna lieu à la superstition parmi ces peuples.

Ceux qui prétendent trouver l’origine de toutes choses dans l’écriture, rapportent celle-ci au premier homme, qui connoissoit à fond toutes les créatures ; ils ajoutent que de pere en fils elle passa à Noé, qui ne lâcha le corbeau & le pigeon, que suivant les principes de l’Omithomantie, de Noé à Cham, & de Cham au fameux Tagès, qu’ils font son arrière-petit-fils ; & qu’ils appellent Maloth, par le canal duquel cette mervilleurs science passa en Europe. Les Auteurs de ces rêveries n’hésitent pas non plus à mettre cette perfection au nombre de celles de Salomon. Ce sont des imaginations de Rabbins. Si nous voulons les en croire, nous trouverons dans l’écriture toutes les parties de cette science. Le tripudium des poulets dans ce passage de Job, XXXVIII, 35. Quis gallo dedit intelligentiam ? Les oscines, c’est-à-dire, les oiseaux qui instruisoient par leur chant, dans celui de l’Ecclésiaste, X, 26. Avis cœli proferet vocem ; & ceux qu’ils appeloient Præpetes, c’est-à-dire, qui prophétisoient par leur vol, dans la suite de ce même passage, & ales indicabit rem.

Ce qu’il y a de vrai, c’est que cette superstition est plus ancienne que l’Ecriture Sainte, puisqu’elle y est expressément interdite & condamnée, Levit. SIS, 26. Deut. XVIII, 10. La seule chose qui pourroit arrêter, c’est que le terme de l’original מנחש, vient de נחש, serpent. Mais ce qui justifie tous les Traducteurs qui l’expliquent par augur, & observateur des augures, c’est que οἰωνός, & augur en latin, s’appliquent indifféremment à toute sorte de présages, souvent même par préférence à ceux qui se tiroient des