Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/476

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tress Gamp s’adressa à John), si l’on considère la nature de nos pénibles devoirs ; et, encore si ça ne dépendait que de nous, ça ne serait pas long à payer. »

Jugeant qu’elle n’avait pas mal débité son compliment d’installation, mistress Gamp fit un salut à la ronde et témoigna le désir d’être conduite à l’endroit où l’appelaient les devoirs de son emploi. La domestique la mena, par une quantité de couloirs, jusqu’au bout de la maison ; et lui indiquant enfin une porte isolée à l’extrémité d’une galerie, elle lui apprit que c’était la porte de la chambre où gisait le malade. Après quoi, elle détala de toute la vitesse de ses jambes.

Mistress Gamp, accablée de chaleur pour avoir gravi tant de marches sous le poids de son lourd paquet, traversa la galerie et frappa à la porte. Mistress Prig lui ouvrit immédiatement. Elle avait son châle et son chapeau et était toute prête à partir bien vite. Cette dame était bâtie dans le genre de Mme Gamp, sauf qu’elle était un peu moins grosse ; mais sa voix était plus forte, plus masculine. Elle avait aussi de la barbe.

« Je commençais à croire que vous ne viendriez pas, dit mistress Prig d’un ton de mécontentement.

— Demain soir, dit mistress Gamp, ça ne sera pas comme ça, mon honorable amie : c’est que j’ai été obligée d’aller chercher mes effets. »

Mistress Gamp avait commencé par faire des signes d’intelligence à sa collègue pour s’informer de l’état du malade, et surtout pour savoir s’il ne pourrait pas les entendre, car il n’y avait entre elles et lui qu’un simple paravent ; mais son amie la rassura à cet égard :

« Oh ! dit-elle à haute voix, il est tranquille, mais sa raison est décampée. Vous pouvez bien dire tout ce que vous voudrez.

— Avez-vous, ma chère, quelque observation à me faire avant de partir ? demanda mistress Gamp en posant son paquet par terre derrière la porte, et regardant son associée de l’air le plus affectueux.

— Le saumon salé est tout à fait délicieux, répondit mistress Prig, je vous le recommande particulièrement. Mais ne goûtez pas à la viande froide, car elle sent l’écurie. Toutes les boissons, par exemple, sont excellentes. »

Mistress Gamp exprima sa vive satisfaction.

« Les remèdes et les fioles sont dans les tiroirs, dit à la hâte mistress Prig. Il a pris à sept heures sa dernière tasse