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« Elle ne croira pas ce que je vais lui déclarer, n’est-ce pas, ma cousine ? dit Jonas, serrant timidement miss Charity.

— Franchement, monsieur Jonas, je l’ignore ; il faut que d’abord je sache de quoi il s’agit. Autrement, cela m’est impossible.

— Vous concevez, dit Jonas ; comme son habitude est de se moquer toujours du monde, je sais d’avance qu’elle va rire ou en faire semblant. Mais vous pouvez lui dire que je parle sérieusement, ma cousine ; vous le pouvez, n’est-il pas vrai ? Vous lui déclarerez que vous étiez instruite de la chose. Vous agirez d’une manière honorable, j’en suis sûr, » ajouta-t-il d’un ton persuasif.

Pas de réponse. Le gosier de Jonas semblait devenir de plus en plus brûlant et de plus en plus difficile à gouverner.

« Vous savez, cousine Charity, poursuivit Jonas, qu’il n’y a que vous qui puissiez lui dire toutes les peines que je me suis données pour jouir de sa société quand vous étiez à la pension bourgeoise de la Cité ; personne ne le sait mieux que vous. Nul autre ne peut lui dire tous les efforts que j’ai faits pour arriver à vous connaître davantage, afin de pouvoir la mieux connaître elle-même sans avoir l’air de le désirer. Je vous adressais toujours des questions à son sujet, je vous demandais où elle était allée, et quand elle viendrait, et comment elle se portait, et le reste ; n’est-il pas vrai, cousine ? Je sais que vous le lui direz, si vous ne le lui avez dit déjà, et… et… J’ose croire que vous le lui avez dit, parce que je n’ignore pas combien vous êtes honorable. »

Pas de réponse encore. Le bras droit de M. Jonas, sur lequel était appuyée la sœur aînée, eût pu sentir une agitation désordonnée qui ne provenait pas de lui ; mais nul autre indice ne pouvait lui révéler que ses paroles eussent produit le moindre effet.

« Si même, continua Jonas, vous avez gardé cela pour vous, que vous ne l’en ayez pas instruite, peu importe : car maintenant vous en rendrez témoignage, n’est-ce pas ? Depuis le premier jour, nous avons été bons amis, et naturellement nous resterons bons amis à l’avenir ; ainsi, je ne crains pas de m’expliquer un peu devant vous. Cousine Mercy, vous avez entendu ce que j’ai dit. Votre sœur vous le confirmera mot pour mot, comme elle le doit. Voulez-vous m’accepter pour mari ?… »