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Quel bonheur me disais-je, si M. Pinch pouvait ressembler à cet étranger !

— Quoi ! vraiment ? dit Tom avec infiniment de plaisir. Parlez-vous sérieusement ?

— Oui, sur l’honneur, répondit sa nouvelle connaissance. Vous et moi, nous nous conviendrons parfaitement, je crois ; et ce n’est pas pour moi une mince satisfaction : car, s’il faut vous avouer la vérité, je ne suis pas du tout de ceux qui vont avec tout le monde, et c’est bien ce qui me donnait de grandes inquiétudes. Mais à présent les voilà entièrement dissipées. Voulez-vous me faire le plaisir de sonner ? »

M. Pinch se leva avec le plus grand empressement pour lui rendre ce petit service ; le cordon de la sonnette pendait au-dessus de la tête de Martin, qui se chauffait pendant ce temps-là en lui disant d’un air souriant :

« Si vous aimez le punch, vous me permettrez d’en commander pour chacun de nous un verre aussi brûlant que possible, ce qui nous servira d’entrée en matière pour resserrer notre nouvelle intimité d’une manière convenable. Je ne vous cacherai pas, monsieur Pinch, que jamais de ma vie je n’eus plus besoin de quelque chose de chaud et de stomachique : mais je ne voulais pas m’exposer à me voir surpris buvant du punch par l’inconnu que je venais chercher ici, sans savoir qui vous étiez ; car, vous ne l’ignorez pas, les premières impressions viennent vite et durent longtemps. »

M. Pinch donna son assentiment et le punch fut commandé. Il fut bientôt servi tout chaud, tout bouillant et fort par-dessus le marché. Après avoir bu mutuellement à leur santé ce breuvage fumant, ils n’en devinrent que plus communicatifs.

« Je suis un peu parent de Pecksniff, savez-vous ? dit le jeune homme.

— En vérité ! s’écria M. Pinch.

— Oui. Mon grand-père est son cousin ; ainsi nous sommes parents et amis, de manière ou d’autre. Comprenez-vous cela ? Moi, je m’y perds.

— Alors Martin est votre nom de baptême ? dit M. Pinch d’un air pensif. Oh !

— Oui, naturellement. Je voudrais que ce fût mon nom patronymique, car le mien n’est pas beau, et il faut trop de temps pour le signer. Je m’appelle Chuzzlewit.

— Ô ciel ! s’écria M. Pinch, qui tressaillit involontairement.

— Vous n’êtes pas surpris, je suppose, de ce que j’ai deux