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ATH

que deux à deux, en apparioit les combattans au sort. Quand le nombre étoit impair, celui qui n’avoit point d’antagoniste, s’appeloit ἔφεδρος, Ephédre, & on le réservoit pour combattre le vainqueur ; mais s’il y avoit plusieurs couples de combattans, on ne sait point quel étoit le vainqueur que l’Ephédre combattoit : peut-être le tiroit-on au sort ; peut-être étoit-ce celui dont la lettre approchoit le plus de celle qu’avoit amenée l’Ephédre : peut-être aussi les vainqueurs combattoient-ils les uns contre les autres, jusqu’à ce qu’un d’eux restât victorieux, & que c’étoit celui-là qui combattoit contre l’Ephédre.

Après avoir tiré les Athlètes au sort, on les encourageoit par quelque exhortation vive, que leur faisoient les Agonothètes ou les Gymnastes. Cette coutume étoit fort ancienne, & l’on en trouve quelques vestiges dans Homère. Iliad. XXIII. v. 68 t. Après ces exhortations, on donnoit le signal des combats, & les Athlètes entroient en lice. La fraude, l’artifice, la supercherie & la violence outrée, étoient bannies de ces combats ; mais l’adresse, la subtilité, la finesse, l’industrie y étoient permises. On punissoit sévèrement ceux qui contrevenoient aux lois athlétiques. C’étoit l’office des Mastigophores, ou l’orre-verges, qui par ordre des Agonothètes, ou même à la prière du peuple, frappoient de verges les contrevenans. La collusion sur-tout entre les combattans étoit sévèrement réprimée. Dans Homère les combattans invoquent les Dieux avant le combat. On en infère que c’étoit une coutume que le désir de vaincre, plutôt que la loi, avoit introduite.

Les récompenses qui soutenoient les Athlètes dans les travaux pénibles & rebutans auxquels ils s’assujetissoient, étoient d’abord les acclamations dont les spectateurs honoroient leur victoire. C’étoit un signal qui leur annonçoit le prix qu’ils alloient recevoir & les honneurs qui les attendoient. Ces prix ont varié selon les temps & les lieux. Cette diversité de récompenses introduisit chez les Grecs la distinction générale qu’ils faisoient entre les jeux qu’ils nommoient θεματικους, ou ἀργυρίτας ἀγῶνας, & ceux qu’ils appelloient στεφανίτας.

Dans les premiers on proposoit pour prix diverses choses qui pouvoient s’échanger pour de l’argent ; dans les derniers on ne distribuoit que des couronnes. On donnoit des jeux de la première espèce dans plusieurs lieux de la Grèce, au rapport de Pindare, comme à Lacédémone, à Thèbes, à Sicyone, à Argos, à Tégée, &c. Il semble même que les plus anciens jeux dont nous ayons connoissance, aient été de cette espèce. Tels furent ceux qui accompagnèrent les funérailles de Patrocle & d’Anchise dans Homère & dans Virgile. Les prix proposés dans ces jeux consistoient en esclaves, en chevaux, en mulets, en bœufs, en vases d’airain avec leurs trépieds, en coupes d’argent, en vêtemens, en armes, & en argent monnoyé. Il y avoit deux ou trois prix pour chaque exercice, & dans Homère l’on en voit autant que de champions, à l’exception du palet ; de sorte que les Vaincus même avoient leur récompense.

Les jeux où il n’y avoit que des couronnes à gagner, étoient les plus célèbres de la Grèce, & ceux qui acquéroient aux Athlètes le plus de réputation. Aux jeux Olympiques, les vainqueurs remportoient une couronne d’olivier sauvage ; une de pin aux Isthmiques ; une d’ache aux Néméens ; aux Pythiens une de laurier. Mais il y eut en cela des changemens. Muret, Var. Lect. XV. C. 7, soutient qu’aux jeux Olympiques on distribuoit autrefois des couronnes d’or, ce qu’il prouve par Pindare, Olymp. VIII. Str. I, & par Corn. Népos, dans la vie d’Alcibiade. Dans ces mêmes jeux les couronnes destinées aux vainqueurs étoient exposées sur des trépieds de bronze, & même dans la suite sur des tables d’or & d’ivoire, & sur des bassins que l’on gardoit encore du temps de Pausanias dans le tréfor d’Olympie. Et cela se voit aussi sur plusieurs médailles. Aux jeux Isthmiques on passa des couronnes de pin à celles d’ache sec, que l’on quitta pour reprendre les premières. On employa d’abord aux jeux Pythiens les couronnes de chêne, s’il en faut croire Ovide, Met. L. I. v. 448 ; au contraire Lucien ne parle que des fruits consacrés à Apollon. Saint Chrysostome avance qu’aux jeux Olympiques on couronnoit de laurier les Athlètes victorieux ; mais ou il étoit mal instruit, ou il s’est glissé quelque faute dans son texte, comme l’a remarqué Dufaur. Agonist. L. II. C. 22.

