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AIG

oiseaux. Entre les aigles qu’on nourrissoit dans le palais de Montézume Roi de Méxique, il y en avoit un si grand, qu’il mangeoit un mouton à chaque repas. On dit que l’aigle meurt quelquefois de faim, parce que la partie supérieure de son bec étant recourbée par la pointe, & croissant avec l’âge, elle se courbe si fort en dessous, qu’elle ferme la partie inférieure, ensorte qu’elle ne peut plus s’ouvrir, ni prendre la nourriture.

On donnoit chez les Grecs le nom d’Aigle à de certains toits de maison qui étoient faits en forme d’aigle. Nous ouvrirons vos maisons en forme d’aigle, dit Aristophane dans sa Comédie intitulée, des Oiseaux. Voyez le Dictionnaire d’Harpocration, sur le mot ἀετός, qui signifie Aigle.

Aigle-Faucon, est un aigle qui prend les oiseaux de proie,

Aigle-d’Orinoque. Gros oiseau de proie qui passe souvent de la terre-ferme aux Antilles. Les premiers habitans de Tabago l’ont ainsi nommé, à cause qu’il a la grosseur & la figure d’un aigle, & qu’il se voit communément dans la partie méridionale de l’Amérique, qui est arrosée de la rivière d’Orinoque. Tout son plumage est d’un gris clair, marqueté de taches noires ; excepté les extrémités de ses ailes & de sa queue qui sont bordées de jaune. Il a les yeux vifs & perçans, les ailes fort longues, le vol roide. Il se repaît d’autres oiseaux. Il n’attaque jamais ceux qui sont plus foibles & sans défense. Il ne se rue point sur son gibier tandis qu’il est à terre, ou sur un arbre ; il attend qu’il ait pris l’essor, pour le combattre en l’air. Lonvillers.

Aristote & Pline distinguent six espèces d’aigles, auxquelles ils ont donné divers noms grecs selon la différence de leur plumage : comme l’aigle royal est appelé γνήσιος par Aristote, & ἀστηρίας à cause de la couleur rousse & comme dorée de ses plumes, dont les taches rousses représentent des étoiles. L’aigle noirâtre, qui est le plus petit de tous & le plus vigoureux. Valeria. L’aigle à la queue blanche. Pygargus. L’aigle de moyenne grandeur, qui a la queue grande & demeure auprès des étangs. Morphnus, L’aigle de mer, ou orfraie, qui éprouve ses aiglons aux rayons du soleil. Haliæetus. L’aigle barbu, qui est une espèce d’ossifrage. Ossifraga.

Aigle, en termes de Blason & de devise, est féminin. C’est le symbole de la royauté, selon Philostrate, parce que c’est le roi des oiseaux. L’Empereur la porte dans ses armes. On la représente quelquefois avec une tête, quelquefois avec deux, & en ce cas on l’appelle aigle éployée, quoiqu’elle n’ait jamais qu’un corps, deux jambes, & deux ailes ouvertes, & étendues, montrant entièrement l’estomac. Celle de l’Empire est de cette sorte. Il y en a de couronnées, d’autres membrées & becquées d’un émail différent de celui du corps ; & même il y en a de monstrueuses, qui ont des têtes humaines, & de loup. Les premiers qui se trouvent avoir porté l’aigle dans leurs enseignes, sont les Persans, selon le témoignage de Xénophon. Les Romains, après avoir porté diverses autres enseignes, s’arrêterent enfin à l’aigle, la seconde année du consulat de Marius. Avant lui ils portoient indifféremment des loups, des léopards & des aigles, selon qu’il plaisoit au Général. On dit que ce fut Constantin qui fut auteur de l’aigle à deux têtes, pour montrer que l’Empire, quoiqu’il semblât divisé, n’étoit néanmoins qu’un corps. D’autres disent que ce fut Charles-Martel qui remit les aigles Romaines dans les étendards de l’Empire, & qui y ajouta en même temps une seconde tête. Cependant cette opinion est détruite par une aigle à deux têtes, que Lipse a observée dans la colonne Antonine, & parce que postérieurement on ne voit qu’une seule tête dans le sceau de la bulle d’Or faite du temps de Charles IV, Empereur. De sorte qu’il y a plus d’apparence à la conjecture du Pere Menestrier, qui dit que de même que les Empereurs d’Orient, quand il y en avoit deux sur le trône, marquoient leurs monnoies d’une croix à double traverse, que chacun d’eux tenait d’une main, comme étant le sceptre des Chrétiens ; aussi firent-ils la même chose de l’aigle dans leurs armoiries ; & au lieu de doubler leurs écussons & leurs aigles, ils les joignirent, & y représenterent deux têtes. Ce que les Empereurs d’Occident ont suivi quelque temps après. Un Poëte Italien a dit à cette occasion, qu’on avoit fait de l’aigle de l’Empereur, un oiseau bien carnassier, en lui donnant deux têtes & deux becs, pour le rendre plus redoutable. Le P. Papebroch, dans le V Tome du mois de Mai, p. 218, dit qu’il voudroit voir la conjecture du P. Ménestrier prouvée par d’anciennes monnoies ; que sans cela il doutera si l’usage de l’aigle à deux têtes n’a point été purement arbitraire, comme celui de la croix à double traverse ; qu’au reste il penche beaucoup à croire que cet usage de l’aigle à deux têtes s’est introduit à l’occasion de deux Empereurs qui auront été en même temps sur le trône. Il ajoute, que depuis l’aigle à deux têtes de la colonne d’Antonin, on n’en trouve plus jusqu’au quatorzième siècle sous Jean Paléologue. Voyez-en la figure dans l’édition de Géorg. Codinus faite à Paris. Voyez aussi Lipse, Analecta ad utilit. Roman. L. III. Dial. 2.

