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Elle procéda ensuite au soin de dénouer son paquet, alluma une chandelle à l’aide d’un briquet phosphorique qui se trouvait dans un tiroir, remplit d’eau une petite bouillotte, préliminaire des tasses de thé qu’elle serait obligée de boire pour se rafraîchir pendant la nuit, apprêta ce qu’elle appelait « un brin de feu » dans ce but philanthropique, et prépara un petit plateau pour qu’il ne manquât rien au confort de sa collation. Ces préparatifs la menèrent si loin, qu’au moment où ils se terminèrent il était grandement temps de songer au souper. Mistress Gamp sonna et demanda qu’on la servît.

« Je pense, jeune femme, dit-elle à la domestique, d’un ton qui annonçait une grande faiblesse d’estomac, que je pourrais prendre une petite tranche de saumon salé avec un joli petit brin de fenouil, le tout saupoudré de poivre blanc. Je prendrai aussi du pain tendre, ma chère, avec un petit morceau de beurre frais et une bouchée de fromage. Si par hasard il y avait dans la maison quelque chose comme un concombre, voudriez-vous avoir la bonté de m’en apporter ? car j’en suis amateur, et puis c’est très-sain dans une chambre de malade. Si l’on a ici du Brighton Tipper, je prendrai dans la nuit de cette ale-là, mon amour, car les médecins la considèrent comme propre à tenir les sens éveillés. Mais dans tous les cas, jeune femme, ne m’apportez pas pour plus d’un schelling de gin avec l’eau bouillante pour les grogs quand je sonnerai pour la seconde fois, car c’est toujours ma mesure, et jamais je n’en bois une goutte de plus !… »

Ayant donné ces modestes prescriptions, mistress Gamp ajouta qu’elle resterait sur le seuil de la porte jusqu’à ce que ses ordres fussent exécutés, afin que le malade ne fût pas dérangé en entendant rouvrir cette porte une seconde fois ; en conséquence, elle serait très-obligée à la jeune femme de se dépêcher.

On apporta un plateau sur lequel se trouvait tout ce que la garde avait demandé, tout, jusqu’au concombre. Mistress Gamp se mit donc à boire et à manger de bon et joyeux appétit. La passion avec laquelle elle se régalait de vinaigre et humait ce liquide rafraîchissant sur la lame de son couteau ne peut pas se rendre dans un récit.

« Ah ! soupira mistress Gamp, comme si elle méditait sur son schelling de grog chaud, quel bonheur, dans cette vallée de misère, de se donner un peu de contentement ! Quelle bénédiction du ciel de pouvoir bien soigner les pauvres malades