C’étoit ordinairement l’Agonothète qui distribuoit les couronnes : un Héraut les mettoit sur la tête des Athlètes victorieux, & cela se faisoit dans l’endroit même où l’on avoit combattu. Quelquefois le vainqueur enlevoit la couronne du lieu où elle étoit suspendue, & s’en couronnoit lui-même. Quelquefois certains Athlètes étonnoient tellement par leur extérieur avantageux, que faute d’antagonistes, ils étoient couronnés sans combattre. En certaines occasions on accordoit cet honneur aux Athlètes même vaincus ou morts dans le combat. Voyez Pausanias, Arcad. C. 40. Philostr. Icon. Liv. II. Icon. 6.

Les couronnes que l’on distribuoit aux Athlètes vainqueurs, étoient accompagnées de palmes qu’ils recevoient & qu’ils portoient de la main droite. C’étoit un second prix qui se donnoit dans tous les jeux de la Grèce ; & l’on voit en effet des palmes sur les médailles qui représentent des jeux. Elles étoient exposées sur la table dont nous avons parlé, dans une espèce d’urne.

Comme un Athlète pouvoit être victorieux plus d’une fois en un seul jour, il pouvoit y remporter aussi plusieurs couronnes & plusieurs palmes. Pausanias, Eliac. L. II. C. 25, fait mention de plusieurs Athlètes qui avoient eu cette gloire.

La distribution des couronnes & des palmes étoit une des principales fonctions des Magistrats préposés aux jeux. A Olympie sur-tout, les Hellanodiques se piquoient d’une incorruptibilité à l’épreuve de tout. Néanmoins quelque déférence que l’on eût pour leur jugement, il arrivoit quelquefois tel incident qui obligeoit les Athlètes d’en appeler au sénat d’Olympie, qui jugeoit souverainement ces sortes d’affaires agonistiques. Voyez Pausanias, Eliac. L. II. C. 3.

Aussi-tôt que l’Athlète victorieux avoit reçu la couronne & la palme, & qu’il s’étoit revêtu d’une robe de fleurs, un Héraut précédé d’un trompette conduisoit le vainqueur dans tout le Stade, & proclamoit à haute voix son nom & son pays. Les spectateurs redoubloient leurs acclamations ; ils jetoient des fleurs au victorieux, & lui faisoient de petits présens pour lui marquer la part qu’ils prenoient à sa victoire, & le gré qu’ils lui savoient du spectacle qu’il venoit de leur donner. Ces présens consistoient en chapeaux, en ceintures ou écharpes, quelquefois en argent, & en toute autre chose : mais ces gratifications n’étoient jamais capables de les enrichir.

Ce premier triomphe étoit suivi de celui qui les attendoit à leur retour dans leur pays. Le vainqueur y étoit reçu aux acclamations de ses compatriotes qui venoient au devant de lui. Revêtu des marques de sa victoire, & monté sur un char à quatre chevaux, il entroit dans la ville, non par la porte, mais par une brèche que l’on faisoit au rempart. On portoit des flambeaux devant lui, & il étoit suivi d’un nombreux cortège qui honoroit sa pompe. Les jeux qui procuroient cet honneur, étoient appelés Isélastiques. Voyez ce mot.

La cérémonie du triomphe Athlétique se terminoit presque toujours par des festins. Il y en avoit de deux sortes ; les uns se faisoient aux dépens du public ; les autres, aux dépens des particuliers. Les premiers étoient en usage à Olympie, où les Athlètes victorieux étoient anciennement traités dans le Prytanée, ou Maison de Ville, tout le reste du temps que duroient les jeux Olympiques. Voyez Pausanias, Eliac. L. I. C. 15. Athénée, Deipsoph. L. VI. C. 8. Les particuliers qui régaloient l’Athlète victorieux, étoient ses amis. Les Athlètes de distinction & qui se piquoient de générosité, régaloient à leur tour non-seulement leurs parens & leurs amis, mais souvent une partie des spectateurs. Alcibiade & Léophron régalèrent même toute l’assemblée.

Un des premiers soins des Athlètes, après leur victoire, étoit de s’acquitter des vœux qu’ils avoient faits aux Dieux pour obtenir la victoire, & qui consistoient