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AIR

reau est favorable à quelqu’un, pour marquer que ce qui paroît du sentiment des Juges, fait croire qu’il gagnera son procès. On dit au contraire que l’air du bureau n’est pas pour lui ; pour dire, que les avis paroissent être contre lui.

Air, signifie aussi la façon d’être, de se tenir, de marcher, de parler, d’agir, & généralement tout ce qui concerne le maintien, la contenance, la mine, le port & toutes les façons de faire. Oris corporisque habitus. On dit en ce sens, marcher, parler, se tenir, s’habiller, se mettre de bon air, de mauvais air, d’un air ridicule. Avoir l’air noble, grand, spirituel, l’air guerrier, d’un homme de Cour. L’air Bourgeois, Provincial. L’air triste, sérieux, refrogné. L’air hautain, méprisant. Il faut à celui qui regne un air d’empire & d’autorité. La Bruy. D’où vous vient aujourd’hui cet air sombre & sévère ? Boil.

Air, manières, dans une signification synonyme. L’air, dit M. L’Abbé Girard, semble être né avec nous, il frappe à la première vue. Les manières viennent de l’éducation ; elles se développent successivement dans le commerce de la vie. Il y a un bon air à toutes choses qui est nécessaire pour plaire. Ce sont les belles manières qui distinguent l’honnête-homme.

l’Air, dit quelque chose de plus fin ; il prévient. Les manières disent quelque chose de plus solide ; elles engagent. Tel qui déplaît d’abord par son air, plaît ensuite par ses manières.

☞ On se donne un air. On affecte des manières. Les airs de grandeur que nous nous donnons, ne servent qu’à faire remarquer notre petitesse, dont on ne s’appercevroit peut-être pas sans cela. Les mêmes manières qui siéent quand elles sont naturelles, rendent ridicules quand elles sont affectées.

☞ On dit composer son air, étudier ses manières. Pour être bon courtisan, il faut savoir composer son air selon les différentes occurrences, & si bien étudier ses manières, qu’elles ne découvrent rien des véritables sentimens.

Air dans la signification d’apparence. On dit un air de grandeur, de noblesse, de simplicité. Il y a dans cette maison un air de magnificence qui étonne tout le monde.

☞ On dit, qu’un homme a bien l’air de faire une chose, ou de ne pas la faire ; pour dire, qu’on juge qu’il la fera ou qu’il ne la fera pas. Acad. Fr.

☞ Avoir l’air à la danse, pour dire, avoir de la disposition pour donner bonne grâce. On le dit aussi figurément & familièrement, pour avoir l’air vif, éveillé, de la disposition à réussir à ce qu’on fait. Acad. Fr.

☞ On dit d’un homme, qu’il se donne des airs ; pour dire qu’il affecte des manières qui le rendent ridicule. Efferre arroganter, superbè.

☞ On dit aussi se donner des airs importans, des airs d’un homme à bonne fortune. Mais il y a de bons Ecrivains qui condamnent toutes ces façons de parler si ordinaires. Ils veulent qu’on dise simplement affecter des manières ridicules ; faire l’homme important ; faire l’homme à bonne fortune ; & c’est le plus sur.

☞ Borel dit que le mot air autrefois signifioit aussi colère, & il cite ce vers du Roman de Perceval.

Si fiert & fiert par grand air.

Et ailleurs,

Si va le Chevalier férir
Sur son escu de grand air.

Air, se dit aussi de tout ce que l’on donne aux choses, de la manière dont on les tourne, du caractère qui les distingue. Ratio dicendi, loquendi, scribendi. Ce second écrit est d’un air tout différent du premier. Il y a des gens qui gâtent les choses par le mauvais air qu’ils leur donnent. Les Fables de Phédre ont un air de simplicité, qui cache un sens fort juste & fort noble. M. Scud.

