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PRÉFACE.

comme deux espèces différentes de Dictionnaires. Celui de l’Académie Françoise est de la première espèce, & ceux de Richelet, de Furetière, &c. sont de la seconde.

Il faut sans doute déférer, parmi les Dictionnaires François, le premier rang à celui de l’Académie Françoise. Il y regne par-tout une sagesse & une économie dignes des grands Maîtres qui y ont travaillé. Mais un Dictionnaire universel doit être un Code de Grammaire, de Littérature, de Belles-Lettres, de Rhétorique, de Poétique, de Médecine, d’Anatomie, de Philosophie, de Physique, d’Astronomie, de Botanique, &c. un Code enfin des Arts & des Sciences. Celui de l’Académie, suivant le plan qu’on s’y est proposé, se renferme uniquement dans ce qui concerne la Langue : on s’y est borné aux termes de l’usage ordinaire ; peu de détails sur les synonymes, & l’on n’y trouve point la plupart des termes propres aux Sciences, aux Arts, aux Métiers, ni ceux que l’usage n’admet plus, & qu’il est pourtant nécessaire d’entendre pour l’intelligence des Auteurs anciens : parceque les définitions y sont précises ; elles laissent à désirer à bien des personnes des explications plus étendues, & une connoissance plus détaillée des circonstances : en un mot, il n’a pour objet que de fixer & de déterminer l’usage & les divers sens des expressions qui doivent entrer dans le langage ordinaire ou dans la composition. Ce fut même pour suppléer à son insuffisance, ainsi qu’à celle des Dictionnaires de Furetière & de Richelet, qui rouloient alors avec celui de l’Académie, qu’au commencement de ce siècle une Société savante conçut le projet du Dictionnaire dont on donne une nouvelle Edition.

Le Furetière & le Richelet ne sont pas sans mérite ; mais on sait que ce qu’il y a de bon dans le premier, est tiré du Dictionnaire de l’Académie. La partie dont Furetière se faisoit plus d’honneur, étoit celle des Arts & des Sciences, & c’étoit précisément celle qui valoit le moins, parcequ’on manquoit alors des secours qui nous sont venus depuis. Le Richelet, dans son origine, n’avoit guère plus d’étendue que le Dictionnaire de l’Académie ; & l’on convient assez que la plupart des augmentations ne l’ont pas rendu beaucoup plus instructif, ni plus intéressant. Ces deux Ouvrages sont appréciés depuis long-temps, & nous ne reviendrons point sur les jugemens qu’on en a portés : mais il en est deux bien plus récens que le Dictionnaire de Trévoux, dont les rapports avec ce dernier, ne prouvent que mieux combien il est encore utile, &, on l’ose dire, nécessaire.

Le Dictionnaire Encyclopédique embrassant toute la chaîne des connoissances humaines, la Langue Françoise y est entrée comme instrument de ces connoissances. Dans la plupart des articles qui concernent cette Langue, on reconnoît les habiles mains dont ils sont l’ouvrage : il y a peut-être autant ou plus de philosophie que de notions grammaticales. Mais ceux qui présidoient à cette Collection, particulièrement occupés des articles les plus importans de l’Ouvrage, ont souvent négligé ceux qu’ils regardoient comme moins essentiels. Delà plusieurs termes usuels sur lesquels on passe fort légérement ; d’autres qu’on n’envisage que sous certains rapports ; d’autres enfin totalement oubliés, ou abandonnés.

Le Grand Vocabulaire François, dont il y a déjà 18 Volumes imprimés, venant après tous les autres, devroit être le plus complet en tous points : mais, tout volumineux qu’il est, tout y est maigre, sec & décharné. L’Auteur se contente souvent de donner une idée générale d’un mot, en le définissant par un autre mot avec lequel il a quelque affinité, sans indiquer l’idée propre, individuelle, qui non-seulement distingue, mais encore qui particularise l’un & l’autre. Or il doit nécessairement résulter d’images si vagues, un défaut de justesse & de précision. On y trouve presque par-tout les définitions toutes sèches du Dictionnaire de l’Académie, pour les termes usuels, & celles du Dictionnaire Encyclopédique, pour les termes techniques. De plus, pour remplir toute l’idée d’un Vocabulaire au-