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AVA

Un avare idolâtre, & fou de son argent,
Rencontrant la disette au sein de l’abondance,
Appelle sa folie une rare prudence,
Et met toute sa gloire, & son souverain bien
A grossir son trésor qui ne lui sert de rien. Boil

☞ Ce mot s’emploie avec grâce au figuré. On dit que Dieu n’est pas avare de ses dons ; pour dire, qu’il les accorde à ceux qui les demandent. La nature a été avare de ses dons envers lui. C’est-à-dire ne lui a pas accordé de grands avantages, ou plutôt lui a refusé les avantages qu’elle accorde à d’autres, il n’en a pas été bien traité. Un homme avare de louange, est celui qui n’aime pas à louer, qui lui difficilement. Avare du temps, qui fait le ménager. Un Général avare du sang de ses soldats. Parcus sanguinis. Qui épargne le sang. Dans ces phrases, c’est un éloge.

Il fallut qu’au travail le corps rendu docile,
Forçât la terre avare à devenir fertile. Boil.

Souvent sur des fantômes vains
Notre raison séduite avec plaisir s’égare.
Elle-même jouit des objets qu’elle a feints,
Et cette illusion pour quelque temps repare
Le défaut des vrais biens que la nature avare
N’a pas accordés aux humains. Fonten

On dit proverbialement, que la Musique Dorienne est l’harmonie des avares, c’est-à-dire, qu’ils jouent de la harpe. Math. en la Vie d’Henri IV. Liv. IV. Ce proverbe vient d’une mauvaise allusion au verbe grec ἁρπάζω, qui signifie, prendre, ravir, dérober. A pere avare, enfant prodigue. A femme avare, galant escroc.

Pour exprimer que l’avare ne fait du bien qu’en mourant, on lui a donné pour devise une vipère, avec ce mot italien, N’offende viva, & ne risana morta.

AVARE, OU AVARITE. s. m. Avarus, Avaris. Nation septentrionale, qui n’a été connue que sous le jeune Justin, environ l’an 567 de J. C. Paul Diacre écrit que les Avares furent mis avec les Huns en possession de la Pannonie, par Alboin Roi des Lombards, lorsqu’il quitta ce pays-là pour venir s’établir en Italie. Des Annales de France manuscrites, citées par Baollandus, T. I, p. 716, disent que Thudun, homme puissant parmi les Avares, envoya l’an 795 des Ambassadeurs à Charlemagne, pour l’assûrer que lui & tout son peuple vouloient se donner à lui, & embrasser sous ses auspices la Religion Chrétienne, & que l’année suivante 796, il exécuta sa promesse. Les Annales de Fulde rapportent la même chose des Huns, selon la remarque de Bollandus ; ce qui fait croire que les Avares n’étoient point différens des Huns. en effet Paul Diacre,Liv. II, ch. 10, dit, Hunni qui & Avares ; c’est-à-dire, les Huns qu’on appelle aussi Avares. Dans la vie de S. Eutychius, Patriarche de Constantinople, les Avares, ou Abares, qui ravageoient l’Empire d’Irent au VIe siècle, sont appelés Ἀϐαρίκοι, Avarici. Voy. Abares.

AVAREMENT. adv. D’une manière avare. Avarè. Bertau a dit en une Epitaphe :

Passant, ce triste marbre avarement enterre
Les corps ensevelis de trois proches parens, &c.

Il n’est plus d’usage.

AVARIC. s. m. Avaricum. C’est le nom d’une ancienne ville des Gaules, dans le Berri. M. Catherinot, dans une dissertation intitulée, Le vrai Avaric, montre que l’Avaric des Anciens est Bourges, & non pas Vierzon ; & les preuves qu’il en apport sont si fortes, qu’il est impossible de n’être pas de son sentiment.

