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ARA

Aujourd’hui nous n’appelons souvent Aquitaine que la Guyenne de la Gascogne, cependant par rapport aux provinces ecclésiastiques, nous retenons encore l’ancienne division. Tout ce qui est compris entre l’Océan, la Loire, & le Rhône, ou la Lyonnaise & les Pyrénées, est l’Aquitaine en général. C’est en ce sens que l’Archevêque de Bourges prétend être Primat d’Aquitaine. Cette Aquitaine se divise en trois, comme nous avons marqué ci-dessus.

Pline dit que l’Aquitaine s’appela d’abord Armorique, c’est-à-dire, Maritime, selon César, Liv. VII, ch. 14. L’Auteur de la vie de S. Eloi, dans Surius, Tom. VI, Dec. I l’appelle de même, & dit que Limoges est dans les contrées Armoricaines. Un Moine anonyme, qui écrivoit la vie de Saint Basole au commencement du Xe siècle, l’appelle encore ainsi. C’est son nom Celtique ou Gaulois. Les Romains lui donnerent celui d’Aquitaine de Aqua, qui signifie de l’eau, à cause des caves, fontaines, rivières & ruisseaux, dont il y a grande quantité, selon le jugement de maître Jean le Maire en ses Illustrations, où il s’aide de Berose, qui n’est Auteur approuvé de tous. Ce sont les paroles de Jean Bouchet dans ses Annales d’Aquitaine, où il dit que c’est Galatéus XI, Roi des Gaules qui lui donna ce nom. D’autres écrivent qu’elle l’eut à cause de la grande quantité d’eaux salutaires & minérales, dont elle est pleine. Peut-être que les Romains, en lui donnant ce nom, ne firent que traduire en leur langue le nom Armorique qu’elle portoit auparavant, & en firent un dans leur langue qui y répondît. Du mot Aquitaine s’est fait par corruption Quitaine, Quiaine, Guiaine, & enfin Guienne. Jules César, dans ses Comment. au commencement du premier Liv. & à la fin du 4e. Méla, Liv. III, ch. 2. Plin. Liv. IV, ch. 17. Strabon, Liv. IV. Papire Masson, le P. Monet, De Marca, Hist. de Béarn. Louvet, His. d’Aquitaine, M. de Tillemont, Emp. Tom. I, p. 59. écrivent de l’Aquitaine. Jean Bouchet de Poitiers a fait aussi au XVIe siècle les Annales d’Aquitaine ; mais avec peu de critique. Antoine Dadin, dans ses cinq Livres de l’Aquitaine, est savant, judicieux, critique : Il mérite fort d’être lu, Rerum Aquitanicarum, Libri V. Auctore Ant. Dadino Altaserra. Tolosæ, in-4o. 1648. Il y a une Histoire sacrée d’Aquitaine par le P. Bajole Jés. une Dissertation latine de M. de la Brousse, Conseiller au Parlement de Bordeaux, sur la Primatie d’Aquitaine, qu’il prétend appartenir à l’Archevêque de Bordeaux ; & une de M. Catherinot, qui soutient le droit de l’Archevêque de Bourges.

☞ L’Aquitaine donne son nom à un grand Prieuré de l’Ordre de Malte qui vaut environ 23000 liv. de rente.

ARA.

AR. Voyez Aroer.

Le Cap d’ARA. C’est le cap le plus méridional de l’Arabie Heureuse. Aræ promontorium, autrefois Promontorium Neptunium. Il se forme avec la côte d’Ajan en Afrique, à l’entrée du golfe de la mer rouge.

Ara. Ville de Médie, que S. Jérôme dit être la même que Ragès. Hara. Samson l’a confondue avec Charan, ou Carres dans la Mésopotamie. S’il eût sçu l’hébreu, il eût vu que ces noms sont fort différens dans cette langue.

ARAB. Ville de la Terre-Sainte. Arab. Elle étoit dans la Tribu de Juda, au midi, ou du côté de l’Idumée.

ARABA. Ville de Perse. Araba. Elle est dans le Sigistan, entre la ville de ce nom & celle de Candahar. On la prend pour l’ancienne Ariaste, capitale de la Drangiane, que quelques-uns mettent à Gobinam dans la même province.

ARABE. s. m. & f. Arabs. Peuple originaire d’Asie, entre l’Egypte, la Chaldée, la Syrie & la Palestine. Les Arabes se disent fils d’Ismaël. Il y a bien de l’apparence qu’en effet les premiers Arabes sont les Ismaëlites ; mais que dans la suite ceux-ci s’étant étendus & s’étant mêlés avec tous leurs voisins, ou les ayant soumis, tous furent appelés du nom commun Arabes, & que des Amalécites, des Madianites, des Ammonites, des Sabéens, &c. il ne se fit qu’un peuple qu’on nomma Arabe.

