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— Quoi qu’il en soit, répondit-elle en souriant, c’est votre ami, cela me suffit.

— Oh ! oui, certainement, c’est mon ami, dit Martin. De fait, je lui ai répété bien des fois que nous aurions toujours des égards pour lui, et que nous le protégerions ; et il a cela de bon qu’il est reconnaissant, très-reconnaissant. Vous serez contente de lui à tous égards, mon amour. Vous verrez combien il est grotesque et rococo, mais vous n’aurez pas besoin de vous gêner pour vous moquer de lui ; il ne s’en offusquera pas. Au contraire, cela lui fera plaisir.

— Je ne pense pas en faire l’expérience, Martin.

— Non, si vous pouvez vous en empêcher ; mais je crois bien que vous trouverez l’épreuve au-dessus de votre gravité. En tout cas, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Revenons à ma lettre, qui se termine ainsi : « — Sachant bien que je n’ai pas besoin de m’étendre plus longuement vis-à-vis de vous sur la nature de cette confidence, car vous êtes suffisamment édifié sur ce sujet, je me bornerai à vous dire, en vous adressant mon adieu et en appelant de mes vœux notre prochaine réunion, qu’à partir de ce moment je me charge, au milieu de mes succès futurs, de votre fortune et de votre bonheur, comme si c’était pour moi. Vous pouvez compter là-dessus. Croyez-moi toujours, mon cher Tom Pinch, votre ami dévoué, Martin Chuzzlewit. P. S. Je joins à cette lettre le montant de ce que vous avez eu la bonté de… » Oh ! dit Martin, s’arrêtant tout court et pliant la lettre, ce n’est rien ! »

En ce moment critique, Mark Tapley intervint pour faire remarquer que l’heure sonnait à l’horloge des Horse-Guards.

« Je n’en aurais pas fait l’observation, monsieur, dit-il, si la jeune dame ne m’avait pas recommandé particulièrement d’avoir bien soin de l’en avertir.

— C’est vrai, dit Mary. Je vous remercie. Vous avez parfaitement raison. Dans une minute, je serai prête à partir. Nous ne pouvons plus qu’échanger quelques mots à peine, cher Martin ; et, bien que j’aie à vous dire encore tant de choses, il faudra que je m’en abstienne, jusqu’à l’heureux jour de notre prochaine réunion. Puisse le ciel nous envoyer ce jour au plus tôt, et le plus heureux possible ! Mais je n’ai pas de crainte là-dessus.

— De la crainte ! s’écria Martin. Pourquoi en auriez-vous ? Qu’est-ce que c’est que quelques mois ? qu’est-ce qu’une année entière ? Quand je reviendrai gaiement, après m’être