Air, signifie encore une certaine vraisemblance qui résulte de toute la personne, & particulièrement des traits du visage. Oris habitus, forma. On dit que deux hommes ont bien l’air l’un de l’autre ; qu’un enfant à beaucoup de l’air de son pere. Ore, vultu refert patrum. On voit les traits de son visage dans ce portrait, mais l’air n’y est pas. Il y a des peintres qui, quelque habiles qu’ils soient, ont bien de la peine à attraper cet air qui distingue un visage d’un autre. Bouh.

☞ En Peinture, en Sculpture, on dit un air de tête, des airs de tête ; pour désigner, l’attitude, la manière dont une tête est dessinée. De grands, de beau, de vilains airs de tête. Ce Peintre a de beaux airs de tête. Exceller dans les airs de tête, varier ses airs de tête.

☞ On dit encore l’air d’un tableau, pour exprimer, que la couleur de tous les corps est diminuée selon les divers degrés d’éloignement. Cette diminution s’appelle la Perspective Aerienne. Il y a de l’air dans ce tableau.

Air, en terme de Musique. C’est proprement le chant qu’on adapte aux paroles d’une chanson, ou d’une petite pièce de Poësie, propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Cantilena, canticum. En général, on appelle air tout morceau de Musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divisé entre deux parties, l’air s’appelle duo ; entre trois, trio. ☞ Rousseau de Genève. Faire un air sur des paroles, des paroles sur un air. Air de violon, air gai, triste. Air à boire.

Air. Terme de Manége, signifie proprement les allures d’un cheval. On dit qu’un cheval a tous les airs, pour dire, qu’on le manie comme on veut : mais on entend ordinairement par-là le mouvement des jambes d’un cheval avec une cadence & une liberté naturelle qui le fait manier avec adresse. Scitus equi motus, incessus. On dit qu’un cheval prend l’air des courbettes, qu’il se présente bien à l’air des cabrioles ; pour dire, qu’il a de la disposition à ces sortes d’airs. Les courbettes & les airs mettent parfaitement bien un cheval dans la main, le rendent léger du devant, le mettent sur les hanches. Ces airs le font arrêter sur les hanches, le font aller par sauts, & l’assurent dans la main. Newc.

On dit, qu’un cheval a les airs relevés ; pour dire, qu’il s’éleve plus haut qu’au terre-à-terre, & qu’il manie à courbette, à croupades, à ballotades, à cabrioles.

Air, terme de Liturgie. On appelle air dans l’Eglise grecque, le voile qui couvre le calice, & le disque, ou la patène. On appelle ce voile air, dit S. Germain de Constantinople, parce qu’il couvre ce qui est offert sur l’autel, comme l’air entoure la terre de tous côtés.

Air, est aussi une partie du sciade, qui étoit un ornement de tête des Empereurs Grecs. L’air est la partie du sciade qui avance en pointe par devant.

Air, en Mythologie. Les Grecs adoroient l’air, tantôt sous le nom de Jupiter, tantôt sous celui de Junon. Jupiter présidoit à la partie supérieure, & Junon à la partie inférieure de l’atmosphère.

AIRAIN. s. m. Cuivre, métal rouge, qu’on mêle quelquefois avec de la calamine pour le rendre jaune, & dont on fait du bronze, de la fonte, du laiton, &c. Il sert à faire des ustensiles de ménage, des cloches, des canons, &c. Æs. Le vitriol se trouve dans les mines d’airain.

Comme l’airain a été en usage avant le fer, les armes dans les premiers temps étoient d’airain, auquel, comme Tzetzès l’a remarqué, on donnoit une certaine trempe qui le rendoit fort tranchant. Hésiode, au Liv. I des Œuvres, dit clairement, que les armes & les outils étoient alors faits d’airain ; parce que le fer n’étoit point encore en usage.

On confond souvent le cuivre avec l’airain, il faut cependant les distinguer. En Poësie le mot d’airain est plus noble que celui de cuivre. Il y a beaucoup de mi-