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ARG

métaux, qui est fort blanc, le plus dur & le plus précieux après l’or. Argentum. L’argent au sortir des mines s’affine avec le mercure, ou le vif-argent. M. Homberg, dans l’Hist. de l’Acad. des Sciences, an. 1709, dit, que le métal parfait n’est que du mercure très-pur, dont les petites boules ont été percées peu à peu de toutes parts par la matière de la lumière ; que les trous qu’elle y a faits, sont entièrement pleins de cette matière ; que ces pertuis sont si menus, que la matière de la lumière qui s’y est introduite, y est restée attachée par son gluten naturel ; que les extrémités des pertuis d’une petite boule de mercure, touchant les extrémités de plusieurs autres boules de mercure, les attachent ensemble par la partie de la lumière qui se trouve aux extrémités des pertuis, qui se touchent immédiatement. Il conclut de-là, que l’or & l’argent ne différent que par le plus ou le moins des parties de la matière de la lumière, qui a pénétré plus ou moins profondément, & en plus grande ou plus petite quantité, les parties du mercure ; d’où il s’ensuit que l’argent peut, avec le temps, devenir or. Ce qu’il confirme par des expériences sur l’argent, dont il a tiré de l’or ; & parce que dans les mines il se trouve quelquefois un or pâle, qui par quelques fontes se perfectionne & vient en couleur. Ce systeme n’a pas fait fortune. On a remarqué qu’on a tiré de l’argent des terres qui avoient été jetées à quartier, lorsqu’on avoit fait les ouvertures, & les puits des mines, & qu’il s’y en étoit formé de nouveau depuis ce temps-là. ☞ Les plus fameux Chimistes assurent que l’argent est composé de mercure, de soufre & de sel. Ils assurent encore qu’il y a beaucoup moins de particules salines, & beaucoup plus de pores dans l’argent que dans l’or ; aussi ces deux métaux différent-ils spécifiquement entr’eux. Il y a de l’argent monnoyé, & non monnoyé. L’argent fin est au titre de 12 deniers, chacun de 24 grains ; chaque grain se divise en demi, en quarts, & en huitièmes, &c.

Les Orfévres, par l’Ordonnance, ne peuvent travailler d’argent qu’au titre d’onze deniers, douze grains ; & en ouvrages moulés, ils ont quatre grains de remède pour marc. Cet argent ainsi travaillé s’appelle Argent le Roi, qui est de 12 grains, ou d’une maille, ou obole moindre que l’argent fin, qui est à 12 deniers. Argent le Roi ou du Roi, parce que nos Rois n’ayant aucune mine d’or ni d’argent en France, ont accordé quelque profit aux étrangers qui en apporteroient, en leur payant l’argent qui étoit à onze deniers 12 grains, comme s’il eût été à 12 deniers ; ce qui se voit par un extrait du registre de la Chambre des Comptes coté, Noster, fol. 20 s. Argent le Roi, est & doit être à une maille d’argent fin. Car argent fin est à 12 den. d’aloy, & l’argent le Roi, à 11 den. obole. Et si l’en dit telle monnoie est à 8 den. d’argent le Roi, si prend l’en l’argent le Roi à 12 den. & le fin à 12 den. obole, & vaut chacun denier 24 grains & 12 grains obole ou maille ; ainsi ont porté chacun denier d’aloy d’argent fin, un grain en argent le Roi. Si comme qui diroit, cette monnoie est à 4 den. d’argent fin, c’est-à dire, qu’il est à 4 den. 4 grains d’argent le Roi, & ainsi des autres. Boizard. Les gros tournois de Saint Louis étoient à 12 deniers d’argent le Roi.

Argent trait, est de l’argent passé par la filière, dont on fait des cordons d’argent. Argentum ductile. Argent mat, est celui qui n’est pas poli, ou bruni. Argentum rasile, impolitum. Il y a aussi argent filé. Argentum ductum in stamina. Argent tissu, textile, textum. Argent en feuille. In tenues ductum laminas, Bracteas, Bracteolas. Argent battu. Malleatum. Argent en masse ou en billon. Infectum. Argent en coquille pour peindre ou argenter. Mollitum, dilutum, liquatum. Argent mis en pâte, par l’eau de départ, pour argenter, &c. Maceratum. Argent bas, c’est celui qui n’est pas au titre requis. Justo defectum pondere.

