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vous plaît, s’écria Pinch d’un ton très-animé. M. Westlock, monsieur, s’en allant pour toujours, souhaite de ne laisser que des amis derrière lui. L’autre jour, M. Westlock et vous, monsieur, vous avez eu une petite altercation ; vous aviez eu précédemment plusieurs petites altercations.

— De petites altercations ! s’écria Charity.

— De petites altercations ! répéta Mercy.

— Mes amours ! mes chéries ! » dit M. Pecksniff en élevant sa main avec son calme habituel.

Après une pause solennelle, il s’inclina vers M. Pinch, comme pour lui dire : « Continuez. » Mais M. Pinch était si embarrassé pour s’exprimer, et regardait d’un air si piteux les deux miss Pecksniff, que la conversation en fût probablement restée là, si un jeune homme de bonne mine, très-récemment arrivé à l’âge viril, ne s’était avancé sur le seuil de la porte, et n’avait repris en main le fil du discours.

« Eh bien ! monsieur Pecksniff, dit-il avec un sourire, voyons, pas de rancune, je vous prie. Je regrette que nous ayons jamais été en désaccord, et je suis extrêmement fâché de vous avoir contrarié. Ne nous quittons pas en mauvaises dispositions.

— Je n’ai, dit doucement M. Pecksniff, de dispositions mauvaises contre âme qui vive.

— Je vous avais bien dit qu’il n’en avait pas, dit Pinch à demi-voix. Je savais bien, moi, qu’il n’en avait pas !… Je le lui ai toujours entendu dire.

— Alors, monsieur, voulez-vous me donner une poignée de main ? s’écria Westlock, faisant un pas ou deux, et appelant par un regard toute l’attention de M. Pinch.

— Hum !… dit M. Pecksniff, de son ton le plus enchanteur.

— Serrons-nous la main, monsieur.

— Non, John, répondit M. Pecksniff avec un calme presque céleste ; non, nous ne nous serrerons pas la main, John. Je vous ai pardonné. Je vous avais pardonné déjà, même avant que vous eussiez cessé de m’adresser des reproches et de me lancer des brocards. Je vous embrasse en esprit, John : cela vaut mieux que de se donner des poignées de main.

— Pinch, dit le jeune homme, se tournant vers son ami avec un profond dégoût pour celui qui avait été son maître, qu’est-ce que je vous avais dit ? »

Le pauvre Pinch regarda timidement et à la dérobée