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haussa à un si haut degré ses autres avantages, que M. Pecksniff perdit dans le premier moment sa présence d’esprit et se mit à regarder le jeune homme avec une sorte d’étonnement mêlé d’admiration. Mais il ne tarda point à reprendre son calme habituel, et il songeait à détourner la conversation quand on entendit au dehors un pas précipité : Tom Pinch, tout hors de lui, s’élança dans la chambre.

À la vue d’un étranger qui paraissait avoir avec M. Pecksniff un entretien particulier, Tom resta comme pétrifié, bien qu’il parût avoir à faire à son patron une communication très-importante, sans quoi il ne se serait pas permis d’entrer si brusquement.

« Monsieur Pinch, dit Pecksniff, c’est tout au plus si votre conduite est convenable. Vous m’excuserez si je vous dis qu’elle me semble tout au plus convenable, monsieur Pinch.

— Je vous demande pardon, monsieur, répondit Pinch, de n’avoir pas frappé à la porte.

— C’est plutôt à ce gentleman que vous avez à demander pardon, monsieur Pinch ; je vous connais, moi, tandis qu’il ne vous connaît pas. C’est mon élève, monsieur Jonas. »

Le futur gendre adressa à Pinch un léger mouvement de tête qui n’était qu’insignifiant, sans dédain ni mépris, M. Jonas étant pour le moment en belle humeur.

« Puis-je vous dire un mot, monsieur, s’il vous plaît ? demanda Tom. C’est très-pressé.

— Il faut que ce soit bien pressé pour justifier votre étrange conduite, monsieur Pinch, répliqua son maître. Excusez-moi pour un moment, mon cher ami… Maintenant, monsieur, quelle est la cause de cette entrée si brusque ?

— J’en suis au regret, monsieur, dit Tom, debout dans le couloir, son chapeau à la main devant M. Pecksniff ; car je sais que les apparences me donnaient tort.

— Tout à fait tort, monsieur Pinch.

— Oui, je le pense, monsieur ; mais la vérité est que j’ai été tellement surpris de les voir et que je savais si bien que vous le seriez également, que j’ai couru en toute hâte à la maison, et qu’en réalité je n’étais plus assez maître de moi pour savoir au juste ce que je devais faire. Il y a quelques instants, monsieur, j’étais à l’église où je touchais l’orgue pour mon plaisir, lorsque, m’étant avisé de regarder autour de moi, j’aperçus un gentleman et une dame qui étaient dans la nef et écoutaient. Ils semblaient être étrangers au pays au-