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ACT

Poëme Dramatique séparée d’une autre par un intermède. Ainsi dans l’intervalle des Actes, le Théâtre demeure vide & sans action, qui se passe aux yeux des spectateurs ; car on suppose toujours qu’il s’en passe une hors de leur vue. Ce n’est pas seulement pour les délasser qu’on pratique ces intervalles ; c’est encore pour ménager la vraisemblance, & rendre par-là l’intrigue plus intéressante : car le spectateur qui a vu préparer l’action qui se doit passer dans l’intervalle, s’efforce de jouer dans son esprit le rôle des acteurs absens ; de sorte qu’il est surpris plus agréablement, quand un nouvel Acte venant à commencer, il voit les effets de cette action qu’il n’a fait que deviner, & dont il n’a pû prévoir les suites que confusément ; ainsi son attention & sa curiosité sont réveillées par la suspension & l’incertitude, d’une toute autre manière, que, si voyant toutes choses arriver, il concevoit l’intrigue trop aisément.

Les Actes sont partagés en plusieurs scènes, qui doivent être liées les unes aux autres. Les anciens Poëtes Grecs n’ont point connu ce partage des pièces Dramatiques en actes. Leurs épisodes, ou les chants du Chœur, étoient presque la même chose. Les Latins ont les premiers inventé cette division que les Modernes ont imitée. C’est la pratique constante de tous les Anciens, qui ont divisé leurs pièces en cinq actes, pour leur donner une juste grandeur. Neve minor, neu fit quinto productior actu. Hor. Le partage en trois actes n’est supportable que dans les farces, mais la règle des cinq actes est inviolable pour faire un Poëme Dramatique parfait & achevé. Dac. Ce jugement de M. Dacier, fondé sur le témoignage d’Horace, tout décisif qu’il paroît, n’est pas sans appel ; & il ne seroit pas impossible de montrer par les principes d’Aristote même, qui nous a donné les règles du Théâtre, qu’une pièce Dramatique de trois actes est fort supportable. ☞ M. de Voltaire a franchi le préjugé, en nous donnant la mort de César, en trois actes. Un Poëte ne feroit-il pas mieux en effet de mettre sa pièce en trois, quatre ou six actes, que de filer des actes inutiles ou trop longs, embarrassés d’épisodes, surchargés d’incidens, pour s’assujettir à une règle arbitraire ?

Au Collége on appelle aussi actes, les Thèses qu’on soutient en public, pour acquérir quelque degré dans les Facultés, ou pour faire paroître la capacité d’un écolier. Je suis prié d’aller à l’Acte d’un tel écolier, il m’a apporté une Thèse. Ce Bachelier a fait tous ses Actes en Sorbonne. L’Acte des herbes ; c’est ainsi que l’on appelle dans les Statuts des Apothicaires de Paris le second examen que subissent les Aspirans Apothicaires.

Acte de Foi. Jour de cérémonie de l’Inquisition pour la punition des Hérétiques, ou pour l’absolution des accusés. Dies damnandis aut absolvendis hæreticis dictus, destinatus. On choisit d’ordinaire pour l’exécution un jour solennel, afin que la chose se passe avec plus d’éclat. On conduit tous les coupables à l’Eglise. Là on lit leur Sentence d’absolution, ou de condamnation. Les condamnés à mort sont livrés au Juge séculier par l’Inquisition ; & elle prie que tout se passe sans effusion de sang. S’ils perséverent dans leurs erreurs, ils sont brûlés vifs. Cette solennité s’appelle Acte de Foi. Auto da Fé.

Acte ou Acta. Ce mot, dit Moreri, est proprement un nom Grec appellatif, qui signifie rivage ; mais il se prend par excellence pour un pays délicieux sur le bord de la mer Egée, près du Mont Athos, où l’on alloit souvent se divertir. La même raison qui fit donner à ce rivage le nom commun d’acté par excellence, fit aussi que ce beau pays de la Grèce, fut appelé Acta ou Acté, parce qu’il s’étend fort le long de la mer, jusqu’au promontoire sunium. Du mot Acté, on fit celui d’attique.

☞ ACTEA. Herbe dont Pline fait mention, & que Ray prend pour l’aconitum racemosum.

☞ ACTÉE ou ACTEIUS. l’un des six démons envieux & malins, que les Grecs appellent Telchines, qui ensorcelent les hommes de leurs regards, & qui, selon la fabuleuse antiquité, ont coutume d’arroser la terre de l’eau infernale du styx : & de-là naissent la peste, la famine, & les autres calamités publiques. Moreri qui cite Strabon.

