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vos ſentiments, qu’il a oſé penſer, & s’eſt même perſuadé que par un retour de gratitude pour les injures & outrages qu’il vous a récemment offert, il vous engagerait, vous nos dignes Concitoyens, à prendre les armes pour devenir des inſtruments en ſes mains, pour l’aider à nous ravir cette liberté dont ſa perfidie vous a privée, ce qui vous rendrait ridicules & déteſtables à tout l’univers.

Le réſultat inévitable d’une telle entrepriſe, ſuppoſé qu’elle réuſsît, ſerait l’anéantiſſement total des eſpérances que vous pourriez avoir, que vous ou votre poſtérité fuſſent jamais rétablis dans votre liberté : car à moins que d’être entièrement privé du ſens commun, il n’eſt pas poſſible de s’imaginer qu’après que vous auriez été employés dans un ſervice ſi honteux ils vous traitaſſent avec moins de rigueur que nous qui tenons à eux par les liens du ſang.

Qu’aurait dit votre compatriote l’immortel Monteſquieu, au ſujet du plan de Gouvernement que l’ont vient de former pour vous ? Ecoutez ſes paroles avec cette attention recueillie que requiert l’importance du ſujet. « Dans un état libre, [1] tout homme qui eſt ſenſé avoir une ame libre, doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eût la puiſſance légiſlative ; mais comme cela eſt impoſſible dans les grands états, & eſt ſujet à beaucoup d’inconvénients dans les petits, il faut que le peuple faſſe, par ſes repréſentans, tout ce qu’il ne peut faire par lui-même. » — « La liberté politique dans un Citoyen eſt cette

  1. De l’Eſprit des Loix. Liv. XI. Ch. VI.