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ARG
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Sicile, par Apollonius, Tzetzès, Servius, par le Scholiaste d’Euripide, & par quelques autres savans écrivains ; mais comme il y a eu plusieurs Argus, il est difficile de savoir lequel a construit ce vaisseau. Quelques-uns ont cru que ce navire a pris son nom du mot Argos, qui signifie vîte, ensorte qu’Argo n’est autre chose qu’un navire léger. Diodore de Sicile & Servius confirment ce sentiment. Quidam, dit Servius, sur la quatrième églogue de Virgile, Argo a celeritate dictam volunt. Et en effet, Homère appelle Κύνας ἀργούς, les chiens qui sont bons coureurs. D’autres ont cru que ce navire tiroit son nom de la ville d’Argos où il a été bati. Il y a une quatrième opinion qui est rapportée par Cicéron dans la première Tusculane, où il cite ces deux vers d’un ancien Poëte latin :

Argo, quia Argivï in ea delecti viri
Vecti, petebant pellent inauratam arietis.

Ce Poëte a voulu dire que ce vaisseau fut ainsi nommé des Argives, c’est-à-dire, des Grecs qui le monterent. Ovide, dans l’épitre de Hypsipyle à Jason, appelle Argo un navire sacré : Sacram conscendis in argo. Peut-être fut-il ainsi appelé, parce que Minerve en avoit donné l’invention, & qu’elle avoit aidé elle-même à le construire. Il se peut faire aussi qu’on l’ait nommé sacré, parce qu’il avoit à la proue une pièce de bois qui parloit & qui rendoit des oracles. Plusieurs anciens Auteurs ont fait mention de cette pièce de bois qui avoit été prise de la forêt sacrée de Dodone. Jason ayant achevé heureusement son entreprise consacra le navire Argo à Neptune en l’isthme de Corinthe ; & enfin ce même navire fut transporté au ciel, & mis au nombre des astres. Pour ce qui est de la forme de ce vaisseau, c’étoit un vaisseau long, semblable à nos galères. Le Scholiaste d’Appollonius a remarqué qu’on disoit que c’étoit le premier navire long qui ait été bâti. Pline a observé la même chose Liv. 7, ch. 56, après Philostephanus, qui assure que Jason fut le premier qui alla sur mer avec un navire long : Longâ nave Jasonem primum navigasse, Philostephanus auctor est. Par un navire long, les Grecs entendent un navire de guerre, & par un vaisseau rond ils entendent un vaisseau marchand, ou navire de charge. Voyez de Meziriac, dans son Commentaire sur l’Epître de Hypsipyle à Jason, où il s’étend fort au long sur le navire des Argonautes. Voyez Navire.

Argo, ou Argos. s. m. Ancienne ville de la Morée. Argos, Argi. Elle est dans la Saconie, sur la Planiza, au couchant de Napoli de Romani, au midi de Corinthe. Quand on parle de l’antiquité, par exemple, quand on traduit Homère, il faut toujours dire Argos. Agamemnon étoit Roi d’Argos, & non d’Argo. Pour les temps modernes, l’un & l’autre sont bons. Voyez Argos.

ARGOLIDE. s. f. Argolis. Pays & royaume du Péloponnèse, qui avoit l’Arcadie au couchant, la mer Ægée au levant, les états de Sparte au midi, & dont la capitale étoit Argos, de laquelle il tiroit son nom.

ARGOLIQUE. adj. Argolicus. Qui est de l’Argolide.

ARGON. s. m. Terme usité dans la chasse des oiseaux. C’est un bâton ou morceau de bois plié en arc, qui fait la moitié d’un cercle, servant à prendre des oiseaux.

ARGONAUTES. s. m. Nom des 52 ou 54 Héros qui s’embarquèrent dans le navire Argo avec Jason, pour aller à Colchos y conquérir la Toison d’or. Hercule, Thésée, Castor, Orphée, &c. étoient du nombre des Argonautes. Rudbecks, au ch. 26 de son Atlantica, dit, que les Argonautes retournèrent de Colchide en Grèce par l’Océan, & qu’ils rentrèrent par le détroit de Gibraltar dans la Méditerranée, & firent ainsi tout le tour de l’Europe ; car il suppose qu’après avoir remonté le Tanaïs autant qu’il leur fut possible, ils traînèrent par terre leur vaisseau dans une rivière voisine qui les porta dans l’Océan septentrional. Il fonde cette supposition sur le témoignage de Diodore de Sicile, & sur celui d’Orphée. D’autres ont dit qu’ils remontèrent le Danube, & qu’ils portèrent leur vaisseau jusqu’à la mer Adriatique. D’autres enfin, sans aucune apparence, cherchent en Afrique le chemin qu’ils firent par terre.

