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CHAPITRE XXII.

Où l’on verra que Martin devint un lion pour son propre compte, et par quelle raison il le devint.


Dès qu’on sut généralement à l’Hôtel National qu’un jeune Anglais, M. Chuzzlewit, avait acheté un lot de terrain dans la vallée d’Éden, et qu’il projetait de se rendre à ce paradis terrestre par le prochain steam-boat, il devint un personnage populaire, ce qu’on appelle un caractère. Pourquoi ou comment cela se fit-il, Martin ne le savait pas plus que Mme Gamp, de Kingsgate-Street, High Holborn ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il était devenu, pour le moment, par acclamation populaire, le lion de la grande famille Watertoast, et que l’on était affamé de sa société.

Le premier avis qu’il reçut du changement de sa position fut par l’épître suivante, écrite sur une feuille de papier rayé de bleu, en caractères fins et déliés, avec une ou deux grandes lettres çà et là, pour rendre plus frappant l’effet général.

« Hôtel National, lundi matin.
« Cher monsieur,

« Avant-hier, tandis que j’avais l’avantage d’être votre compagnon de voyage sur le chemin de fer, vous avez fait, au sujet de la Tour de Londres, quelques observations que, d’accord avec la généralité de mes concitoyens, je désirerais voir reproduites en une séance publique.

« En ma qualité de secrétaire de la Watertoast Association des jeunes gens de cette ville, j’ai reçu mission de vous informer que la Société sera heureuse et fière de vous entendre, demain à sept heures du soir, dans la salle, faire une leçon sur la Tour de Londres ; et comme on peut s’attendre à une abondante récolte de dollars à un schelling le billet, vous m’obligerez infiniment en m’envoyant par le porteur votre réponse et votre consentement.

« Je suis, cher monsieur, votre tout dévoué,

« La Fayette Kettle.

« À l’honorable M. Chuzzlewit.