ACTÉON. s. m. C’est le nom d’un grand Chasseur, petit-fils de Cadmus, & fils d’Aristée & d’Autonoé. Etant à la chasse dans le territoire de Mégare, il surprit Diane dans le bain, & l’ayant contemplée pendant qu’elle étoit toute nue, il en devint épris, & selon Hygin, il la voulut violer. La Déesse le métamorphosa en Cerf, & ses chiens l’ayant méconnu sous ce déguisement, le déchirèrent en morceaux, & le dévorèrent. Les Orchoniens lui faisoient tous les ans des sacrifices par ordre d’Apollon.

Actéon. s. m. C’est le nom d’un des chevaux qui conduisoient le char du Soleil dans la chute de Phaëton, selon Fulgence le Mythologue. Actéon signifie lumineux : d’ἀϰτίν, ίνος, rayon du Soleil. Ovide le nomme Æton.

☞ ACTEUR, ACTRICE. s. m. & f. Ce mot signifie proprement celui ou celle qui agit : mais dans ce sens il n’est point usité.

Ces termes sont ordinairement employés chez nous comme synonymes de Comédien & Comédienne, & désignent celui ou celle qui représente sur le Théâtre quelque personnage d’une pièce Dramatique. Actor, Femina personam agens in scena. Comme la Tragédie dans son origine ne consistoit qu’en un simple Chœur ; qui chantoit des Hymnes à l’honneur de Bacchus, Thespis pensa le premier à introduire un personnage qui, pour délasser le Chœur, récitoit les aventures de quelque homme illustre. Eschyle trouvant que ce seul personnage étoit ennuyeux, comprit qu’un second Acteur qui s’entretiendroit avec le premier, occuperoit plus agréablement l’auditeur par le moyen du dialogue. Il habilla plus honnêtement ses Acteurs, qui avant lui, étoient barbouillés de lie, & leur chaussa le cothurne. Sophocle, qui s’apperçut que les deux Acteurs d’Eschyle ne suffisoient pas pour la variété des incidens, ajouta un troisième interlocuteur. Les Grecs en demeurèrent là ; au moins dans les Tragédies Grecques il n’y a presque jamais que trois Acteurs, qui parlent ensemble dans une même scène. Dans les Comédies on se donnoit plus de liberté. Les Modernes ont fait monter sur la scène un plus grand nombre d’Acteurs. Cela augmente le trouble qui y doit régner, & fait une diversité plus intéressante. Dac. Un bon Acteur doit exprimer par sa contenance, & par ses gestes, le caractère qu’il veut représenter. Il ne suffit pas de réciter les paroles, il faut que l’Acteur paroisse animé de toutes les passions du personnage qu’il joue, autrement il est un froid & ennuyeux Acteur. Horace parle d’un Acteur qui jouoit le second rôle, en imitant le premier Acteur, & qui se rabaissoit exprès pour servir de lustre à l’Acteur principal. On ne sait pas trop aujourd’hui de quelle manière jouoient ces seconds Acteurs. Ce mot ne se prend pas en mauvaise part, comme Comédien, à moins que l’épithète qu’on y ajoute, ne détermine autrement le sens.

Quoi ! toujours misérable Auteur,
Et toujours ridicule Acteur,
D’une méchante Comédie
Tu divertiras les passans ?

Acteur, se prend aussi figurément, pour désigner celui qui a part à quelque entreprise, dans l’exécution ou dans la conduite de quelque affaire. On dit, en parlant d’un homme qui a conduit une intrigue : il a été le principal Acteur en cette affaire. On le dit aussi dans des parties de jeu ou de plaisir. Il nous manque un Acteur ; Dans ce dernier exemple il n’est que du style familier.

ACTIAQUE. adj. Actiacus. On appeloit ainsi certains Jeux qu’on célébroit à Rome en l’honneur d’Apollon, surnommé Actien. Ils revenoient de cinq ans en cinq ans, comme les Jeux Olympiques ainsi que l’a remarqué Strabon, & non pas de trois ans en trois ans, comme dit Etienne de Bysance, & quelques autres après lui. Strabon est d’autant plus croyable, qu’il vivoit du temps d’Auguste qui rétablit les Jeux Actiaques, ainsi que le Temple d’Apollon Actien, qu’il rendit plus magnifique qu’il n’étoit. On les nomma Actiaques, parce qu’ils le célébroient près de la ville & du promontoire d’Actium. Quelques Auteurs ont cru, & Virgile semble l’insinuer, qu’Auguste est le fondateur de ces Jeux, en