Ce mot signifie donc quelquefois l’enseigne des légions des anciens Romains. Ils virent briller les aigles & les enseignes des légions. Ablanc. Quelquefois il signifie les armées Romaines. C’est votre sagesse seule qui a donné de la terreur à l’aigle Romaine. Patr. Et quelquefois même les enseignes de l’Empereur d’aujourd’hui, & les troupes de l’Empire. Au reste, bien d’autres nations que les Romains ont eu des aigles pour enseignes. Nous dirons tout-à-l’heure, que selon le sentiment de quelques Savans, les Romains ont pris cette coutume de Jupiter de Crete. D’autres disent que c’est des Toscans, ou des Epirotes. On conjecture aussi que Ganyméde fut enlevé par un navire nommé l’aigle, parce qu’il en portoit la figure, ou par des troupes Phrygiennes, dont les étendards étoient des aigles ; & que c’est-là ce qui a donné lieu à la fable du rapt de Ganymède par une aigle. Ces aigles Romaines n’étoient point des aigles peintes sur des drapeaux. C’étoient des aigles d’argent ou d’or, au haut d’une pique. Elles avoient les ailes étendues, & tenoient quelquefois un foudre dans leurs serres. Voyez l’histoire de Dion au L. IX. Au-dessous de l’aigle on attachoit à la pique des boucliers ; on y mettoit quelquefois des couronnes. Tout cela se voit encore très-distinctement sur plusieurs médailles. Feschius traite de tout cela dans sa Dissertation, de Insignibus, des Enseignes, & Juste-Lipse dans son Traité de la Milice Romaine. Liv. IV. Dial. 5.

En tous ces sens, le mot d’Aigle est toujours féminin.

Aigle, signifie aussi l’Empire d’Allemagne, & l’Allemagne même. L’aigle commence à triompher du croissant. En ce sens le mot d’aigle est masculin. Déjà prenoit l’essor pour se sauver dans les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avoit d’abord effrayé nos provinces. Flech. Rendre à l’aigle éperdu sa première vigueur. Boil.

Ce mot se prend aussi figurément pour un esprit grand, élevé, pénétrant. En ce sens il est masculin. C’est un aigle dont je ne puis suivre le vol. Peliss. On compare S. Jean l’Evangéliste à un aigle, à cause de la manière haute & sublime, dont il commence son Evangile.

☞ On s’en sert aussi dans un sens relatif, pour marquer la supériorité d’un homme sur un autre. Cet homme-là est un aigle en comparaison de celui dont vous parlez.

☞ On dit qu’un homme a des yeux d’aigle, pour signifier au propre qu’il a des yeux vifs & perçans : au figuré, qu’il a une grande pénétration d’esprit.

☞ On dit proverbialement crier comme un aigle, crier d’une voix aiguë & perçante.

Aigle, en Astronomie, est l’une des 21 constellations septentrionales. L’aile droite de l’aigle touche la ligne équinoxiale ; son aile gauche est voisine de la tête du serpent. Son bec est séparé du reste du corps par le cercle qui va du Cancer au Capricorne. Il se leve avec le Capricorne, & se couche lorsque le Lion se leve. La fable dit que l’aigle a été mis au nombre des astres, parce qu’il portoit à Jupiter le nectar, pendant