Les Arabes ont été fort connus autrefois sous le nom de Sarrasins. Aujourd’hui on ne les appelle plus ainsi. Les Arabes ont de l’esprit, & sont propres aux sciences spéculatives & abstraites. Les Arabes ont introduit dans la philosophie l’excessive subtilité qu’on y remarque : ils nous ont conservé les ouvrages de quelques Auteurs Grecs, qu’ils avoient traduits en leur langue, & c’est par eux que les Chrétiens les ont eus. Les Arabes se sont répandus dans les trois parties de l’ancien monde : ils ont fait la conquête de cette partie d’Afrique qu’on appelle Barbarie ; ils se sont établis en Espagne, & en ont possédé une grande partie pendant plusieurs siècles. Les Arabes parlent une langue qui est formée de la langue hébraïque ; elle est belle & abondante. Le Pere Ange de S. Joseph dit qu’elle est si féconde, qu’il y a mille noms pour signifier une épée, quatre-vingts pour le miel, cinq cens pour le lion, & deux cens pour le serpent. ☞ Cette prétendue abondance de la langue est une vraie superfluité. Qu’importe d’avoir plusieurs termes pour exprimer la même idée. Cela est plus propre à fatiguer la mémoire, qu’à enrichir & faciliter l’art de la parole. Il seroit bien plus avantageux d’avoir des termes pour toutes les idées qu’on a à exprimer.

Quelques-uns prétendent que ce nom vient de ערב, Arab, mot hébreu, & que ces peuples ont été ainsi appelés, des campagnes incultes & désertes qu’ils habitoient ; car ערבה, araba, en hébreu, signifie une campagne inculte & déserte. D’autres le dérivent du même mot hébreu ערב, arab, qui dans une autre signification se prend pour mêler, confondre ; parce que les Arabes sont un mélange de différentes nations, comme on l’a dit ci-dessus. D’autres le dérivent de ערב, arab, être obscur, être noir ; d’où vient que le soir & la nuit sont appelés ערב, ereb, c’est-à-dire, noirs, ténébreux ; & le corbeau dont le plumage est tout noir, עורב, oreb. Les Arabes ont donc été ainsi nommés, disent-ils, parce qu’ils sont noirs, ou basanés, hâlés : c’est pour cela qu’Homère les appelle Ἐρεμϐους, comme s’il disoit ἠρεμνους, ou ἐρεϐεννους. La Cerda prétend qu’Arabe signifie Voleur, & qu’on a donné ce nom à ces peuples à cause de leurs brigandages, comme on a appelé les Chananéens de ce nom, qui signifie Marchand ; & les Chaldéens, Chaldéens ; c’est-à-dire, Astrologues, parce que les uns & les autres exerçoient ces arts. Mais La Cerda se trompe, & prend la signification dérivée pour la primitive.

Les Arabes ont été savans en Médecine & en Mathématique.

Il paroît par les médailles que les Grecs ne soumirent point les Arabes. Les Rois Arabes non-seulement battent monnoie à leur coin, mais ils y prennent la qualité d’amis, ou d’alliés des Grecs. Dans le cabinet du Roi, ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΡΕΤΑ ΦΙΛΗΛΛΗΝΟΣ. Et dans celui de M. Foucault, ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΡΕΤΟΥ ΦΙΛΗΛΛΗΝΟΣ. Il paroît encore par-là, & par S. Paul, 2, Cor. XI, 32, que le nom d’Arétas leur étoit bien ordinaire, comme celui de Ptolomée en Egypte.

On appelle le chiffre arabe, celui dont on se sert pour les grandes supputations, par opposition au chiffre romain, dont on se sert dans les comptes. Le commun des Savans croient que les Sarrasins nous ont communiqué ces notes, & qu’elles viennent originairement des Arabes. Le Moine est de ce sentiment dans le second Tome de ses Varia sacra. Scaliger étoit si persuadé de la nouveauté de ces chiffres, qu’il crut qu’un célèbre médaillon d’argent de Marquart Freher, sur lequel on le consulta, avoit été frappé depuis peu, dès qu’il eut appris qu’on y voyoit ces figures numérales 234, 235. On croit que Planude, qui vivoit sur la fin du XIIIe siècle, est le premier des Chrétiens qui se soit servi du chiffre Arabe. M. Huet croit que ces chiffres ne nous viennent point des Arabes, mais des Grecs, & que ce sont des lettres grecques, dont, comme l’on sait, les Grecs se servoient pour marquer les nombres. Voyez ses Dissertations, tome II, p. 372. Un autre Auteur prétend que ce sont les notes de

Tiron.