☞ L’histoire de la Toison d’or, dit Voltaire, est bien moins fabuleuse, & moins frivole qu’on ne le pense. C’est de toutes les époques de l’ancienne Grèce, la plus brillante & la plus constatée. Il s’agissoit d’ouvrir un commerce de la Grèce aux extrémités de la mer noire. Ce commerce consistoit principalement en fourrures, & c’est de-là qu’est venue la fable de la toison. Le voyage des Argonautes servit à faire connoitre aux Grecs le ciel & la terre.

☞ C’étoit la coutume de tous les Grecs, & presque de tous les peuples, de tourner toute l’histoire en fables ; la poësie seule célébroit les grands événemens ; on vouloit les orner, & on les défiguroit. L’expédition des Argonautes fut chantée en vers ; & quoiqu’elle méritât d’être célébrée par le fond qui étoit très-vrai & très-utile, elle ne fut connue que par des mensonges poëtiques.

Argonautes de S. Nicolas. Ordre militaire institué par Charles III, Roi de Naples, vers la fin du XVe siècle, sous le pontificat d’Urbain VI, & dont S. Nicolas est le patron. On ne sait pas précisement l’année où il fut établi. Le collier des chevaliers étoit formé de coquilles enfermées dans des croissans d’argent ; de ce collier pendoit la figure d’un navire avec cette devise, Non credo tempori ; c’est-à-dire, Je ne me fie point au temps. C’est à cause de ce collier, qu’on appelle ces chevaliers les Argonautes de S. Nicolas & des Coquilles. On les appelle aussi les Argonautes de Naples. ils reçurent la règle de S. Basile de l’Archevêque de Naples, & prirent l’église de S. Nicolas leur patron pour tenir leurs assemblées. Joseph de Michiéli met aussi des Argonautes en France, mais qu’il appelle néamoins Argonautes de Naples, & dont l’origine n’est point différente de celle que nous venons d’expliquer. C’est que les Princes François dépouillés du royaume de Naples se porterent néanmoins toujours pour Rois & pour Grands Maîtres des Odres de Naples, & continuerent à faire des chevaliers. L’habit de cérémonie de l’Ordre étoit de soie blanche en forme de grande cape, sur laquelle se mettoit le collier. Voyez Pandulphe Colonducio dans son Histoire de Naples, Joseph Michiéli dans son Tesoro militar, le P. André Mendo, de Ordin. militar. Caramuel, Théolog. Regolare. P. IX. Bernardo Justiniani, Histori dell’ origine de Cavallieri, C. 50.

ARGONNE. Petit pays de France, partie en Champagne, & partie dans le Barrois. Argona. Les lieux remarquables de l’Argonne sont Sainte Ménehoud capitale, Clermont, Beaumont, Villefranche, Varennes, Grand-Pré, Montfaucon & Bricul.

ARGOS. s. m. Argos. Ville du Péloponnèse, capitale de l’Argolide, qui étoit à-peu-près ce qu’est aujourd’hui la Romanie dans la Morée. Le royaume d’Argos, ou des Argiens, commença 1116 ans avant Jésus-Christ, & dura 554 ans. Mor. Dans la suite Argos devint république. Sparte florissante par les loix de Licurgue, devint rivale d’Argos ; & nous voyons une guerre implacable entre Argos & Sparte, même du temps de Philippe. Cette ville retient encore aujourd’hui son nom, & s’appelle Argo : sa longitude est 48d, 50’ ; sa latitude 38d, 18’. Voyez Argo. Il y a encore eu deux villes de ce nom, une en Thessalie, appelée aujourd’hui Armiro, sous le 48d, 44’. de longitude, & 40d, 20’. de latitude. L’autre dans l’Epire, nommée autrement Amphilochie. Amphilochium.

ARGOT. Voyez Ergot.

Argot. s. m. En termes de Jardinage, est le bois qui est au dessus de l’œil, & qui n’étant point recouvert par sa pousse, meurt & est inutile. Lignum succo destitutum. Argot, c’est l’extrémité d’une branche morte. La Quint. Liger. Les véritables règles de la taille veulent qu’on retranche jusqu’au vif tous les argots qui paroissent sur un arbre. Oter l’argot, c’est retrancher cette extrémité morte jusqu’au vif. La Quint. On donne ce nom à ces petits morceaux de bois qui paroissent sur un arbre, par ressemblance aux argots des coqs. Liger.