Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.

clairs possible, dont le mouvement de leurs chaises à bascule faisait ressortir tous les avantages, de manière à justifier les distractions du visiteur.

Il n’y a pas de doute que c’était furieusement agréable, d’être assis dans cette gentille chambre bien meublée, chauffée par un bon feu et pleine d’ornements gracieux, y compris quatre souliers et un nombre égal de bas de soie et, pourquoi pas ? les pieds et les jambes ci-inclus. Nul doute non plus que Martin ne fût énormément disposé à contempler sous ce jour sa position, après ce qu’il venait de voir sur le Screw et à la pension bourgeoise de mistress Pawkins. En conséquence, il fit de grands frais d’amabilité ; et il était à l’apogée de la bonne humeur et en train de plaire extrêmement à toute la famille, quand le thé et le café arrivèrent, avec des confitures et de bons petits gâteaux.

Encore une circonstance délicieuse qui se révéla avant qu’on eût pris la première tasse de thé : c’est que toute la famille avait été en Angleterre. N’était-ce pas ravissant ? Mais la satisfaction de Martin diminua un peu quand il apprit que ses hôtes connaissaient sur le bout de leurs doigts tous les grands ducs, lords, vicomtes, marquises, duchesses, chevaliers et baronnets, et possédaient à fond, sur leur compte, les plus petites particularités. Toutefois, lorsqu’on lui demandait des nouvelles de tel ou tel personnage aristocratique, et qu’on lui disait : « Se porte-t-il bien ? » Martin répondait : « Oui, oh ! oui. Jamais il ne s’est mieux porté. » Et quand on lui demandait si la mère de Sa Seigneurie la duchesse n’était pas trop changée, Martin répondait : « Oh mon Dieu ! non ; vous la verriez demain, n’importe où, que vous la reconnaîtriez tout de suite. » Ce n’était pas mal se tirer d’affaire. De même, quand les jeunes filles l’interrogeaient touchant les poissons dorés de la fontaine Grecque, qu’elles avaient admirés dans la serre de tel ou tel gentilhomme, et lui demandaient s’il y en avait toujours autant qu’autrefois, il répondait gravement, après mûre réflexion, qu’il devait bien y en avoir maintenant deux fois autant, et quant aux plantes exotiques : « Oh ! ce n’est rien que de le dire, il faudrait le voir pour le croire ! » Ce brillant concours de circonstances rappela au souvenir de la famille la fête magnifique donnée en présence de toute la paierie britannique et de tout l’almanach de la Cour, et à laquelle la famille avait été spécialement invitée, d’autant plus que cette fête se donnait un peu en son hon-.