inutilités, médisances, & souvent calomnies. La plume est plus circonspecte ; & par conséquent les lettres sont autant préférables à tous ces ana, que ce qui est pensé l’est à ce qui est jeté au hazard & sans réflexion.
Ana, Ἀνὰ, préposition grecque fort en usage dans les ordonnances des Médecins. On en a donné l’explication sous la lettre Α, où je renvoie le Lecteur. Les Enthousiastes se servent encore du mot ana pour signifier esprit ; & Castelli nous append que c’est le nom d’une certaine idole.
☞ Ana, ou Anah. Ville d’Asie, dans un lieu fort agréable, sur les bords de l’Euphrate. C’est le rendez-vous de tous les brigands qui rendent ce pays si dangereux.
ANAB. Ancienne ville de la Terre promise. Anab. Au temps de S. Jérôme ce n’étoit plus qu’un bourg. Il la place sur les confins d’Eleuthéropolis ; Adrichomius l’en éloigne de huit lieues au midi. Anab étoit sur une montagne.
ANABAPTISME. s. m. Anabaptismus. Hérésie, ou secte des Anabaptistes. L’Anabaptisme s’est insensiblement glissé dans toute l’Allemagne, hormis dans l’Autriche, & dans les Etats de Bavière. Il s’est répandu dans la Bohême, en Saxe, dans les villes Anséatiques, dans les Etats de Brunswick, en Danemarck, en Hollande, en Angleterre & en Ecosse. Jovet. Luther approuva l’exposition de foi des Freres de Bohème, à l’exception de l’articule de l’Eucharistie, & de celui de l’Anabaptisme. Dupin.
Anabaptiste. s. m. Anabaptista. C’est un nom qu’on a donné à certains hérétiques qui prétendent qu’on ne doit pas baptiser les enfans avant l’âge de raison, ou qu’à cet âge il faut les rebaptiser, parce qu’ils soutiennent qu’il faut être en état de rendre raison de sa foi, pour recevoir validement le baptême. Ce mot vient du grec ἀνὰ, qui signifie denuò, une seconde fois, & qui dans la composition des mots signifie réitération ; & de Βαπτίζω, je baptise, verbe dérivé de Βάπτω, mergo, je plonge dans l’eau.
Il y a eu des Anabaptistes dans la primitive Eglise, c’est-à-dire, des Hérétiques qui baptisoient une seconde fois. Tels étoient les Novatiens, les Cataphryges, les Donatistes. Il y eut même au troisième siècle des Prélats Catholiques en Asie & en Afrique, qui prétendirent, que le baptême des Hérétiques n’étoit pas valide, & qu’il falloit rebaptiser ceux d’entr’eux qui se convertissoient. Ceux de Cilicie, de Cappadoce, de Galatie, & de quelques provinces voisines, dans un Concile qu’ils tinrent à Icone, ayant à leur tête Firmilien, & ceux d’Afrique, dans deux Conciles de Carthage, où présida S. Cyprien, le déclarerent ainsi ; mais le Pape Etienne I s’opposa à cette erreur, & elle n’eut pas de suite. Ces anciens Rebaptisans ne sont pas communément appelés Anabaptistes. Au XIIe siècle les Pétrobusiens, les Vaudois, les Albigeois, erroient aussi dans ce point, comme il paroît par S. Bernard, Ep. 24. & Serm. 66. sur le Cantique, & par les écrits du vénérable Pierre. Mais ceux qu’on appelle proprement Anabaptistes, sont une secte de Protestans du XVIe siècle, ainsi nommés pour la raison que l’on a dite.
Cette secte a fait beaucoup de bruit & de ravages en Allemagne dans le XVIe, sur-tout en Westphalie. Ils soutiennent qu’on ne doit point baptiser les petits enfans : qu’il n’est point permis de jurer, ni de porter les armes ; qu’un vrai Chrétien ne peut être Magistrat, &c. On ne sait pas bien quel est l’Auteur des Anabaptistes. Quoique Luther se soit fort déclaré contre ces fanatiques, il est cependant certain que quel que soit leur Chef, il est sorti de son école, & que lui-même y a donné occasion, soit en assurant qu’il faut une foi actuelle pour le baptême, soit en écrivant, dit-on, aux Vaudois, qu’il vaut mieux ne pas conférer le baptême, que de le donner aux enfans. Quelques Auteurs en accusent Carlostad, & d’autres Zuingle. Cochlæus dit que c’est Balthazar Pacimontanus qui commença à l’enseigner en 1527, disant l’avoir puisée dans les ouvrages de Luther : dans la suite il fut brûlé à Vienne en Autriche. Mezorius dit que ce fut Pelargus l’an 1522, & qu’il eut pour compagnons Bodestein, Carlostad, Melanchthon, Westenberg, Quiccou, Didyme, More, &c. Enfin, ou en fait plus communément les Auteurs Thomas Muncer de Zwickau, ville de Misnie, & Nicolas Storch de Stalberg en Saxe, tous deux disciples de Luther, dont ils se séparerent, parce qu’ils ne trouvoient pas sa doctrine assez parfaite. S’ils ne sont pas les inventeurs de cette pernicieuse doctrine, c’est eux au moins qui ont commencé, & qui ont le plus contribué à l’établir, & à la répandre dans le monde.
