Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/442

Cette page a été validée par deux contributeurs.
418
APO

Ce mot vient de la préposition, ἀπὸ, & de θεός, Deus.

Hérodien, au commencement du livre 4 de son histoire, parlant de l’apothéose de Sévère, a fait une description exacte & fort curieuse des cérémonies qui s’observoient dans les apothéoses des Empereurs. Après que le corps du défunt a été brûlé avec les solemnités ordinaires, on met dans le vestibule du palais, sur un grand lit d’ivoire couvert de drap d’or, une image de cire qui le représente parfaitement, ayant néanmoins un visage de malade. Pendant presque tout le jour le Sénat se tient rangé & assis au côté gauche du lit avec des robes de deuil. Les Dames de la première qualité sont au côté droit, ayant des robes blanches toutes simples & sans ornemens. Cela dure sept jours de suite, pendant lesquels les Médecins s’approchant de temps en temps du lit pour considérer ce malade, trouvent toujours qu’il baisse jusqu’à ce qu’enfin ils publient qu’il est mort. Alors de jeunes Chevaliers Romains & de jeunes Seigneurs du premier rang chargent sur leurs épaules ce lit de parade, & passant par la rue sacrée, ils le portent au vieux marché, où les Magistrats ont coutume de se démettre de leurs charges, & là il est placé entre deux espèces d’amphitéâtres, dans l’un desquels sont de jeunes Gentils’hommes, & dans l’autre de jeunes Dames des meilleures maisons de Rome, chantant des hymnes en l’honneur du mort, composées sur des airs lugubres. Ces hymnes étant achevées, on porte le lit hors de la ville au champ de Mars. Au milieu de cette place est dressée une forme de pavillon carré qui est tout de bois : le dedans est rempli de matières combustibles, & au dehors il est revêtu de drap d’or, & orné de figures d’ivoire & de diverses peintures. Au-dessus de cet édifice il y en a plusieurs autres élevés, qui sont semblables au premier, tant pour la forme que pour la décoration, si ce n’est qu’ils sont plus petits & qu’ils vont toujours en diminuant. On place le lit de parade dans le second de ces édifices, qui a les portes ouvertes, & on jette tout à l’entour une grande quantité d’aromates, de parfums, de fruits & d’herbes odoriférantes. Après quoi les Chevaliers font autour du catafalque une certaine cavalcade à pas mesurés. Plusieurs chariots tournent aussi à l’entour. Ceux qui les conduisent sont aussi revêtus de robes de pourpre, & portent des représentations ou images des plus grands Capitaines Romains, & des plus illustres Empereurs. Cette cérémonie étant achevée, le nouvel Empereur s’approche du catafalque avec une torche à la main, & en même temps on y met le feu de tous côtés, en sorte que les aromates & les autres matières combustibles prennent feu tout d’un coup ; on lâche aussi-tôt du faîte de cet édifice un aigle, qui s’en volant dans l’air avec la flamme, va porter au ciel l’ame de l’Empereur, comme les Romains le croient. Et dès-lors il est mis au nombre des Dieux. C’est de-là que les médailles qui représentent des apothéoses ont le plus souvent un autel, sur lequel il y a du feu, ou bien un aigle qui prend son essor pour s’élever en l’air ; quelquefois il y a deux aigles. Le mot est toujours Consecratio. Quelquefois l’Empereur est assis sur l’aigle, qui l’enleve dans le ciel. Donat, De urbe Roma, III, 4, décrit une pierre antique qui représente l’apothéose de Tite. Il y a dans le trésor de la Sainte Chapelle de Paris une très-belle agathe orientale d’une grandeur extraordinaire, qui représente l’apothéose d’Auguste, selon quelques-uns, & selon d’autres, de Commode, Voyez Consécration.

Apothéose, se dit aussi de la réception fabuleuse des anciens héros parmi les Dieux. L’apothéose d’Hercule, d’Enée, &c.

☞ Faire l’apothéose de quelqu’un, signifie figurément lui donner les plus grands éloges. Bougainville.

APOTHÉOSER. v. a. Déifier, mettre au nombre des Dieux, déclarer Dieu. In Divos referre, Deum declarare. Quintillus se fit ouvrir les veines, & fut apothéosé par Aurélien, qui aima mieux lui accorder le nom de Dieu, que celui d’Empereur. Fleury, Hist. Eccl. Liv. IV. Toutes les parties de notre terre, de même que ses diverses productions, ont été apothéosées, chacune en leur particulier. M. Beneton de Perrin, p. 464 du Merc. de Mars 1735. Ce mot est en italique.