Argent de coupelle, c’est l’argent le plus fin qui a passé par la coupelle, ou l’examen du feu, & qui est ordinairement en grenaille. Argentum purgatum, ustulatum. On éprouve l’argent à la languette, avant que de le contremarquer du poinçon de la ville. Cette épreuve se fait par le feu sur un morceau de l’ouvrage qu’on y laisse exprès, qui est hors d’œuvre.

Argent en bain, c’est en termes de Monnoie de l’argent entièrement fondu dans le creuset. Et de l’argent en pâte, c’est quand il est prêt à fondre dans le creuset.

Argent faux, c’est du cuivre rouge argenté & tiré à la filière. Boizard, Traité des Monnoies, P. I. 28, décrit la manière dont on le tire.

l’Argent en coquille, est fait des rognures des feuilles, ou des feuilles mêmes d’argent battu. On s’en sert à peindre & à argenter quelques ouvrages.

Argent fin fumé, c’est de l’argent fin, soit trait, soit filé, soit battu & escaché, que l’on met long temps prendre couleur à la fumée, afin de le vendre pour de l’argent fin doré.

Argent tenant or. Quand l’or est au-dessous de dix-sept karats, & qu’il est allié sur le blanc, il perd son nom & sa qualité d’or, & n’est plus qu’argent tenant or.

Argent de cendrée. C’est cette poudre d’argent qui se trouve attachée aux plaques de cuivre qu’on a mises dans l’eau forte, qui a servi à l’affinage de l’or, après qu’elle a été mêlée d’une certaine portion d’eau de fontaine. L’argent de cendrée est estimé à douze deniers, qui est le titre de l’argent le plus fin.

Argent de permission. On nomme ainsi dans la plûpart des villes des Pays-Bas François ou Autrichiens, ce qu’on nomme ailleurs Argent de change. Cet argent est différent de l’argent courant ; & les cent florins de permission, y valent cent huit florins & un tiers courans.

Argent, se dit de toute sorte de monnoie d’or, d’argent, ou de quelque métal que ce soit, servant au trafic & à faire des payemens. Acad. Fr. Pecunia, nummi. On a payé cette terre argent comptant. Les Banquiers ont tout leur bien en argent, & à intérêt. On est comptable quand on a manié l’argent du Roi ; pour dire, les revenus de l’Etat. Cette dot a été payée argent bas, ou argent sec, c’est-à-dire, argent comptant, & en bonne monnoie. On dit aussi de tous les meubles & effets qui ne portent point de profit ni de revenu, que c’est de l’argent mort. On appelle Argent mignon, un argent de réserve, & que l’on peut employer comme l’on veut, en dépenses superflues, sans toucher à son argent ordinaire. Acad. Fr. Autrefois chacun gardoit son argent en masse, & ne le faisoit convertir en monnoie que selon le besoin : c’est pourquoi jusqu’au règne de Philippe le Bel, rien n’est plus fréquent que les amendes de livres ou de marcs d’or ou d’argent.

On appelle plus particulièrement argent, ou argent blanc, la monnoie qui est faite effectivement d’argent. Il a fait ce payement tout en argent, il n’y avoit que des écus blancs. La monnoie d’argent a été en usage dès les premiers temps parmi les Hébreux, comme il paroît par la Genèse, XXIII, 15, 16, &c. Elle l’étoit dans le même temps en Egypte & dans la terre de Chanaan. C’est Lysandre qui l’introduisit à Sparte vers la 9e Olympiade, & l’an de Rome 330. On n’en frappa à Rome que 5 ans avant la première guerre Punique, l’an 585 de Rome.

Argent, s’emploie aussi quelquefois pour signifier l’intérêt & le bien des particuliers, & en général tout ce en quoi consistent les biens & les richesses des hommes. Il y a des gens à qui l’argent tient lieu de tout : c’est leur idole. La plûpart des femmes aiment encore plus l’argent que leurs amans. L’argent est un bon serviteur, & un méchant maître. Pensées ingénieuses des Anciens & Modernes, in-12, 1707. p. 143. Ce mot de Bacon, Grand Chancelier d’Angleterre, & un des plus grands génies de son siècle, si tant est qu’il soit de lui, est excellent. M. De la Monnoie, tom. 4 de son édition du Ménagiana, p. 151.

Horace a dit, Liv. I. Ep. 10. v. 47 & 48.

Imperat aut servit collecta pecunia cuique ;
Tortum digna sequi potiùs quàm ducere funem.

N’est-ce point ce qui a donné lieu à cette belle Sentence ? ou n’a-t-on point appliqué à l’argent ce qui a été dit de Caligula, Nec servum meliorem ullum, nec