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était malade au Dragon, et la jeune demoiselle qui l’accompagnait. »

Les dents de Tom claquèrent, et il chancela positivement sous le coup de la stupéfaction, en remarquant l’effet extraordinaire que ces simples paroles avaient produit sur M. Pecksniff. La crainte de perdre les bonnes grâces du vieux Chuzzlewit presque dès le lendemain de la réconciliation, par le seul fait de la présence de Jonas dans la maison ; l’impossibilité de renvoyer Jonas, ou de l’enfermer, ou de le garrotter, pieds et poings liés, et de le fourrer dans la cave au charbon, sans l’offenser à tout jamais ; l’horrible discorde qui régnait dans la maison, sans qu’il y eût le moindre moyen d’y ramener une harmonie convenable, avec l’emportement de Charity ; le désordre extrême où se trouvait Mercy, Jonas au parloir, et Martin Chuzzlewit et sa jeune compagne sur le seuil même de la porte ; l’impossibilité absolue de dissimuler ou d’expliquer d’une manière plausible cet état de confusion inextricable : toute cette accumulation soudaine de perplexités, de complications et de brouillamini qui tombait sur la tête du digne M. Pecksniff (quand, pour s’en tirer, il avait compté sur le temps, sa bonne fortune, sa chance et sa propre adresse), tout cela, disons-nous, remplit d’un tel trouble l’architecte pris au piège, que, si Tom avait été par hasard une Gorgone fixant des yeux étincelants sur Pecksniff, et que Pecksniff eût été une Gorgone regardant Tom à son tour, ils ne se fussent pas fait l’un à l’autre la moitié de la peur qu’ils éprouvaient.

« Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Tom. Qu’ai-je fait ? … Et moi, qui espérais que ce serait une agréable surprise pour vous, monsieur ! Et moi qui croyais que vous alliez être charmé d’apprendre cette nouvelle ! »

Mais en ce moment un coup sonore retentit à la porte du vestibule.