Sleidan parle de la faction des Anabaptistes en plusieurs endroits de ses Commentaires historiques. Luther avoit si fort prêché la liberté évangélique, que les paysans de Suève & des environs s’attrouperent, & se liguerent contre les puissances ecclésiastiques, sous prétexte de défendre la doctrine évangélique, & de secouer le joug de leur servitude : Obductâ causâ quosi & Evangelii doctrinam tueri, & servitutem ab se profligare vellent. Voyez Sleidan à la fin de son IVe Liv. Il ne fut pas possible d’arrêter leur fureur par d’autre voie, que par celle des armes. Ils opposoient à Luther sa propre doctrine : ils disoient qu’ayant été faits libres par le sang de Jesus-Christ, c’étoit une chose indigne du nom Chrétien, qu’on les eût regardés jusqu’alors comme des serfs : Quòd huc usque sint habiti velut conditione servi. Le même Sleidan, dans son Liv. Ve, rapporte les exhortations que Luther faisoit aux Anabaptistes, pour leur faire mettre les armes bas ; mais toutes ses prédications furent inutiles. Ils publioient par-tout qu’ils n’avoient pris les armes, que parce qu’ils s’y croyoient obligés par un commandement de Dieu. Cet Hérésiarque voyant que ses longues harangues étoient inutiles, publia un Livre, où il convioit tout le monde à prendre les armes contre ces scélérats, qui abusoient ainsi de la parole de Dieu. Il fut obligé d’en écrire un second pour justifier sa conduite, qui paroissoit cruelle à bien des gens.
Ces Anabaptistes étant au nombre de quarante mille, désoloient tous les lieux par où ils passoient. Muncer, qui étoit leur chef, prétendit que Luther n’avoit encore fait que la moitié du chemin pour ce qui étoit de la réformation, & qu’il falloit joindre les révélations divines à l’Ecriture Sainte : Ex revelationibus divinis judicandum esse dicebat, & ex Bibliis, Muncerus. Consultez Sleidan au commencement de son Liv. Ve. En effet, ces Enthousiastes ne croient pas que le seul texte de l’Ecriture suffise pour établir la vérité de la religion Chrétienne, ils ont recours aux révélations.
Cet Historien fait encore mieux connoître au commencement du Xe Livre de ses Commentaires historiques, les excès où les Anabaptistes porterent cette liberté évangélique, qui avoit été prêchée par Luther. Jean de Leyde, fameux fanatique qui se déclara leur Roi, ne marchoit point en public qu’il ne fût accompagné d’un certain nombre de grands Officiers, deux jeunes gens à cheval marchoient immédiatement après lui, dont l’un, qui étoit à la droite, portoit la couronne, & l’autre portoit une épée toute nue. Mais les Anabaptistes d’aujourd’hui, quoiqu’ils soient Fanatiques & Illuminés, sont fort éloignés de ces excès de fureur où étoient leurs premiers maîtres, qui vouloient établir sur la terre le nouveau regne de J. C. par la force des armes ; ils condamnent au contraire les guerres qui sont entre les Chrétiens, & ils ne souffrent point qu’aucun parmi eux porte les armes.
Calvin a écrit contre les Anabaptistes un ouvrage qui se trouve parmi ses opuscules. On y voit qu’il est fort embarrassé à leur répondre sur le baptême des enfans, qu’ils rejettent comme s’il eût été contraire à ces paroles de Jesus-Christ, au ch. 16. de S. Matth. v. 16. Celui qui croira, & sera baptisé, sera sauvé. Comme il n’y a que les adultes qui soient capables de croire, les Anabaptistes inféroient de-là qu’on ne devoit point baptiser les enfans, puisqu’on ne lit aucun passage dans tout le nouveau Testament pour appuyer clairement leur baptême. Calvin, & même tous les autres Protestans, se trouvent fort embarrassés à répondre à cet argument des Anabaptistes. Ils sont obligés de recourir à la tradition avec les Catholiques. Et en effet on voit que le baptême des enfans étoit en usage dès les