AVARICE. s. f. Passion d’amasser des richesses  ; trop grand attachement au bien, ☞ passion sordide & jalouse de posséder sans aucun dessein de faire usage. Avaritia. L’amour propre ayant pour objet les richesses, & les désirant avec une passion excessive, s’appelle avarice. Abad. L’avarice contient en soi tous les vices, comme la justice toutes les vertus. Entre toutes les passions, celle qui est la plus ignorée de ceux qui en sont possédés, c’est l’avarice. L’avarice est un effet de l’amour-propre, qui nous fait envisager toutes sortes d’avantages dans la possession des richesses, & nous les fait désirer ardemment. Bayl. Les avares déguisent leur avarice, sous le nom d’économie. Belle. S. Paul, Eph. v. 5, appelle l’avarice, une idolâtrie : parce que l’avare se fait un Dieu de son argent, & que, comme l’idolâtre, il adore l’or & l’argent, l’un en statue, l’autre en monnoie.

L’ambition, l’amour, l’avarice & la haine,
Tiennent comme unt força son esprit à la chaîne.

Boil.

Sans mentir, l’avarice est une étrange rage.Id.

L’avarice bientôt au teint livide & blême,
Sur son coffre de fer va s’asseoir elle-même ;
Pour ne le point ouvrir il abonde en raisons. Ren.

☞ L’amour des richesses n’est vice que par son excès : corrigé par une sage modération, il redeviendroit une affection innocente. Mais l’avarice dit quelque chose de plus qu’amour des richesses.

☞ AVARICIEUX, EUSE. adj. Avarus. On confond dans l’usage ordinaire les mots d’avare & d’avaricieux. Cependant ils ont leurs nuances. Il semble, dit M. l’Abbé Girard, qu’avare convient mieux lorsqu’il s’agit de l’habitude & de la passion même de l’avarice ; & qu’avaricieux se dit plus proprement, lorsqu’il n’est question que d’un acte ou d’un trait particulier de cette passion. Le premier de ces mots a aussi meilleure grâce dans le sens substantif, c’est-à-dire, pour la dénomination du sujet ; & le second dans le sens adjectif, c’est-à-dire, pour la qualification du sujet. Ainsi l’on dit, c’est un grand avare, c’est un avaricieux mortel. L’avare se refuse toutes choses ; l’avaricieux ne se les donne qu’à demi.

Le terme d’avare paroît avoir plus de force & plus d’énergie pour exprimer la passion sordide & jalouse de posséder sans aucun dessin de faire usage. Celui d’avaricieux paroît avoir plus de rapport à l’aversion mal placée de la dépense lorsqu’il est nécessaire de s’en faire honneur. On n’emploie jamais qu’en mauvaise part, & dans le sens littéral le mot d’avaricieux ; mais on se sert quelquefois de celui d’avare en bonne part dans le sens figuré. Un habile général ne paye point ses espions en homme avaricieux, & conduit ses troupes comme un homme avare su sang du soldat qu’il craint de prodiguer. M. L’Abbé Girard. Syn. Ce mot se prend quelquefois comme substantif. C’est un avaricieux. C’est une avaricieuse. Il est familier. Ac. Fr.

AVARIÉ, ÉE. adj. Il se dit des marchandises & effets qui ont été endommagés dans les vaisseaux marchands, pendant leur voyage, soit par tempête, naufrage échouement, ou autrement. Du café avarié. De la cochenille avariée.

AVARIE. s. f. Terme de Marine. C’est le dommage arrivé à un vaisseau, ou aux marchandises dont il est chargé, depuis le départ, jusqu’au retour. Damnum, jactura, detrimentum. On répute aussi pour avaries, les dépenses extraordinaires & imprévues faites pendant le voyage, soit pour le vaisseau, soit pour les marchandises, soit pour le tout ensemble. Il y a des avaries simples, qui sont les dommages arrivés aux marchandises par leur vice propre ; comme l’empirance, pourriture, dégât, mouillure d’eau, visite, & appréciation, ou pour les fauves, &c. dont la répartition ou contribution se fait au marc la livre entre l’assuré & les assureurs, & seulement sur les choses qui ont souffert le dommage. Les avaries ordinaires, sont les emballages, enfonçages, chariages, droits de celui qui fait ou adresse la cargaison, & le coût de l’assurances. Les autres avaries sont grosses & communes, comme toutes celles qui aviennent par tourmente, ou par la faute du maître du navire, pour pilotage, touage, lamanage, ancrage, & par