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Voilà plusieurs semaines que je ne puis me tenir debout. Ce sont là vos effets, à ce que je vois ? ajouta-t-il en montrant le bagage.

— Oui, monsieur, dit Mark. Ne pourriez-vous pas nous recommander à quelqu’un qui nous donnât un coup de main pour nous aider à les porter à… la ville ?

— Mon fils aîné vous rendrait bien ce service s’il était en état de le faire, répondit l’homme ; mais c’est aujourd’hui son jour de frisson, et il est couché, enveloppé dans les couvertures. Mon plus jeune est mort la semaine dernière.

— J’en suis sincèrement fâché, mon brave homme, dit Mark, lui prenant la main. Ne vous occupez pas de nous. Venez avec moi, je vous donnerai le bras pour vous en retourner. Nos bagages sont là en sûreté, n’est-ce pas ? dit-il à Martin ; car il n’y a pas ici grand monde qui puisse les emporter. C’est toujours ça.

— Non, s’écria l’homme. Si vous voulez du monde, c’est là qu’il faut le chercher… »

Et il frappa de son bâton sur le sol.

« Ou là-bas, dans le bois, au nord. Nous en avons enterré un grand nombre. Le reste s’est sauvé. Ceux que nous avons encore ici ne sortent pas la nuit.

— L’air de la nuit n’est pas tout à fait salubre, je suppose ? dit Mark.

— C’est un poison mortel ! » répondit le colon.

Mark ne témoigna pas plus d’inquiétude que si cette atmosphère lui était présentée comme de l’ambroisie ; mais il offrit son bras à l’homme et, tout en marchant, il lui exposa la nature de leur achat et lui demanda où se trouvait la propriété.

« Tout près de notre hutte, dit l’homme, si près que j’ai employé votre habitation comme lieu de dépôt pour y mettre un peu de blé ; je vous prie de m’excuser pour ce soir ; demain je tâcherai de vous en débarrasser. »

Il lui donna alors à entendre, par manière de causerie locale, qu’il avait enterré de ses propres mains le dernier propriétaire ; confidence que Mark reçut sans que sa tranquillité d’esprit en fût le moins du monde altérée.

Bref, l’homme les mena à une misérable cabane, grossièrement construite de troncs d’arbres, dont la porte était tombée ou avait été enlevée depuis longtemps, et qui, par conséquent, était ouverte aux beautés naturelles de ce pays sauvage et aux