APOTHÈSE. s. f. C’est dans Hippocrate l’action de placer convenablement un membre rompu, & auquel les bandages sont appliqués ; c’est l’action de lui donner la situation dans laquelle il faut qu’il demeure.

D’ἀποτίθημι, placer.

APOTHICAIRE. Quelques-uns écrivent, Apothiquaire : souvent on ôte le h, & l’on écrit Apoticaire, ou Apotiquaire. Apothicaire est le mieux. s. m. Qui exerce cette partie de la Médecine qui consiste en la préparation des remédes. Qui fait & qui vend les remédes ordonnés par les Médecins. Medicamentarius ; Pharmacopola, Apothecarius. Voyez au mot Pharmacopole les différentes significations du mot latin Pharmacopola. De Rochefort définit les Apothicaires, les Cuisiniers des Médecins. Nicolas Langius a fait un grand volume contre les Apothicaires, sur le peu de connoissance qu’ils ont des simples, sur la facilité qu’ils ont à se laisser tromper par les marchands étrangers, qui leur fournissent des drogues sophistiquées ; sur ce qu’ils donnent une drogue pour une autre, une vieille qui a perdu ses forces, pour une nouvellement venue du Levant. Deroch. A Paris le corps des Maîtres Apothicaires est joint à celui des Epiciers & Droguistes, & on recevoit autrefois parmi les Apothicaires des Epiciers qui faisoient l’une & l’autre profession.

☞ Encore aujourd’hui les marchands Epiciers de Paris composent avec les Apothicaires le second des six corps des Marchands : mais les Epiciers n’ont droit de débiter que les drogues simples, & les quatre grandes compositions galéniques qui sont réputées marchandises foraines.

Apothicaire charitable. C’est celui qui donne ses remédes par charité. C’est aussi un livre qui traite des remèdes, & qui a été fait particulièrement en vue des pauvres.

Au reste il ne faut se servir de ces sortes de livres qu’avec précaution : comme le commun du peuple n’est pas en état de connoître les maladies auxquelles ces remèdes conviennent, il pourroit n’en pas faire une juste application.

Aspirant Apothicaire. C’est celui qui veut être Apothicaire, & se fait apprenti. Avant que les Aspirans Apothicaires puissent être obligés chez aucun maître de cet art, pour apprentis, ils doivent être, selon les statuts, amenés & présentés au bureau par-devant les Gardes, pour connoître s’ils ont étudiés en Grammaire, & s’ils sont capables d’apprendre la Pharmacie. Après que l’aspirant aura achevé ses quatre ans d’apprentissage, & servi les maîtres pendant six ans, il doit en rapporter le brevet & les certificats. Il sera présenté au bureau par un conducteur, & subira un examen pendant trois heures, par les Gardes, & neuf autres maîtres que les Gardes auront choisis & nommés. Il subit encore un second examen, appelé l’Acte des herbes, & ensuite les Gardes lui donnent à faire un chef-d’œuvre de cinq compositions. Voyez dans le Traité de la Police de M. de la Mare, Liv. IV, tit. 10 les réglemens pour les Apothicaires, & l’apothicairerie.

Ce mot vient du grec ἀποθήϰη, qui signifie, Boutique. On trouve Boticario dans les Loix Palatines de Jacques II, Roi de Majorque, publiées en 1344. Bartolin se plaint qu’il y a trop d’Apothicaires en Dannemarck ; quoiqu’il n’y en ait que trois à Copenhague, & quatre seulement en tout le reste du royaume, encore faut-il qu’ils fassent quelque autre trafic pour vivre : ce qui montre qu’on se pourroit bien passer d’Apothicaires. On en a compté 1300 dans Londres. Il y a dans des états de la maison du Roi un Apothicaire distillateur distingué des Apothicaires.

Apothicaire, se dit proverbialement en ces phrases : des parties d’Apothicaire, sont des mémoires de frais, ou de fournitures, sur lesquels il y a beaucoup à rabattre. On appelle aussi un Apothicaire sans sucre, un pauvre Apothicaire dont la boutique est mal fournie ; & figurément tout autre homme ou marchand qui n’a